Depuis quelques semaines, Carl Icahn souffle le chaud et le froid avec Apple. L’homme d’affaires qui est en une du Time avec comme titre « Master of the Universe » (Maître de l’univers, rien que ça) en a profité pour évoquer le cas de la firme de Cupertino.
Ces derniers mois, Carl Icahn a accumulé les actions Apple. Aux dernières nouvelles, il serait actionnaire à hauteur de 0,5 %, ce qui est « considérable » quand on sait que la capitalisation boursière d’Apple dépasse les 500 milliards de dollars.
Estimant à juste titre que le cours de l’action est sous-évalué, il milite pour qu’Apple revoie à la hausse de manière sensible son programme de rachat d’actions. En avril dernier, Tim Cook avait fait savoir qu’Apple achèterait d’ici 2015 pour 60 milliards de dollars d’actions, soit six fois plus que ce qui était prévu initialement en 2012 (lire : Apple va racheter six fois plus de ses actions).
Carl Icahn veut interroger les actionnaires
Mais l’homme d’affaires estime que cela n’est pas suffisant et qu’Apple devrait monter ce programme à 150 milliards. Après bien des discussions, Tim Cook a émis une fin de non-recevoir en octobre dernier lors de la publication des résultats trimestriels d’Apple (lire : Tim Cook repousse les avances de Carl Icahn).
Pour arriver à ses fins, Carl Icahn a décidé de prendre les actionnaires à partie. Fin novembre, il a accompli les démarches nécessaires pour qu’il soit demandé aux actionnaires d’Apple lors de la prochaine assemblée générale si Apple doit revoir à la hausse son programme de rachat d’actions, sans donner toutefois un montant précis.
Les assemblées générales d’Apple étaient souvent de simples formalités. Celle qui s’annonce et qui devrait avoir lieu en février prochain s’annonce un peu plus délicate qu’à l’accoutumée. Cela pourrait être une sacrée partie d’échecs.
En théorie, le conseil d’administration prend position sur chacune des propositions qui lui sont formulées et qui sont sujettes à un vote. La particularité de la demande d’Icahn, c’est qu’elle n’est pas directive. Même si elle était amenée à recueillir la majorité des suffrages, elle laisserait le soin à la direction de trancher en ultime ressort. Mais celle-ci apparaîtrait comme affaiblie.
Apple a d’ailleurs peut-être déjà pris les devants. Anormalement bavard pour une fois, son porte-parole, Steve Dowling, a fait savoir au magazine Time que son groupe allait étudier le retour de ses actionnaires concernant les programmes de versement de dividendes et de rachat d’actions mis en place. La direction et le conseil d’administration analyseront ensuite la situation et décideront éventuellement de les réévaluer durant la première partie de 2014.
En attendant, Carl Icahn joue à merveille sa partition soufflant le chaud et le froid. S’il se fait menaçant - juste ce qu’il faut - il parvient également à se montrer bienveillant vis-à-vis de l’équipe en place. Au Time, il assure que « Tim Cook fait un bon travail avec l’entreprise ». D'autre part, son tweet indique qu'il était susceptible d'accepter un montant moindre que les 150 milliards demandés jusqu'à très récemment.
Quelles sont les conséquences d’une OPRA ?
Une offre publique de rachat d’actions (OPRA) a plusieurs conséquences. Un tel procédé renforce les actionnaires en place, puisqu’il y a moins d’actions sur le marché. Cela a principalement deux conséquences : cela augmente d’une part mécaniquement le bénéfice net par action, et donc le dividende versé. D’autre part, cela fait repartir mécaniquement l’action à la hausse.
Ce type de programmes se pratique uniquement pour les sociétés disposant d’une situation financière florissante et disposant d’une trésorerie abondante, dont elle ne sait que faire.
Apple remplit tous ces critères. On notera que les 150 milliards demandés par Icahn correspondent peu ou prou à la somme qu’Apple possède en cash. Précisons au passage que si la firme de Cupertino cédait aux demandes de Carl Icahn, les réserves financières d’Apple ne disparaîtraient pas du jour au lendemain. C’est un programme échelonné dans le temps, et qui implique un montage financier complexe.
Aller à l’encontre de l’ADN d’Apple ?
L’argumentation de Carl Icahn pour pousser Apple à booster son programme de rachat d’actions est simple. À plusieurs reprises, l’homme a déclaré : « Apple n'est pas une banque et elle ne doit pas être dirigée comme une banque, parce que les investisseurs n'ont pas investi dans une banque. Apple a tout cet argent, ils doivent l'utiliser ! ».
À Time, il a répété qu’il discutait fréquemment avec Tim Cook et que ce dernier l’écoutait avec une oreille attentive. Sa dernière discussion remonte au 21 novembre et a duré une vingtaine de minutes.
Pour l’anecdote, Carl Icahn raconte que l’assistant de Tim Cook a tenté de caler le rendez-vous téléphonique à 5 heures du matin (fuseau du pacifique). L’homme hilare a répondu que c’était à cette heure qu’il se couchait et que cet homme était plus difficile à avoir que le président des États-Unis.
La difficulté pour les dirigeants d’Apple, c’est que cette affaire la met face à son histoire et ses vieux démons. A la fin des années 90, elle était à trois semaines de la faillite. Steve Jobs n’a jamais oublié cet épisode et a accumulé (plus que de raison ?) des dizaines et des dizaines de milliards de dollars. Le temps est-il venu pour Apple de revoir sa doctrine ?
Carl Icahn donne peut-être la réponse : « Beaucoup de gens disent que Steve Jobs ne m’aurait probablement jamais adressé la parole et c’est peut-être vrai. Mais je pense qu’il (Tim Cook) trouve nos conversations intéressantes. Il dit ‘Ecoutez, vous avez accompli beaucoup de choses, et nous voulons vous écouter.’»