Il y a ceux qui achètent du Mac depuis 30 ans et il y a ceux qui le vendent depuis tout aussi longtemps. Une longévité spectaculaire dans ce secteur de la vente de produits informatiques, lorsqu'on voit la manière dont les produits et les modes d'achat ont changé. Elie Abitbol est le cofondateur, avec son frère Isaac, du revendeur Apple MCS.
Ils sont présents à Nice et à Cannes au travers de deux Apple Premium Resellers. L'enseigne aussi a fêté ses 30 ans, mais c'était il y a quatre ans. Les deux frères ont donc connu l'avant et l'après-Macintosh. La période où Apple s'est installée en France, avec un Steve Jobs qui avait déjà quelques idées bien arrêtées sur la manière dont ses ordinateurs devaient être montrés aux clients. La période noire aussi, où même des revendeurs Apple envoyaient leurs clients vers Windows 95… Souvenirs d'une autre époque où tout a commencé.
MacGeneration : Comment devient-on revendeur Apple il y a 30 ans, était-ce une aventure risquée à l'époque ?
Elie Abitbol : Avec mon frère Isaac, la création d'un magasin de micro-informatique était notre projet de fin d'études en école de commerce, qui s'est transformé en véritable projet d'entreprise. Nous avons démarré MCS en 1980, à une époque où il n'y avait pas de revendeurs informatiques. Pour trouver les rares micro-ordinateurs de l'époque dans la région, il fallait s'adresser à des magasins d'électronique marine. Apple n'était pas encore présente en France et il fallait importer les ordinateurs de Belgique. Assez rapidement, la marque a nommé un importateur (Sonotec) à Paris, avant de créer une filiale.
Un magasin d'électronique marine ?!
Eh bien, aussi bizarre que cela puisse paraître, le seul magasin dans toute la région qui vendait de l'Apple était un magasin d'électronique pour bateaux qui s'appelait 'L'Onde Maritime', situé dans le port de Cannes Mandelieu. Ils vendaient des systèmes de navigation et autres accessoires pour des bateaux de plaisance.
Nous avons travaillé pour eux, mon frère et moi, en 'programmeurs free-lance' le temps de gagner les 20 000 francs de capital (9 500 euros, en tenant compte de l'inflation, ndr) qui nous ont permis, avec un associé, Jean-Claude Robert, de réunir 40 000 francs de capital pour monter une SARL. Étant Espagnols tous les deux, à l'époque de Giscard et où l'Espagne ne faisait pas partie de la CEE, il fallait avoir un associé français pour créer une société en France. Il nous a fallu un an de démarches quotidiennes pour obtenir cette autorisation, en attendant on a travaillé en free-lance pour l'Onde Maritime.
C'était assez extraordinaire, à l'époque nous angoissions à l'idée de dépenser quelques centaines de francs pour acheter des meubles alors qu'on dépense aujourd'hui plusieurs centaines de milliers d'euros pour aménager un magasin… avec des marges qui ont fondu comme neige au soleil !
Est-ce qu'il y a eu la tentation d'aller voir du côté d'IBM, le grand rival d'alors ?
L'arrivée de l'IBM PC en France, en 1983, a donné une sorte de légitimité au marché. En même temps, Apple dévoilait le Lisa, le premier ordinateur à posséder une interface graphique et une souris… pour 80 000 francs de l'époque (26 000 euros aujourd'hui, ndr) ! Lisa est à ce jour la technologie Apple qui m'a le plus marqué… Après l'avoir découvert pour la première fois, j'en ai rêvé pendant des semaines ! Le Mac de Jobs était un petit Lisa en moins cher, une vengeance pour avoir été écarté de ce projet.
1983 a été une année charnière puisqu'il a fallu prendre une décision radicale. En effet, pour vendre Lisa, Steve Jobs exigeait un 2e showroom séparé avec comme seul mobilier une table en marbre où trônait le Lisa, tout seul, dans la pièce. La plupart des revendeurs ont préféré suivre la voie IBM, mais quelques casse-cou comme nous ont parié leur avenir sur la nouvelle interface Apple. Nous sommes restés revendeurs des deux univers jusqu'en 1989, tout en donnant une priorité à Apple sur IBM.
Et vous avez cédé aux exigences pour le Lisa ?
Oui, il faut se souvenir que le Mac n'était pas encore annoncé lorsque nous avons commencé à vendre le Lisa. Et bien sûr, nous avons dû accepter, car ce n'était pas négociable avec Steve. Notre associé de l'époque n'y croyait pas du tout, alors nous lui avons racheté ses parts et nous avons déménagé en 1983 de Cannes à Nice, rue Dante, où nous sommes toujours.
Et comment s'est passée la découverte du Mac ?
C'était à l'été 1983, lors d'une visite aux Ulis, en banlieue parisienne, au siège d'Apple France. Nos camarades du groupe produits avec l'excellent Bruno Rives à sa tête, m'ont emmené dans une salle et déballé le Mac 128k de sa sacoche kaki, exactement comme Steve Jobs le ferait en janvier 1984 !
À la question : 'voulez-vous être l'une des 3 sociétés à pouvoir développer pour le Mac en France ?' nous avons répondu OUI ! et du coup je suis reparti dans le vol Paris-Nice avec un Mac 128k en 110 volts, qui était un des secrets les mieux gardés de l'univers. J'ai eu un mal fou à passer les contrôles en essayant d'expliquer à des agents complètement dépassés que c'était un prototype d'ordinateur.
Pendant 6 mois, nous avons travaillé dans le coffre fort (MCS occupe un ancien local de la Société Générale), cachés derrière un drap tendu et personne, à part mon frère et moi, n'avait accès au prototype, au grand désespoir de nos employés et amis qui ont dû nous prendre pour des fous ! Le résultat fut que, lors de l'annonce du Mac en France, à l'Hotel Méridien de Nice, nous avions pas moins de 4 logiciels fonctionnels !
Parmi eux il y avait Chart (un module graphique pour le tableur Microsoft Multiplan qui ne savait pas faire de graphiques tout seul), Basic+ (un module en assembleur pour étendre les capacités graphiques du Basic rudimentaire de Microsoft), Gestock (une gestion de stock complète) et enfin Looking Glass ! Looking Glass était une démo des possibilités graphiques du Mac avec un aquarium et une loupe pilotée par la souris qui montrait en zoom, sur une petite télé dans un coin de l'écran, ce qui se trouvait sous la loupe.
Nous avons montré, lors d'un Sicob parisien (le grand salon informatique français de l'époque, ndr), cette démo à Bill Atkinson en personne qui nous en a demandé une copie pour la faire voir à Andy Hertzfeld et à l'équipe de développeurs de Cupertino ! Tu peux imaginer la scène devant Bill Atkinson, le génie absolu de l'interface du Lisa et du Mac, et nous à genoux en disant 'we're not worthy...' (nous ne sommes pas dignes). Bon, j'exagère un peu la scène avec l'âge, mais ça s'est réellement passé.
Bill avait pris une année sabbatique à Paris et travaillait au concept d'HyperCard que nous avions pu aussi découvrir en avant-première.
J'étais à peine ado à l'époque et le souvenir que j'en garde c'est que lorsqu'on entrait chez un revendeur Apple, on n'arrivait pas n'importe où. Ne serait-ce que le prix du matériel faisait qu'on était dans des magasins d'informatique pas comme les autres. Il y avait ce sentiment d'être un vendeur d'un genre particulier ?
Apple n'était pas très exigeante à l'époque sur les conditions d'entrée dans son réseau, mais par contre, pour travailler avec IBM, là c'était un véritable challenge et nous avions dû batailler ferme pour obtenir le précieux sésame. Jusqu'en 1983, les revendeurs informatiques étaient des sociétés qui faisaient en même temps du développement de logiciels et de la vente de matériel dans des conditions de "startup". Nous n'étions pas dans un garage, mais nous avions comme mobilier des portes posées sur des tréteaux (Amazon aussi a commencé comme ça pour économiser sur le mobilier…, ndr).
Ça a complètement changé aujourd'hui, mais à l'époque nous étions plus des développeurs qui concevaient des solutions sur mesure et qui vendaient le matériel qui permettait de les faire fonctionner. Au fur et à mesure que des logiciels standard (Office, etc) et des solutions métier de taille nationale (Sage…) sont arrivés sur le marché et que les ventes de matériel se sont développées, notre activité est passée d'une société de services vendant quelques unités centrales par an à une boutique informatique vendant plusieurs centaines, puis plusieurs milliers d'UC par an.
Nous avons donc beaucoup évolué en 30 ans, mais l'esprit est resté le même depuis l'origine, être un endroit d'accueil convivial où des passionnés se rencontrent pour partager une passion commune.
De mémoire encore, il n'y avait pas de revendeurs 100% Apple, je crois ? On vendait du Mac, mais aussi de l'IBM, de l'Apricot, du Goupil… À partir de quand cela a changé ?
Le basculement vers des magasins monomarques s'est fait progressivement entre 1985 et 1989. Plus le Mac devenait populaire et proposait des solutions dans une catégorie de métiers, plus nous avions du mal à proposer autre chose à nos clients. Du coup, nous avons insisté pendant des mois et avons fini par convaincre Apple de l'utilité d'un canal monomarque.
Les Apple Center sont nés en 1989, après un audit de plusieurs semaines. Il faut bien voir que pour la première fois, Apple acceptait de confier son nom à des revendeurs indépendants et il était hors de question, déjà à l'époque, de prendre des risques avec l'utilisation de la marque.
Je me rappelle très bien de cet instant où nous avons pris le risque fou de dire à IBM «Merci, mais nous allons arrêter de travailler avec vous » pour parier, pour la deuxième fois, notre avenir sur Apple.
L'autre souvenir que je garde de ces boutiques c'est qu'on y allait pour toucher les derniers matériels, voir les nouveaux manuels spécialisés, commander des logiciels… Tous ces à-côtés représentaient une activité importante ?
Oui, au milieu des années 1980, les magasins informatiques étaient des lieux de rencontre pour 'geeks' même si le terme n'existait pas à l'époque. On y trouvait du matériel et quelques périphériques, mais aussi des manuels d'utilisation et des revues informatiques. La plupart des logiciels, en dehors des logiciels réalisés sur mesure, venaient des États Unis où il existait des boutiques de logiciels comme Computerware, disparue depuis.
Quelle était la clientèle entre les années 1980/début 1990 ? J'imagine qu'elle était soit très passionnée, soit assez aisée (sinon les deux).
Au début des années 1980, nous avions deux grandes catégories de clients. Des PME qui pouvaient accéder pour la première fois à des micro-ordinateurs à des prix abordables et sans un service informatique dédié. On réglait leurs problèmes de gestion grâce à des logiciels fabriqués quasiment sur mesure pour chaque cas, plusieurs sociétés travaillaient dans ce secteur, dont la nôtre. Ensuite, il y avait des passionnés très aisés qui utilisaient les ordinateurs pour jouer ou développer eux-mêmes des logiciels avec le langage 'Basic' intégré dans les ordinateurs de l'époque.
Mais pour mieux comprendre, il convient de situer le contexte matériel de l'époque… Un micro-ordinateur type fonctionnait avec une cassette audio qui contenait le langage et les logiciels qu'il fallait charger à chaque mise en route. La machine possédait une mémoire de 4 Ko (un simple fichier TexTEdit contenant cet article pèse 6 fois plus et sans les images, ndr). Puis sont arrivés les 16 Ko de mémoire et les lecteurs de disquette de 140 Ko.
Le premier disque dur, de marque Corvus, possédait l'extravagante capacité de 5 Mo pour 40 000 francs… (13 000 euros), mais comme il n'existait pas de gestion de disque dur dans l'OS Apple, il fallait décomposer les 5 Mo en autant de volumes de 140 Ko… ce qui nous a posé des challenges passionnants pour gérer un fichier de stock ou une base de données clients, mais nous y sommes arrivés !
Puis l'activité d'édition de logiciels s'est transformée…
Oui et avec elle, la clientèle qui s'est diversifiée au milieu des années 1980. L'arrivée de logiciels comme Visicalc (le premier tableur de l'histoire) puis de Multiplan et d'Excel ont permis d'utiliser des micro-ordinateurs un peu partout dans le milieu professionnel pour des tâches incroyablement diverses qui ont fait exploser la base installée d'utilisateurs professionnels.
À côté de cette utilisation comme outils de modélisation et de prévision, les micro-ordinateurs sont devenus des outils de mise en page, associés à des imprimantes laser. Arrivés au début des années 2000, avec la baisse des prix et la diversification des modèles, de plus en plus de clients ont pu accéder à l'informatique.
Comment cela se passait avec Apple à l'époque, il y avait une proximité plus grande entre la filiale et le réseau ?
L'époque était différente les relations l'étaient tout autant. Nous étions là lors de la création d'Apple France. Je me rappelle que nous avions fait une réunion dans la région d'Aix-en-Provence avec 3 ou 4 revendeurs et quelques personnes qui allaient devenir les créateurs d'Apple France pour parler et imaginer le rôle d'Apple.
Parmi ces amis et pionniers d'Apple France, que je salue au passage, il faut citer Jean-Louis Gassée, Michel Delong hélas disparu, Louis Calvarin et Alain Vannier. La société qui détenait Apple France à l'époque s'appelait SEEDRIN, qui était un mélange entre Gassée (SEE) et la rue où il habitait à l'époque.
Nous avions démarré MCS en faisant 90% de développement et 10% de ventes. Nous étions donc assez proches des constructeurs, et donc d'Apple. Lorsque l'Apple III est sorti, nous étions quasiment les seuls à programmer en ExerSOS (nom peu connu de l'OS de l'Apple III, PDF) et du coup nous étions en relation directe avec Cupertino.
En 1984, lors de la sortie du LISA, nous étions 4 personnes à savoir programmer en CLASCAL (le langage-objet du LISA). Nous avions été formés avec deux personnes d'Apple, Christophe Droulers et Alain Andrieux, aux mystères du langage-objet par des ingénieurs venus spécialement de Cupertino.
Apple France, sous Jean-Louis Gassée, était une société très différente de l'Apple d'aujourd'hui. Beaucoup de communication, des relations personnelles et commerciales très étroites. Il fait dire aussi que l'on était au début, tout était à construire, les choses ont nécessairement changé depuis.
Est-ce que tu te souviens de la période où le Mac a remplacé les Apple II. Comment ça a été vécu par les clients ?
C'est un remplacement qui s'est fait progressivement. Il y a eu, dès le départ, les gens qui sont tombés amoureux de la technologie graphique et souris du Mac et qui l'ont adopté tout de suite, malgré le manque de logiciels. Parmi les pionniers il y a eu beaucoup d'universitaires et de chercheurs. En France, les professions libérales ont adoré la simplicité du Mac, et la Côte d'Azur compte pas mal de médecins, d'avocats…
Ensuite, il y a eu la naissance du marché du 'Desktop Publishing', cette Publication Assistée par Ordinateur qu'Apple a créé de toutes pièces avec la confluence heureuse de l'imprimante LaserWriter et d'un logiciel alors incroyable appelé PageMaker.
J'ai eu le privilège et la chance de rencontrer Paul Brainerd, le créateur de PageMaker, lors d'un SICOB et c'est même moi qui l'ai présenté à Apple France. Il va sans dire que MCS a été bêta testeur de PageMaker et que, dès le départ, nous avons pu participer au développement du marché de la PAO en France.
Pour le reste des clients, le remplacement s'est fait au fur et à mesure que les logiciels professionnels sont sortis sur la plateforme Mac et que la gamme de Mac s'est étendue et diversifiée.
Je me souviens aussi de la période autour de la sortie de Windows 95, avec parfois des revendeurs qui lâchaient Apple, parce qu'il y avait ce sentiment que les jeux étaient faits. Comment avez-vous traversé cette période ?
Les années 90 ont marqué une période de difficultés exacerbées pour Apple. La politique de la société était devenue un grand n'importe quoi, avec des changements de modèles presque tous les mois et une gamme très difficile à comprendre, même pour nous.
Apple a fait trois énormes erreurs stratégiques à mon avis :
Accorder une licence permettant à Microsoft d'utiliser un système de fenêtres superposables et de menus déroulants qui leur a permis de créer Windows 95. À l'époque, Microsoft avait menacé Apple d'arrêter le développement d'Office et Apple a préféré céder.
Accorder une licence de Mac OS à des fabricants de clones, en leur demandant gentiment de ne pas les concurrencer sur les segments de marché Apple… Résultat, au bout de quelques mois, les cloneurs avaient des machines bien moins chères dans le bas de gamme et bien plus puissantes dans le haut de gamme, tout en attaquant Apple dans son cœur de cible.
- Ignorer et minimiser la naissance d'Internet et du Web à partir de 1995. En effet, Apple avait un écosystème propre avec AOL puis avec 'eWorld' qui permettait un accès très limité à Internet (lire aussi Rétro MacG : eWorld, 20 ans après). Aussi surprenant que cela puisse paraître de nos jours, Internet n'était pas une priorité et un axe de développement pour les dirigeants Apple de l'époque.
Ces trois erreurs ont failli couler Apple !
C'est vrai que juste avant le retour de Steve Jobs il fallait avoir une confiance en acier pour continuer d'acheter du Mac envers et contre tous…
Oui, entre 1995 et 1997, avant le retour de Steve Jobs, la quasi-totalité des revendeurs avait abandonné Apple ainsi que la plupart des clients professionnels. L'exemple le plus frappant de l'époque avait été une interview d'un responsable de la FNAC, qui avait déréférencé Apple, et qui avait déclaré que la FNAC avait mieux à faire de ses mètres carrés que de soutenir une société qui allait faire faillite…
En 1997, seuls quelques Apple Centers, dont MCS, soutenaient Apple contre vents et marées et présentaient les solutions de la marque. Il faut bien se rappeler qu'avant la renaissance d'Apple dans les années 2000, Steve Jobs, dès son retour, a pris comme mesures essentielles : l'arrêt des licences de Mac OS et donc des clones ; la mise en chantier d'une machine permettant un accès simple à internet avec l'iMac ; la simplification extrême de la gamme avec 1 portable et 1 machine de bureau par segment de marché - grand public et professionnel - ce qui faisait au total seulement 4 machines : iMac, Power Mac, iBook et PowerBook.
Pourtant, même le retour de Jobs n'avait pas dissipé les craintes, il avait superbement réussi la vente de NeXT à Apple, mais certains doutaient qu'il soit capable de redresser la société…
Je crois pouvoir dire que nous avons toujours cru en Apple et nous étions confiants dans le fait qu'avec le retour de Steve, les choses allaient changer. Je me souviens d’un client qui investissait en bourse et qui était venu nous demander quoi faire avec des actions Apple à 15 dollars… Nous lui avons conseillé d'en acheter un maximum et je me dis que s'il les a gardées jusqu'au moment où elles sont passées à plus de 700$ il nous doit la plus belle plus-value de sa carrière !
Avec ce recul de plus de trente ans, comment a évolué ce métier de revendeur Apple ? On a vu par exemple qu'au départ la vente était secondaire face à des activités de services et de réalisation de logiciels
En 30 ans, MCS a beaucoup changé. Au départ nous étions une société de services qui fournissait des ordinateurs comme support des développements maison. Nous sommes ensuite devenus en 1989 une véritable boutique informatique monomarque, puis un 'Store de type Apple' en 2004, puisque j'avais ramené les idées des boutiques Apple aux États-Unis bien avant que le principe des Apple Retail Store n'arrive en France.
À partir de 2006, avec le programme Apple Premium Reseller, plusieurs revendeurs comme nous ont suivi Apple dans un virage très grand public qui s'est renforcé en 2010 avec l'arrivée de l'iPad et en 2013 avec la possibilité, au bout de 5 ans de tractations difficiles, de vendre enfin l'iPhone à nos clients.
En 30 ans, Apple a aussi beaucoup changé. Au départ, c'était une société à taille humaine avec qui l'on avait des rapports très étroits et très amicaux. Aujourd'hui, Apple est devenue une des plus grosses sociétés au monde… mais au passage elle a perdu un peu de son âme.
En fait, si j'osais une analogie, je dirais qu'Apple souffre d'un syndrome bipolaire. D'un côté, c'est une société merveilleuse, avec des designers et des ingénieurs à nul autre pareils qui bossent comme des malades pour créer les plus beaux produits au monde et qui réussissent encore à nous émerveiller à chaque fois.
De l'autre, c'est une multinationale froide qui est là pour faire gagner de l'argent à ses actionnaires et qui n'a aucune reconnaissance pour les gens qui l'ont aidée dans les périodes les plus sombres. Nos relations sont toujours très bonnes, mais comme dans toute relation 'passionnelle' il y a toujours des périodes difficiles.
Avec l'évolution des modes de vente, avec Internet, avec des boutiques Apple en nom propre, est-ce que les revendeurs Apple auront encore leur place dans dix ans ?
Est-ce que nous serons là pour les 40 ans du Mac ? Ça dépend ! Si ça ne tenait qu'à nous, je pense que OUI sans hésitation, mais Apple voudra-t'elle encore d'un réseau indépendant et lui donnera-t'elle les moyens de survivre dans un environnement de concurrence exacerbée ?
Nous acceptons volontiers la concurrence, tant que les règles du jeu sont les mêmes pour tous. Pour paraphraser un de mes chers amis et confrères, je dirais « tous les canaux de distribution Apple sont égaux, mais certains sont plus égaux que d'autres »
Ces 34 ans sont passés très vite et j'en retiens deux choses importantes : nous avons pu faire un métier passionnant, qui se renouvelle en permanence, et nous avons pu toucher et proposer des produits extraordinaires qui ont changé le vie de pas mal de monde. Et puis j'ai pu rencontrer et discuter avec des hommes extraordinaires comme Steve Jobs, Bill Gates ou, plus récemment, Tim Cook, mais ça est une autre histoire…
[màj] : actualisation des prix francs/euros en tenant compte de l'inflation.