Au-delà des présentations marketing sans accrocs et des discours triomphants pendant les keynotes, le procès entre Apple et Samsung qui se tient actuellement à San José lève le voile sur les doutes et les inquiétudes des deux parties. Samsung a ainsi décrété que 2012 devait être l'année pour battre Apple (« tout doit être entrepris dans cette optique pour battre Apple », selon le mémo). En janvier 2013, c'est Phil Schiller, le vice-président en charge du marketing, qui s'inquiète ouvertement de la campagne de pub matraquée par Samsung qui fait passer les clients d'Apple pour des simples d'esprit (lire : Apple v Samsung : la peur d'Android).
Devant la menace de ringardisation de l'entreprise, encore alimentée par un article du Wall Street Journal (« Apple a-t-elle perdu son côté "cool" en faveur de Samsung ? »), Phil Schiller a demandé à l'agence de pub d'Apple, Media Arts Lab (filiale de TBWA), des solutions pour se tirer de ce mauvais pas. Visiblement, la réponse de l'agence n'a pas eu l'heur de satisfaire le vice-président.
L’agence tente tout d'abord de calmer la colère de Schiller : « Nous ressentons aussi [la pression de Samsung] et cela nous fait mal. Nous comprenons totalement la nature critique de ce moment. Cette avalanche de facteurs crée une vision négative d'Apple ». L'agence propose ensuite plusieurs pistes à explorer pour sortir de l'ornière. La première est de discuter du comportement de la société, ce qui inclut les poursuites en justice, les travailleurs chinois et américains, la fortune d'Apple et sa restitution d'une partie sous une forme ou une autre. La feuille de route du constructeur (« quelles sont nos prochaines innovations ? »), le changement de la communication (en mettant par exemple l'accent sur les différences apportées par l'iPhone 5), ainsi que de nouvelles tactiques de vente à mettre en place sont au cœur de ce premier chapitre. L'agence propose à Schiller d'organiser une réunion d'urgence, similaire à l'« antenna-gate » (comme l'écrit l'agence) qui avait frappé l'iPhone 4, avec entre autres, Tim Cook, Jony Ive, et d'autres.
Le second point (« une nouvelle façon d'expérimenter des idées fortes ») explique qu'Apple se trouve dans la même situation (désespérée) qu'en 1997, en particulier en matière de besoin en communication pour aider Apple à passer au travers de cette passe difficile. L'agence se plaint entre les lignes que les réunions avec l'équipe en charge du marketing chez Apple sont protocolaires et pesantes, et qu'elles ne permettent pas de proposer des concepts qui sortent des sentiers battus. Dans le même ordre d’idées, le troisième point de ce courriel réclame la mise en place de réunions plus fréquentes afin de coordonner les efforts de chacun. Il se dégage également de ce dernier chapitre l'idée d'une campagne, « Les gens aiment leur iPhone », qui ressemble au premier jet de ce que deviendra plus tard « Designed by Apple in California » et ses spots montrant l'utilisation de différentes fonctions du smartphone.
La réponse de Phil Schiller n'a pas tardé. « Je suis frappé par cette réponse », écrit-il. Visiblement sous le coup d'une colère froide, il assène que « suggérer qu'Apple doit penser profondément différemment sur la manière dont nous gérons notre entreprise est une réponse choquante ». Il s'en prend aussi aux demandes de l'agence : « suggérer que nous devons vous donner plus de souplesse pour dépenser de l'argent afin d'explorer des idées que vous n'avez même pas essayé de nous montrer [pendant nos réunions] est choquant ». Le SVP rappelle que ces réunions ont lieu toutes les semaines et qu'il n'y a aucune barrière pour discuter des problèmes.
Enfin et surtout, Phil Schiller rappelle que l'Apple de 2013 n'a strictement rien à voir avec 1997. « En 1997, Apple n'avait aucun produit sur le marché. Nous avions une entreprise qui générait si peu de revenus que nous étions à six mois de mettre la clé sous la porte. Nous étions en train de mourir. […][Nous n'étions pas cette société] couronnée de succès, fabriquant les meilleurs produits au monde, ayant [jeté les bases du design] des smartphones et des tablettes, et leader dans la distribution de contenus et de logiciels. Pas cette entreprise que tout le monde veut copier et concurrencer ». Schiller se dit une fois de plus « choqué » et conclut que les propositions de l'agence ne sont pas celles qui permettront de créer des publicités pour l'iPhone et l'iPad « dont tout le monde, à l'intérieur et à l'extérieur d'Apple, sera fier ».
Le constructeur de Cupertino étant son seul client, autant dire que l'agence a filé droit. Dans une réponse, celle-ci s'excuse platement, expliquant avoir voulu simplement faire quelques propositions. « Nous nous sentons totalement responsables pour notre part du travail qui est de créer une super communication pour Apple et ses super produits ». Cet incident a sans doute poussé le conseil d'administration d'Apple à évoquer le changement d'agence de communication (lire : Apple v Samsung : quand Jobs appelait à la Guerre sainte contre Google).
Source : 9To5 Mac