L'acquisition de Beats par Apple aurait dû être actée par le constructeur informatique la semaine dernière, mais rien n'est venu. Dans ce type de transaction à plusieurs milliards de dollars, il n'est pas rare que des délais de dernière minute retardent l'officialisation. Et le deal pourrait tout aussi bien capoter : d'après TechCrunch qui le tient d'une source fiable, il y aurait « 70% de chance » qu'Apple s'empare effectivement du fabricant de casques audio — ce qui laisse une marge d'erreur conséquente de 30%.
Cette acquisition a d'ailleurs failli échouer à de multiples reprises, selon cette même source, qui confirme néanmoins que l'intérêt d'Apple pour Beats ne tient pas tellement à sa production de casques, voire au service de streaming musical Beats Music. « Ils veulent Jimmy [Iovine] et ils veulent [Dr] Dre ». Il s'agit donc surtout pour la Pomme d'avoir dans ses rangs deux figures reconnues de l'industrie musicale et au-delà, du divertissement tout court.
Car, comme nous l'avons souligné dans notre Une d'aujourd'hui, cet achat est surtout pour Apple une manière de rester dans la course culturellement parlant (lire : Apple/Beats : un mariage de cultures). L'acquisition de Beats procède de la même logique qui a vu Tim Cook recruter Angela Ahrendts (ex Burberry), Ben Schaffer (ex Nike), Ari Partinen (ex Leica) ou Paul Deneve (ex Yves Saint Laurent). La surface des activités du constructeur californien ne cesse de s'élargir et le pousse de plus en plus loin de sa zone de confort; l'entreprise a besoin de l'expertise et de l'expérience de ces spécialistes qui permettent à Apple d'embrasser des secteurs où elle est peu à son aise. La clientèle de Beats (plutôt jeune et afro-américaine) n'est pas nécessairement la cible traditionnelle d'Apple.
Par ailleurs, la Pomme se serait intéressée franchement à Beats après que la rumeur d'un intérêt de Samsung pour Beats a commencé à circuler. Étant donné les relations qu'entretiennent Apple et le fabricant de casques, le constructeur aurait sans doute vu d'un oeil mauvais Beats rejoindre l'escarcelle de son pire ennemi.
Avoir Iovine et Dre à ses côtés ne pourra qu'aider Apple dans ses négociations avec l'industrie du divertissement. Mais que faire des activités de Beats ? TechCrunch, qui a sans doute fait appel à la même source, explique qu'Apple aurait l'intention de maintenir Beats Music aux côtés d'un iTunes Store, dont la mission première resterait de vendre de la musique à la pièce.
Les maisons de disques auraient en effet un peu de mal à encaisser un passage de l'iTunes Store du modèle du téléchargement en dur à un modèle basé sur le streaming. Cela fait pourtant deux ans que les dirigeants d'Apple y songeraient… mais le scénario d'un basculement complet vers le tout streaming a paru irréaliste, voire dangereux. Que se passerait-il si d'aventure, les quelques 800 millions de clients d'iTunes devenaient soudainement les utilisateurs d'un service de streaming ? Nul doute que le secteur du disque sentirait le coup sur la tête.
La solution consistant à conserver un iTunes Store d'un côté, et à investir dans Beats Music de l'autre aurait les faveurs d'une industrie qui ne saurait se passer du milliard de dollars que la boutique d'Apple continue, bon an mal an, à générer en vendant de la musique à la pièce. Cette dépendance à l'iTunes Store est un puissant levier dans les relations entre Apple et les labels. Si Cupertino rajoute Iovine à sa force de frappe, sans oublier le redoutable Eddy Cue en charge des contenus web, alors Apple a de sérieuses cartes en main pour remodeler et relancer ses activités musicales.
Apple aurait les moyens de tordre le bras aux maisons de disques afin de lancer un forfait mensuel de streaming musical à 5$. L'objectif du constructeur est de recruter 20 millions d'abonnés, ce qui permettrait de générer 1,2 milliard de dollars, soit le versement à l'industrie de 960 millions par an (si Apple consent à réduire sa commission à 20%). Voilà qui serait suffisant pour remplacer les ventes à la pièce, en déclin.