L'architecture imaginée pour le bâtiment principal du campus 2 d'Apple, actuellement en plein travaux, n'a pas l'heur de satisfaire l'Institut américain des architectes. « Est-ce que cela doit être un vaisseau spatial ? », interroge un officiel de cet organisme, actuellement en congrès à Durban en Afrique du Sud, en compagnie de 6 000 de ses pairs. Il faut croire que la forme circulaire ne sied pas aux goûts de l'Institut, ni même aux autres architectes avec lesquels Philip Elmer-DeWitt a pu s'entretenir sur place.
Si Steve Jobs n'est plus là pour défendre ses choix architecturaux, un passage dans le dernier livre d'Ed Catmull, qui a travaillé de près avec le fondateur d'Apple pendant 26 ans alors qu'il était à la tête de Pixar, remet quelques pendules à l'heure au sujet des goûts architecturaux de Jobs. Son livre, Creativity, Inc., a aussi été l'occasion pour Catmull de s'exprimer sur sa collaboration avec son ancien patron (lire : La transformation de Steve Jobs sous Pixar).
Steve Jobs avait mis autant de sérieux à imaginer le QG de Pixar qu'à concevoir un nouveau produit pour Apple. Son idée était de « forcer l'interaction entre les gens ». En 1998, une réunion a provoqué chez Jobs une certaine frustration : personne ne comprenait pourquoi il voulait limiter le nombre de toilettes à une seule pour les hommes et une seule pour les femmes… L'idée de Jobs était alors de rassembler les gens par nécessité.
Autre concept autour duquel le fondateur d'Apple tournait à l'époque : réserver un bâtiment par film en cours de production. Les équipes en charge de chaque film auraient disposé de leurs propres espaces. Catmull a eu ici le dernier mot : « créer des bâtiments séparés pour chaque film aurait isolé [les équipes] ». En se baladant dans les locaux de Disney, lui et Jobs ont pu s'apercevoir à quel point les idées devaient circuler et être partagées. « [Steve Jobs] savait que la créativité n'était pas un effort solitaire ». Séparer les gens « dans des silos distincts — le projet A par ici, le projet B par là — pouvait être contre-productif », écrit Ed Catmull.
C'est après cet épisode que Steve Jobs a commencé à imaginer un bâtiment unique, dont l'architecture pousserait les personnes qui y travaillent à se rencontrer, à communiquer, et en bout de course, à s'encourager les uns les autres lors de la production de leurs films.
Jobs a fini par donner son aval à tous les détails du bâtiment, des arches en métal dans l'atrium central du QG au choix des chaises. Il ne voulait surtout pas de barrières ou rien qui pouvait être pris pour des barrières. Une entrée unique permet de savoir qui entrait et sortait du bâtiment. Au centre de ce fameux atrium, les employés trouvent de quoi se restaurer, des cinémas, des toilettes, une aire de jeux…
Vous sentez l'énergie dans ce bâtiment. Steve avait pensé à tout cela avec la métalogique d'un philosophe et la minutie d'un artisan. Il croyait dans les matériaux simples et bien conçus. (…) Il n'est pas étonnant de voir qu'à l'ouverture [du building] à l'automne 2000, après quatre ans de construction, les gens de Pixar — qui typiquement s'investissent quatre ans dans chaque film — aient fini par appeler le bâtiment "Le Film de Steve".
On comprend mieux à la lumière des explications d'Ed Catmull la logique qui a prévalu lorsqu'il s'est agi d'imaginer le futur anneau d'Apple. Steve Jobs a travaillé de très près avec le fameux architecte Norman Foster afin de coucher sur le papier le fameux spaceship qui doit atterrir à Cupertino fin 2016 (lire : Norman Foster donne quelques explications sur le Campus d’Apple).