L’affaire de la faillite de GT Advanced, l’ex futur fournisseur de saphir de synthèse d’Apple, est riche de mystère et de rebondissements; le témoignage de Daniel Squiller, le directeur d’exploitation (COO) de l’entreprise, donne un nouvel éclairage sur les relations complexes que GTAT entretenait avec son principal client. Les déclarations initiales de Squiller, destinées au tribunal qui doit statuer sur la mise en faillite de la société, sont gardées au secret et il y planait l’épée de Damoclès d’une sanction pécuniaire d’Apple (50 millions de dollars) en cas de fuite. Le COO a depuis déposé un témoignage que la justice peut divulguer sans que GTAT fasse l’objet de représailles financières.
Daniel Squiller y donne la meilleure explication possible sur l’arrêt prématuré du partenariat entre GTAT et Apple. L’accord reposait sur la production de « boules » de saphir de 262 kg alors que le sous-traitant fournissait alors des fourneaux capables de produire des boules de 115 kg. « Malheureusement, la production de boules de saphir de 262 kg n’a pas pu être accomplie dans les temps sur lesquels s’étaient accordées les deux parties. Ces problèmes et difficultés », explique t-il, « ont eu pour résultat la crise de trésorerie de GTAT ».
Son témoignage décrit aussi et surtout les difficultés d’être David face à Goliath. Le COO donne plusieurs exemples des demandes d’Apple qui ont fini par pousser GTAT au bord du précipice. On savait qu’Apple n’avait aucune obligation contractuelle d’acheter le saphir produit par son fournisseur, qui en retour a dû s’engager à en fabriquer énormément. On savait moins que GTAT devait en passer par l’accord d’Apple pour modifier un équipement, des spécifications ou des processus de production; en revanche, s’il prenait à la Pomme de modifier un terme du contrat, son sous-traitant devait immédiatement implémenter le changement.
En cas de retard de livraison, GTAT était mis à l’amende : 320 000$ par boule de saphir, alors que le coût de production d’une boule est de… moins de 20 000$. À l’inverse, Apple se gardait le droit — sans aucune compensation — d’annuler une commande ou de reprogrammer une livraison.
L’usine de Mesa, qu’Apple a équipée pour GTAT, n’a été opérationnelle qu’en décembre 2013, ne laissant au fournisseur que six mois pour produire à pleine capacité. Et les travaux se sont poursuivis après la fin de l’année pour complètement finaliser l’usine… L’alimentation électrique de secours des fourneaux a été un point de contentieux, Apple ayant décidé que cela revenait trop cher. Evidemment, à au moins trois reprises, l’électricité a sauté, provoquant des délais et des retards.
Apple a envoyé quelques uns de ses employés à Mesa afin de superviser les équipes de GTAT. 30% du temps passé par les membres de la R&D de GTAT a été consacré aux interactions avec les employés de Cupertino (sous entendu : ça n’a pas été très productif). À tout cela (et sans doute bien d’autres problèmes liés à la relation collé-serré avec Apple) se sont ajoutés des soucis liés à la nouveauté du type de production de saphir synthétique demandé par le constructeur de Cupertino : celle-ci a finalement coûté 30% plus cher que prévu, et demandé 350 personnes de plus. Et GTAT était tenu d’absorber ces coûts supplémentaires…
En tout et pour tout, les coûts pris en charge par GT Advanced se sont montés à 900 millions de dollars, tandis qu’Apple en a financé moins de la moitié (439 millions, la dernière tranche n’ayant pas été livrée). Bien évidemment, il s’agit ici de la version d’un dirigeant de GTAT; Apple ne compte visiblement pas donner la sienne suite au règlement à l’amiable entre les deux parties.