Lorsque Steve Jobs est revenu aux manettes d’Apple en 1997, suite à l’acquisition de NeXT par le constructeur bien mal en point, sa mission est de sauver l’entreprise par tous les moyens — il a donc fallu tailler dans le catalogue et aussi, malheureusement, dans les effectifs. La gamme d’Apple s’est séparée du Mac « Spartacus » du 20e anniversaire, ainsi que du Newton eMate. Deux produits qui ont été dessinés par Jony Ive, à la tête de l’équipe de designers d’Apple depuis 1996.
Autant dire qu’avec ces deux produits éjectés du catalogue, il sent son moment arriver lorsque Steve Jobs se rend au Design Lab. « La première fois que je l’ai vu, [Jobs] avait déjà évoqué la possibilité de réembaucher Hartmut Esslinger », le fondateur de Frog Design qui avait dessiné le premier Macintosh. « Il venait au studio, ai-je pensé, pour me virer », raconte Jony Ive dans le livre Becoming Steve Jobs.
Le designer en chef avait donné raison au nouveau patron (par intérim, à l’époque) : les produits qu’Apple lançait « n’étaient pas bons du tout », admet-il aux deux auteurs de la biographie sur Steve Jobs, Brent Schlender et Rick Tetzeli. Ive sentait qu’il avait mérité le licenciement. Fort heureusement, il n’en a rien été. « Vous connaissez Jony, c’est un peu un bébé », a expliqué, amusé, Jobs à Schlender. « Je l’ai apprécié tout de suite. Et je peux vous dire qu’après cette première réunion, [j’avais la conviction] que Gil Amelio [son prédécesseur à la tête d’Apple] avait gâché le talent » de l’équipe de Ive.
Autre anecdote révélée par le même livre : le 24 janvier 2006, une demi-heure avant que Disney annonce l’acquisition de Pixar, Steve Jobs dévoilait à Bob Iger, le président du groupe de divertissement, que son cancer du pancréas était de retour. Une révélation qui aurait pu faire complètement capoter le deal à 7,4 milliards de dollars, qui faisait de Jobs le premier actionnaire individuel de Disney.
C’est sur un banc à l’extérieur du campus de Pixar que Jobs a fait de Iger une des rares personnes à connaitre l’état de santé du fondateur d’Apple — seule Laurene Powell et ses docteurs étaient au courant. « Je me suis fait la promesse que je resterais en vie jusqu’à la remise de diplôme de Reed [le fils aîné de Jobs] ». À l’époque, il avait 14 ans; Steve Jobs s’est donc promis de vivre encore au moins quatre ans, alors que la médecine lui donnait 50% de chance de tenir cinq années.
Iger lui a demandé la raison de cette révélation de dernière minute. « Je te le dis pour te donner une chance d'annuler le contrat », a répondu Jobs. Trente minutes séparaient les deux hommes de l'annonce officielle. Bob Iger : « Nous avons des équipes de télévision, nous avons les votes des conseils d'administration, nous avons les banquiers d'investissement. La roue tourne. Et je pense, nous sommes dans un monde post [scandale] Enron et [législation] Sarbanes-Oxley, avec des responsabilités financières. Steve va devenir le plus important actionnaire, et il me demande maintenant de garder un secret. Et il me dit "Mes enfants ne le savent pas. Même pas le conseil d'administration. Personne ne le sait et tu ne peux le dire à personne" ».
Bob Iger a conservé le secret et malgré les risques, l’acquisition a été entérinée. Seul le vice-président de Disney et conseil juridique du groupe, Alan Braverman, a été mis au parfum par le CEO de l’entreprise. Au contraire de son prédécesseur Michael Eisner, que Jobs ne pouvait pas encadrer, Iger avait toute la confiance du fondateur d’Apple, au point d’envisager ensemble l’achat de Yahoo (lire : « Becoming Steve Jobs » : la bonne foi de Cook envers Jobs). « J’aime ce gars », disait Steve à Laurene Powell.
Becoming Steve Jobs (en anglais uniquement) sortira le 24 mars. Il est disponible en précommande sur l’iBooks Store et sur Amazon à 13,99 €.