C’est ce vendredi que le nouveau film sur Steve Jobs sortira dans les salles américaines. Le long métrage de Danny Boyle et d’Aaron Sorkin est plutôt bien accueilli par la critique (certaines évoquent même les Oscars), mais pas vraiment par les principaux intéressés. Tim Cook a ainsi dénoncé « l’opportunisme » des documentaires, des livres et des films qui sortent autour de la personnalité du fondateur d’Apple (lire : Tim Cook chez Stephen Colbert : une interview détendue mais sérieuse).
On sait aussi que Laurene Powell Jobs avait tenté d’annuler le film. On a quelques précisions sur les pressions exercées par la veuve de Steve Jobs pour faire capoter le projet. D’après le Hollywood Reporter, elle a passé des coups de fil à deux des acteurs pressentis pour le rôle-titre, à savoir Christian Bale et Leonardo di Caprio, pour leur demander de ne pas accepter le travail. Un cadre de Sony confirme le bruit de couloir. Laurene Powell Jobs, qui n’apparait pas dans le film, a refusé de participer à l’élaboration du script.
Plusieurs personnalités d’Apple ont aidé au développement du film, à l’instar de Steve Wozniak ou d’Andy Hertzfeld (lire : "Steve Jobs" prend les libertés avec la réalité mais « ce n'est pas très important »). Mais l’Apple d’aujourd’hui s’est consciencieusement tenue à l’écart du projet ; elle s’attache plutôt à dépeindre un Steve Jobs plus humain que celui décrit dans un film qui, rappellent ses auteurs, est moins une photographie qu’un portrait, avec ce que cela implique de licence créative (lire : Steve Jobs était aussi un type sympa).
Jony Ive, durant une conférence Vanity Fair, a lui aussi décrit un homme heureux quand quelque chose fonctionnait comme il le souhaitait. « Je ne pense pas avoir connu quelqu’un d’aussi heureux — une joie très simple — quand il réalisait "Cela fonctionne vraiment. Ça pourrait être génial" ». Une simplicité qui contraste, « évidemment », avec le portrait que l’on fait aujourd’hui de Steve Jobs, alors qu’il n’avait pas d’« agenda ». « Il avait un sens de la responsabilité civique pour faire les choses bien, d’une certaine manière il le faisait comme une contribution à l’humanité et à la culture ».
Quatre ans après la disparition de Steve Jobs, ce qu’il en reste, raconte Ive, c’est « cet intérêt très simple pour faire de superbes et belles choses. Et c’était vraiment simple. Il n’y avait pas de grand "plan" pour tout rafler, ou d’agenda très compliqué. Cette simplicité était presque enfantine dans sa pureté. Et c’est la vérité ». Interrogé sur le film en lui-même, Ive a indiqué qu’il ne l’avait pas vu mais qu’il en avait discuté avec des amis qui eux, avaient eu l’occasion de voir le film.
Il ressent une « peur primale » car cette histoire vient le chercher au plus profond. Il ne reconnait pas le personnage de Steve Jobs dans le film ; la manière dont quelqu’un est dépeint peut être « détournée » par des personnes qui ne sont pas ses amis ou ses proches. Ive trouve toute cette affaire très triste.
Danny Boyle, le réalisateur du film, a essayé de prendre un peu de hauteur en expliquant dans Hollywood Reporter que les entreprises comme Apple ou Facebook « sont si puissantes maintenant que les gouvernements en ont peur. Elles ont tellement d’influence dans le monde. Elles ont remplacé les sociétés pétrochimiques, les pharmaceutiques (…) et elles ont un pouvoir formidable, terrifiant. Et il est important que les artistes et les écrivains ne soient pas intimidés par ces entreprises. Et si cela vaut d’être accusé d’opportunisme, ainsi soit-il ».
Le réalisateur ajoute qu’il est important de « placer ces personnages sous les projecteurs, afin d’en questionner les motivations commerciales et la vision, et nous devons garder un œil sur eux ». Le film sortira le 6 janvier en France.