À en croire Tony Fadell, l’avis du journaliste Walt Mossberg a été décisif dans la décision de Steve Jobs de valider une compatibilité PC pour l'iPod. Dans une interview donnée la semaine dernière lors d’une conférence, le cofondateur de Nest et co-créateur de l’iPod est revenu sur les premières années du baladeur.
L’un des épisodes relaté fut le feu vert arraché de haute lutte à Steve Jobs pour rendre le baladeur compatible avec Windows, de manière à élargir la clientèle de l’iPod : « La première année [de l’iPod, ndlr] fut sensationnelle. Tous les utilisateurs d’un Mac en ont acheté un. Mais les propriétaires de Mac n’étaient pas nombreux ! Et puis ce fut le calme plat. »
En coulisses il y avait ce bras de fer entre Steve Jobs et certains de ses lieutenants. Les deux premiers iPod de la fin 2001 ne marchaient que sur Mac. La seconde génération sortie à l’été 2002 s’ouvrit enfin à Windows au travers d’un logiciel tiers adoubé par Apple : MusicMatch Jukebox.
Ce n’est qu’au printemps 2003 qu’iTunes 4.1 arriva simultanément sur Mac et PC, avec ce slogan sur la page d’Apple.com « Il a gelé en enfer ». Du point de vue de Jobs, c’était une hérésie de faciliter l'utilisation de l'iPod sur Windows. Puisque l’objectif d'Apple à cette époque était tout de même de vendre davantage de Mac.
Tony Fadell, avec le soutien de Phil Schiller, faisaient valoir que le ticket d’entrée pour un utilisateur de PC intéressé par l’iPod était élevé. Il lui fallait dépenser 399 $ pour le baladeur (équipé en outre de FireWire) plus le prix d'un Mac. En amenant iTunes sur Windows ces clients pourraient « goûter » à Apple à moindres frais.
Jobs finit par se ranger à leurs arguments, en émettant une condition : « On va le faire et on va montrer ça à Mossberg. Et si Mossberg dit que c’est suffisamment bon pour être lancé, alors on le lancera ». Jobs voulait se détacher de cette décision, poursuit Fadell « mais Mossberg a dit : ‘Pas mal. Moi je le lancerais’ et c’est ainsi qu’on est arrivés sur PC ».
Qu’en dit aujourd’hui l’ancien chroniqueur high-tech du Wall Street Journal, aujourd’hui chez Recode/The Verge ? « Je n’ai aucun souvenir de cela » a répondu Mossberg dans un tweet. Souvenir contre souvenir, il est de notoriété publique toutefois que les avis de Mossberg pesaient lourds et que ses appréciations positives sur les produits d’Apple étaient souvent affichées en grand par Jobs dans ses keynote. Pour la petite histoire, lors de la présentation de l'iPod à la presse française en 2001, déjà à l'époque la question fut posée de manière très informelle sur l'intérêt ou non de le rendre fonctionnel avec Windows. Et dans l'assemblée réunie ce jour là, les avis s'opposaient, alignés sur les deux camps qui allaient s'affronter un peu plus tard chez Apple.
Quant à l’iPod, on sait qu’il n’a pas franchement souffert de cette compatibilité graduellement améliorée avec Windows. En 2002 s’en est vendu 600 000 auprès de clients des deux plateformes. En 2003, année d’iTunes sur Windows et de l’iTunes Music Store sur Mac et PC on est passé à 2 millions cumulés.
En 2004, l’iTunes Music Store sortait des États-Unis, les iPod mini colorés arrivaient et l'on passait d'un coup de 2 millions à 10 millions de baladeurs dans le monde. À compter de 2010, les ventes cumulées depuis le premier modèle totaliseront 275 millions d'unités.
image de une : Matthew Pearce CC BY