Le référendum britannique fera sans doute date dans l'histoire de la (dé)construction européenne. Bien malin celui qui parviendra à deviner la suite des événements. Quoi qu'il en soit, le résultat de ce référendum aura un nombre incalculable de répercussions.
Pourquoi Apple Europe a quitté Paris pour Londres dans les années 2000
Beaucoup se posent la question de savoir comment vont réagir les entreprises high-tech qui ont installé leur base européenne à Londres. C'est le cas notamment d'Apple Europe qui, au milieu des années 2000, avait déménagé de Paris pour s'installer dans la capitale anglaise sous la houlette de Pascal Cagni. À l'époque, les raisons de ce déménagement avaient été mises sous silence.
Il y avait bien quelques tensions entre Apple et l'État français au sujet des DRM notamment. D'autre part, le Californien avait ciblé l'Angleterre pour installer ses premiers Apple Store européens. Mais si le centre de gravité d'Apple avait fini par traverser la Manche, c'est avant tout pour des raisons fiscales. Certains responsables avaient tout intérêt à rallier Londres, ne serait-ce que pour la fiscalité sur les stock-options.
Apple a-t-elle vraiment intérêt à quitter Londres ?
Alors, certains pensent qu'Apple pourrait être contrainte une décennie plus tard de revoir ses plans. C'est loin d'être évident, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, comme nous l'indiquions en préambule, bien malin celui qui peut savoir comment les négociations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne vont évoluer. Si l'on fait fi du cadre réglementaire (ce qui est bien difficile en réalité), il y a plusieurs choses à prendre en compte.
Depuis l'avènement de l’iPod, le Royaume-Uni est devenu le marché le plus important d'Apple en Europe. Le Mac et l'iPhone possèdent, à des niveaux différents, des parts de marché remarquables. Preuve de cette connexion toute particulière avec le pays de sa gracieuse majesté, ses sujets ont été les premiers après les Américains à pouvoir goûter aux joies d'Apple Pay.
L'autre point à prendre en compte et qui a beaucoup été sous-estimé par certains, c'est que le cœur de la machinerie fiscale d'Apple n'est pas en Angleterre, mais en Irlande. Si c'était cette dernière qui avait claqué la porte au nez de l'Europe, là les choses auraient été très différentes.
Et l'Irlande reste plus que jamais au centre de la stratégie fiscale d'Apple, même si elle fait actuellement l'objet d'une enquête de la part de la Commission européenne. Apple a fait part d'ailleurs de son intention de rester en Irlande, quelles que soient les conclusions de l'enquête en cours. Elle a mis des actes en face de ses déclarations en transférant récemment le siège social d'iTunes qui était jusque là au Luxembourg. Ce choix est la conséquence de cette directive européenne qui a obligé les entreprises à appliquer le taux de TVA effectif dans le pays des consommateurs, et non plus sur celle du Grand Duché qui brillait par ses taux bas.
Il n'est pas impossible de penser, au sujet d'Apple, que l'Irlande pourrait être le gagnant de l'histoire, mais cela devrait être à la marge. La vérité c'est qu'Apple possède un fonctionnement très décentralisé avec de nombreuses filiales (Apple France et Apple Retail France notamment pour ne citer que l’exemple de la France). Et le vote du 23 juin ne remet aucunement en cause cet attelage.
Enfin, il convient d’autre part de relativiser les attributs d'Apple Europe à Londres qui s'occupe essentiellement de marketing et de communication. Une activité qui pourrait être tout aussi bien pilotée de Cupertino. Ce n'est pas comme si Apple avait fait de l'Angleterre sa base logistique pour le Vieux Continent (elle est aux Pays-Bas). Là, les choses auraient pu être problématiques.
Même si le Brexit est un véritable séisme pour la construction européenne, on ne serait pas étonné, en ce qui concerne Apple, que l'expression qui revienne assez rapidement sur toutes les bouches soit "business as usual"
Les seuls qui pourraient voir une véritable différence, ce sont les Britanniques. En effet, si le décrochage de la livre sterling par rapport au dollar devait se poursuivre, Apple ne manquerait pas de réviser ses prix à la hausse.