« De plus en plus de personnes ont l'impression que l'Apple de Tim Cook n'est pas aussi simple que l'Apple de Steve. » Dans une tribune publiée dans le Guardian, le publicitaire Ken Segall s'interroge sur l'évolution des produits et de l'image d'Apple depuis la disparition de Steve Jobs.
Apple est-elle devenue plus complexe ces dernières années ? Si le titre de la tribune est affirmatif (« Comment Apple s'est égarée : l'amour de Steve Jobs pour la simplicité a disparu »), le créateur de la campagne culte « Think Different » fait preuve de plus de nuance dans le texte.
Il est indubitable que la gamme de produits s'est complexifiée sous l'ère Cook — Ken Segall omet d'ailleurs les différentes tailles d'écran en recensant uniquement trois modèles d'iPhone, quatre iPad et trois ordinateurs portables —, mais est-elle devenue si complexe que ça ? Pour le publicitaire, non.
« Tous les produits peuvent facilement tenir sur une table moyenne. Quand une entreprise se soucie de la simplicité, elle offre les bons choix, pas une infinité de choix. » Comprendre, c'est ce que fait encore Apple.
Ken Segall s'intéresse ensuite au logiciel. « Apple Music a été attaqué sans pitié, et c'était mérité. Personnellement, je trouve certaines parties du service déconcertantes », écrit-il. Mais des erreurs ont aussi été faites du temps de Steve Jobs, ajoute-t-il, et de prendre comme exemple le funeste MobileMe. S'il reconnait que « même les meilleures entreprises peuvent se tromper », il juge néanmoins que ces erreurs sont maintenant plus courantes.
Inventeur de la marque « iMac », Ken Segall a forcément son mot à dire sur l'appellation des derniers produits : « les clients ont maintenant des produits i-trucs et Apple-trucs. Mais on peut passer l'éponge sur cet aspect, une transition [de marques] comme celle-là demande du temps. » Il est en revanche moins indulgent sur les noms des iPhone. « Avec les actuels iPhone 6s, iPhone 6s Plus et iPhone SE, les dénominations deviennent beaucoup moins simples », estime-t-il.
Il considère notamment que l'emploi du « S » une année sur deux est une « absurdité ». Selon lui, cela embrouille les consommateurs et complique la tâche des équipes marketing, qui ne peuvent pas mettre aussi bien en avant les nouveautés (Siri sur iPhone 4s, 64 bits et Touch ID sur iPhone 5s, etc.). C'est compliqué... mais ce n'est pas imputable à Tim Cook. Steve Jobs a dévoilé l'iPhone « 3GS » et a forcément donné son aval pour l'iPhone « 4S ».
Enfin, Ken Segall s'exprime sur sa spécialité, le marketing : « Les choses changent du tout au tout. Apple est en train de mettre en place un grand groupe marketing en interne. [...] En bref, Apple gère maintenant son marketing plus comme une grosse entreprise que comme une startup. » Si cette fois il ne porte pas de jugement sur les dernières campagnes, en 2013 il considérait que Samsung faisait aussi bien, voire mieux, que Cupertino.
« La simplicité est une question de perception, et il est difficile d'ignorer le fait qu'Apple peine [aujourd'hui] à présenter une image simple à ses clients, résume le publicitaire. Il y a un gros travail à faire pour reconstruire l'impression de simplicité qui a contribué à faire d'Apple la société la plus riche du monde. »
Cela étant, il faut replacer les choses dans leur contexte. « En dépit de ses défis à relever et de ses lacunes, je ne vois aucune autre entreprise technologique créer une expérience aussi simple qu'Apple, conclut-il. Dans le monde compliqué dans lequel nous vivons, les entreprises qui offrent la simplicité sont celles qui gagnent à la fin. »