Pour la énième fois depuis 2011, Apple et Samsung se sont retrouvés à la barre d'un tribunal hier, mardi 11 octobre. Mais cette rencontre n'était pas comme les autres, car elle s'est déroulée devant les juges de la Cour suprême, la plus haute juridiction des États-Unis [transcription complète].
Samsung, qui a été condamné à verser 548 millions de dollars à Apple pour avoir violé des brevets de l'iPhone (dont 399 millions pour trois design patents, l'équivalent des dessins et modèles en France), considère injuste que l'amende soit définie sur la valeur globale des smartphones concernés.
« Un "article de fabrication" [un élément qui peut être breveté, ndr] peut être seulement une partie d'un téléphone, vous devriez dissocier les choses, votre honneur, a déclaré l'avocate de Samsung, Kathleen Sullivan. Si, comme cela arrive parfois dans une entreprise, une division fabrique le verre de la face avant et une autre division est responsable de l'intérieur du téléphone, vous conviendrez que le montant doit être partagé entre les divisions. »
Ce à quoi le juge Anthony Kennedy, visiblement peu convaincu, a répondu en dressant un parallèle avec l'automobile :
Supposons que le design de la Volkswagen Beetle [Coccinelle, ndr] ait été réalisé en trois jours grâce à un coup de génie et qu'il marque l'identité de la voiture. Il me semble assez injuste d'accorder trois jours [de dommages], alors qu'il aura fallu 100 000 heures pour développer le moteur.
Une réponse qu'on croirait sortir tout droit de la bouche d'Apple ou de ses soutiens. La centaine de designers derrière Cupertino ne disent pas autre chose quand ils déclarent que l'identité visuelle d'un produit « devient le produit lui-même dans l'esprit des consommateurs. »
Mais tous les juges n'étaient pas sur la même longueur d'onde. « Il me semble que le design concerne l'extérieur du téléphone. Il ne s'applique pas à toutes les puces et tous les câbles », a observé le président de la Cour suprême, John Roberts.
« C'est tout à fait vrai, a répondu l'avocat d'Apple, Seth Waxman. Il n'est bien évidemment pas possible d'obtenir un patent design sur quelque chose que le consommateur ne peut pas voir. » Alors le montant des dommages devrait uniquement prendre en compte « l'extérieur, le boîtier » a insinué le juge.
Le juriste Brian Fletcher, qui a fait entendre la voix du ministère de Justice, a déclaré que la cour d'appel avait eu raison de calculer le montant des dommages sur la globalité des bénéfices (et donc des produits) dans cette affaire, mais qu'elle avait eu tort de juger qu'un « article de fabrication » correspond toujours au produit dans son ensemble.
C'est ce point particulier que les soutiens de Samsung combattent, car ils estiment qu'il créerait une jurisprudence dangereuse pour l'innovation — une personne condamnée pour la copie d'un seul élément de design protégé devrait verser quoiqu'il arrive à la victime la globalité des bénéfices du produit incriminé.
L'avocat d'Apple n'a d'ailleurs pas contesté qu'un « article de fabrication » puisse être seulement une pièce d'un puzzle, mais il a défendu mordicus que les trois patent designs copiés avaient une portée globale dans l'affaire ici présente : « Je pense qu'un jury pourrait aisément conclure que c'est parce que quelqu'un achète la Beetle pour sa forme emblématique que le contrefacteur l'a copié, après tout. »
La décision de la Cour suprême sera communiquée au plus tard en juin 2017.