Alors qu'Apple a promis aux utilisateurs professionnels sur Mac qu'elle leur réservait de bonnes surprises, une réorganisation se met en place dans les Apple Store dans les équipes "Business". Des changements dont tous les tenants ne sont pas encore connus mais dont les implications pour les relations avec les entreprises interpellent, sinon inquiètent, certains salariés.
Comme le rapportait MacRumors il y a quelques jours, la fonction de "Business Manager" va disparaître. Leurs titulaires ne perdront pas forcément leur niveau de hiérarchie mais ils seront affectés à d'autres secteurs, comme le Genius Bar (autre option la démission ou, aux Etats-Unis plus spécifiquement, la rétrogradation). Les salariés placés sous leurs ordres — les Business Experts — devront passer plus de temps sur le "floor", à savoir l'espace de vente de la boutique, pour répondre aux clients pro comme ceux du grand public.
Une transformation qui a déjà commencé en France et que nous a aussi confirmé un salarié d'un Apple Store américain « Le Business Manager de l'Apple Store va devenir un manager classique, il y aura un roulement entre tous les managers du magasin pour gérer la partie Store et la partie Business. Il y a donc une perte de spécialisation et ils vont se retrouver avec des managers qui vont gérer la partie Business alors qu'ils n'ont aucune expérience en B2B […] Ils rapprochent les équipes B2B et B2C, ce qui me semble être une erreur car il s'agit d'une vente et d'une clientèle totalement différentes. » Le poste de directeur spécialisé Business au niveau de cette région des US va aussi disparaître.
Ce décloisonnement entre les experts spécialisés PME/PMI et les experts en charge de la clientèle lambda a le mérite de rapprocher ces deux équipes qui travaillent sous un même toit. Un salarié français, côté Business, nous expliquait qu'il existait au tout début des Apple Store une distinction ne serait-ce que visuelle entre les premiers en tee-shirts noirs et les seconds habillés en bleu.
Pour les "Business", ce temps passé en boutique sera pris sur celui dévolu aux échanges avec les entreprises pour établir des devis, assurer un suivi des demandes émises par les nouveaux clients. Ces Business Expert ne font pas de prospection à proprement parler, mais ils labourent le portefeuille de clients constitué au fil des années.
Ils mettent en contact des entreprises avec des consultants indépendants extérieurs — le réseau Apple Consultants Network — lorsqu'il est nécessaire d'installer du matériel et de déployer des logiciels. À l'occasion de rencontres régulières, ils forgent ce lien entre Apple, ce réseau de consultants et les clients petits ou grands des secteurs privés et publiques. L'un de ces consultants nous disait être surpris à l'évocation de cette annonce et de qu'elle signifiait pour l'avenir.
Certains de ces Business Experts souffraient d'ailleurs que leur spécificité ne soit pas mieux comprise par les responsables des boutiques. Encore qu'en la matière, les choses peuvent varier d'un Apple Store à l'autre, selon le degré d'appétence de son patron pour le B2B. Il n'y a pas une uniformité de comportements, tout dépend du profil des individus aux manettes.
Ce changement d'organisation baptisé "Retail Evolution" est en route, mais il pêche encore par un manque d'explications. A priori cela devrait venir le 24 avril. À cette date aussi, Apple va inaugurer une nouvelle plate-forme de gestion de sa clientèle professionnelle, appelée tout simplement "Apple CRM". Elle va remplacer un ancien outil qui a fait son temps et qui n'offrait pas la transparence nécessaire pour suivre le parcours d'un dossier, explique l'un de nos interlocuteurs :
Apple CRM devra unifier au sein d'une plateforme commune les informations aujourd'hui dispersées entre les équipes Business dans les Apple Store, celles de l'Apple Store en ligne et celles d'Apple Corp (en l'occurrence le siège d'Apple France à Paris, ndlr). Cela permettra de savoir qui a fait quoi, de mieux suivre les dossiers ouverts dans un Store et peut-être repris ensuite par un autre.
Ce qui interpelle aujourd'hui ces salariés amenés à voir leurs responsabilités diluées, c'est la contradiction apparente avec de grands objectifs précédemment énoncés.
Les ventes aux professionnels leur ont été décrites comme le prochain levier de croissance. On a vu cette semaine, à l'occasion de la communication autour du futur Mac Pro, qu'Apple avait la ferme intention de refaire les yeux doux aux professionnels sur Mac. Le marché du grand public frisant la saturation il est important pour Apple de viser les professionnels où les ventes se traduisent tout de suite par de gros volumes.
Des volumes de Mac bien sûr et le renouvellement des portables a été l'occasion au dernier trimestre de proposer à des clients pro de mettre à jour leur parc de MacBook Pro. Mais des volumes d'iPad aussi. La tablette se prête à toutes sortes de ventes hors secteur grand-public. Elle peut être un véritable outil de travail en entreprise, jusque dans des endroits où on ne l'attendrait pas forcément (on pense aux iPad des conducteurs de TGV). Elle peut aussi se vendre par palettes pour servir de cadeaux d'entreprise ou dans l'événementiel, comme support de communication auprès des invités et visiteurs.
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Dès lors, il est surprenant de voir ces équipes Business en partie démantelées au profit d'une organisation où leur spécificité risque d'en ressortir affaiblie. À moins qu'il ne s'agisse de laisser plus d'autonomie à certains clients. Il existe ainsi un "Custom Store" où les clients existants peuvent faire leurs achats, composer des devis et obtenir une ristourne automatique. L'Apple Store qui a signé ce client à l'origine se voit affecté le bénéfice de la vente.
Enfin, autre effet secondaire, en supprimant cet échelon des Business Manager, Apple ôte une possibilité d'évolution de carrière aux Business Experts. Il y a bien des équipes Business au sein de l'Apple Store en ligne mais cela implique d'aller en Irlande. Il y aussi les équipes installées chez Apple France qui s'occupent en priorité des entreprises du CAC 40. Cependant, il semble plus facile de démissionner de l'une des entités d'Apple et de postuler plus tard au sein d'une nouvelle que d'espérer un transfert direct, même avec des années d'expérience au compteur.
Source : Image de Une : Apple