Le gouvernement irlandais ne semble pas pressé de collecter les 13 milliards d’euros que lui doit Apple, et les gouvernements européens ne semblent pas pressés de demander leur part. Une situation jugée « inacceptable » par la sénatrice socialiste Marie-Noëlle Lienemann, qui demande au gouvernement « s’il compte ré-examiner les démarches que la France devrait engager pour faire valoir ses droits dans l’affaire Apple en Irlande. »
Après trois ans d’enquête, la Commission européenne a conclu en août 2016 que l’Irlande avait accordé à Apple « un traitement fiscal préférentiel illégal », et lui avait demandé de recouvrer l’impôt impayé sur une période de dix ans, soit 13 milliards d’euros. Plusieurs ministres européens des Finances s’étaient alors dits prêts à réclamer leur part, une partie des sommes déclarées en Irlande provenant du continent.
Michel Sapin, ministre français de l’Économie et des Finances d’alors, avait tenu des propos similaires, avant de se raviser. À l’issue d’une réunion des ministres européens des Finances à Bratislava, il s’était contenté de déclarer que le gouvernement ne demandait « que l’application de la loi française sur ce qui est dû en France. » Des propos qui avaient (déjà) irrité Marie-Noëlle Lienemann :
Madame Lienemann estime inacceptable que, alors que nos concitoyens ont dû faire face à d’importantes hausses d’impôts depuis 2012, très supérieures à la baisse annoncée pour 2017, le ministre de l’économie et des finances [sic] exonère Apple et d’autres multinationales d’une imposition plus conséquente et ne fasse pas tout ce qui est possible pour qu’elles contribuent à la hauteur des gigantesques profits qu’elles engrangent en vendant leurs produits dans nos pays.
La sénatrice socialiste repart à la charge avec les mêmes arguments :
La Commission européenne exige d’Apple le remboursement de 13 milliards d’euros à l’Irlande, tout en précisant que l’Irlande n’est pas le seul État concerné par ce remboursement. Ainsi, si un État membre s’estimait lésé d’avoir vu pendant des années le produit de ventes réalisées sur son territoire partir en Irlande pour échapper à l’impôt, il pourrait lui aussi réclamer sa part, réduisant mécaniquement le montant dû à Dublin. L’Espagne et l’Autriche ont en conséquence manifesté leur intention d’engager de telles procédures.
[Madame Lienemann] estime inacceptable que, alors que nos concitoyens ont dû faire face à d’importantes hausses d’impôts depuis 2012, très supérieures à la baisse annoncée pour 2017, il exonère Apple et d’autres multinationales d’une imposition plus conséquente et ne fasse pas tout ce qui est possible pour que celles-ci contribuent à la hauteur des gigantesques profits qu’elles engrangent en vendant leurs produits dans nos pays.
Marie-Noëlle Lienemann demande donc à Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, « s’il compte changer de position et comment il compte informer le Parlement et les Français de sa conception de la défense de l’intérêt national dans ce dossier sensible et révélateur. »
Cette question s’inscrit dans le contexte de l’étude de la loi dite de « moralisation de la vie publique », qui a été l’occasion d’aborder la question de la politique gouvernementale en matière de redressement fiscal. La chambre haute a notamment mis aux voix, sur une proposition du sénateur communiste Éric Bocquet soutenue à droite comme à gauche, la fin du monopole du ministère du Budget sur les poursuites pénales pour fraude fiscale.
Marie-Noëlle Lienemann déplorait avoir « le sentiment que certains peuvent négocier et passer entre les gouttes, selon que l’on traite différemment puissants et misérables », le ministère maniant le bâton des poursuites pour mieux tendre la carotte du « simple » redressement. La proposition a finalement été rejetée, après trois scrutins, par une majorité de sénateurs apparentés LREM.
Source : Via NextInpact et Libération