Après le keynote d'hier, Tim Cook était aujourd'hui en mode SAV : le patron d'Apple a répondu aux questions du site Recode et de la chaîne MSNBC pour une émission spéciale qui sera diffusée vendredi prochain. Le programme, baptisé en toute humilité « Revolution : Apple changing the world », tourne bien sûr autour de l'éducation, un secteur que le constructeur veut investir de nouveau.
En attendant la diffusion, Recode et des journalistes présents ont partagé quelques interventions choisies du CEO. Il a bien sûr été question d'éducation donc, mais aussi de beaucoup d'autres sujets qui intéressent de près l'entreprise… et qui ont un lien avec l'éducation. « Si vous regardez les problèmes qui touchent notre société aujourd'hui, leurs racines se trouvent dans la difficulté d'accéder à une éducation de qualité », dit Tim Cook.
Et pour offrir à tous cette éducation de qualité, les professeurs doivent avoir la technologie qui leur permet de créer des cours. Une technologie qui se compose aujourd'hui majoritairement des Chromebook et des PC sous Windows alors qu'Apple était auparavant la marque de référence dans les écoles (aux États-Unis en particulier). C'est là qu'entre en scène le nouvel iPad.
Vendue 299 $ pour les établissements scolaires (329 $ auprès du grand public), la nouvelle tablette reste un investissement conséquent pour des budgets éducatifs souvent serrés. À cela, Tim Cook rétorque : « Vous n'avez pas besoin d'acheter un nouvel iPad tous les ans, 300 $ c'est finalement très raisonnable ». Il faut aussi y ajouter le coût d'un Pencil (ou d'un Crayon), d'une coque, voire d'un clavier et d'un réseau sans fil dans l'établissement.
Tout comme l'iPad 6 n'est pas réservé seulement aux écoliers et aux étudiants, Tim Cook voit plus loin que la simple leçon à apprendre. « Nous voulons que les utilisateurs ne soient pas uniquement des consommateurs [de contenus], mais aussi des créateurs. Nous voulons que les enfants créent. Qu'ils écrivent. Qu'ils fassent des films. Qu'ils puissent réaliser des podcasts. Qu'ils inventent. Toutes ces activités nécessitent des compétences créatives, pas uniquement de la mémorisation ».
Le CEO d'Apple revient sur une de ses marottes préférées : le code et son apprentissage. « Je veux que l'Amérique soit forte. Une des bases pour y parvenir c'est que tout le monde apprenne le code. Le code, c'est une manière de s'exprimer. C'est un langage ». Une antienne que Tim Cook reprend à l'envi, quitte parfois à pousser le bouchon un peu loin en affirmant, comme il l'a fait à l'automne dernier, qu'apprendre à coder était plus important qu'apprendre une langue étrangère.
Apple fournit tout un éventail de possibilités pour se former au code, qu'il s'agisse d'outils comme Swift Playgrounds ou des ateliers de programmation. Qu'on se rassure, Apple n'exige de personne de devenir un développeur. « C'est important que les gens apprennent les bases du code », souligne Tim Cook. Ne serait-ce que pour répondre aux besoins de secteurs en pointe comme l'intelligence artificielle ou la réalité augmentée.
Plus généralement, le patron d'Apple explique qu'il faut se former tout au long de sa vie : « Les emplois vont se cannibaliser avec le temps et ils seront remplacés par d'autres ». Les jobs de demain vont se baser « massivement » sur le logiciel, considère-t-il.
Apple aux États-Unis
Cette séquence est l'occasion pour Tim Cook de peaufiner son petit côté patriote, en affirmant une fois encore qu'Apple n'aurait pu être créée qu'aux États-Unis. « L'entreprise n'aurait pas pu prospérer de la sorte ailleurs dans le monde ». De manière plus prosaïque, il salue aussi la réforme fiscale votée en fin d'année dernière, qui va permettre à l'entreprise de rapatrier la grande majorité de son trésor de guerre (contre un chèque de 38 milliards de dollars tout de même) : « Ce plan est bon pour les États-Unis et il aura pour résultat de créer des emplois ».
Comme prévu dans le plan d'investissement de 350 milliards de dollars sur cinq ans, Apple prévoit d'installer un nouveau campus aux États-Unis. Le constructeur n'entend pas emprunter à Amazon le principe de « concours de beauté » qui a vu plusieurs métropoles américaines faire assaut de propositions toutes plus alléchantes les unes que les autres pour accueillir le second quartier général du géant du e-commerce. Ce système, ce n'est pas celui d'Apple, explique Tim Cook qui n'aime pas avoir des gagnants et des perdants dans ce genre de concours.
Sur un plan plus politique, Tim Cook se positionne contre deux projets de l'administration Trump : les tarifs douaniers sur les importations chinoises tout d'abord, qui pourraient renchérir le coûts des appareils d'Apple. « C'est faux de dire que l'iPhone n'est pas construit aux États-Unis ». Certes, le smartphone est assemblé en Chine, mais ses différents composants proviennent de partout dans le monde, comme il convient dans un monde globalisé.
Sur le dossier DACA, ces jeunes immigrés illégaux qui ont passé une partie de leur vie aux États-Unis et que la Maison Blanche voudrait bien expulser, le patron d'Apple se sent « profondément blessé ». Ce n'est pas une question d'immigration, estime-t-il, c'est un positionnement moral. « Je suis très déçu par les deux partis [démocrates et républicains]. Je fais personnellement du lobbying au Congrès ».
Pan sur le bec de Mark Zuckerberg
Tim Cook a également eu un mot gentil pour Mark Zuckerberg, empêtré dans le scandale Cambridge Analytica. Interrogé pour savoir ce qu'il aurait fait à la place du patron de Facebook, le CEO d'Apple a répondu : « Je ne serais pas dans la même situation ».
« La vérité, c'est que nous pourrions gagner beaucoup d'argent si nous monétisions [les données] de nos utilisateurs, si nos utilisateurs étaient notre produit. Nous avons décidé de ne pas faire ça », déroule-t-il. « Nous ne faisons pas de trafic avec votre vie privée. La vie privée pour nous, c'est un droit de l'homme, une liberté civile ».
Comme il a déjà eu l'occasion de le faire la semaine dernière durant une conférence en Chine, Tim Cook en a remis une louche sur le besoin de réglementer l'utilisation des données.
Il me semble évident qu'un changement profond est nécessaire. Personnellement, je ne suis pas un grand adepte de la régulation car parfois, cela peut avoir des conséquences inattendues. Cependant, je pense que certaines situations sont si épouvantables et si importantes qu'une réglementation bien pensée est nécessaire.
Facebook aurait dû se réguler par lui-même, explique Tim Cook, mais c'est désormais trop tard. Tim Cook rappelle également qu'Apple sélectionne les contenus distribués par ses différentes boutiques. « Nous ne voulons pas de porno sur notre App Store. Nous ne voulons pas de discours de haine. Nous regardons les apps dans le moindre détail. Est-ce qu'elle fait bien ce qu'elle est censée faire ? ».
À une question du public concernant la protection de la vie privée, le patron d'Apple a trois conseils à donner : comprendre la politique de confidentialité de chaque app et de chaque service en ligne que l'on fréquente, surfer en mode privé et bloquer les cookies, et chiffrer les données. Tout cela fait partie de l'ADN des différents OS et services d'Apple.
L'émission « Revolution : Apple changing the world » sera diffusée la semaine prochaine, dans la nuit du vendredi à samedi.
Source : Recode, Tripp Mickle, Peter Kafka