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Switch : le plus grand APR belge traverse « une crise majeure »

Anthony Nelzin-Santos

Monday 26 March 2018 à 20:30 • 28

AAPL

Mise à jour 28/03/2018 : Switch : « nous ne sommes pas du tout dans une position délicate » Article original ci-dessous.


Switch est dans une mauvaise passe. D’après nos informations, la situation financière du plus grand APR belge est suffisamment précaire pour qu’il peine à régler ses fournisseurs. « Une crise majeure », dit l’un de ces fournisseurs, qui pourrait déboucher sur la vente de certaines boutiques Switch, selon un spécialiste du marché belge.

Image Switch.

Avec ses 29 boutiques couvrant l’ensemble du territoire belge, Switch est le plus grand APR belge. Il y a encore deux ans pourtant, Switch ne comptait qu’une dizaine de boutiques, essentiellement en Flandre. « Si l’on veut croître encore sur le marché à la consommation, cela n’est possible que grâce à des rachats », déclarait à l’époque le patron de l’APR, Henri « Rik » Vrancken.

De fait, le marché belge s’est fortement concentré après une vague d’acquisitions. Pour renforcer iCLG, eBizcuss avait acheté Mac Line en 2011, formant un réseau enjambant le Quiévrain. Mais patatras ! Le groupe a été placé en liquidation judiciaire l’année suivante, sur fond de tensions entre les APR et Apple. Soucieux de se développer en Wallonie et à Bruxelles, où Apple a ouvert une boutique en nom propre, Easy-M a repris les boutiques de Mac Line puis celles d’Abelsys.

Avec 17 boutiques, l’APR flamand pouvait espérer résister à l’ouverture de la demi-douzaine d’Apple Store annoncés par la rumeur, d’autant… qu’ils ne sont jamais sortis de terre. C’était sans compte sur une gestion désastreuse, qui a mené Easy-M au bord de la faillite. Assisté par des fonds d’investissement excités à l’idée de former l’un des principaux réseaux de distributions de produits Apple en Europe, le « petit » Switch a gobé le « grand » Easy-M.

Les résultats financiers de Maes, la société gérant le réseau Easy-M, dirigée par Annick Maes. Easy-M a repris les boutiques de Mac Line et la boutique bruxelloise d’iCLG en 2012, puis les boutiques d’Abelsys en 2015, avant d’être achetée par Switch fin 2016.

Implanté dans toutes les grandes villes du pays, fort de l’expérience cumulée de tous les réseaux absorbés, porté par le succès des produits Apple, Switch semblait intouchable. « Depuis décembre » pourtant, l’APR doit faire face à de gros problèmes de trésorerie, qui rejaillissent sur ses fournisseurs. Comment expliquer cette situation ? Nos sources s’accordent pour pointer du doigt un « problème culturel ».

Un spécialiste du marché belge, qui souhaite rester anonyme, explique que Rik Vrancken « ne parle pas un mot de français »1. « La moitié des magasins sont animés par des vendeurs francophones, et les clients sont eux aussi francophones, donc un gros problème de communication s’est accéléré », poursuit-il. « Accéléré », car Switch a poursuivi la politique d’Easy-M, qui a progressivement gommé l’identité des boutiques de Mac Line et d’Abelsys.

Les équipes ont été réorganisées avec la disparition de certaines fonctions d’encadrement et de formation, et les boutiques ont perdu leur marge de manœuvre individuelle au profit d’une politique uniformisée à l’échelle du groupe. « Une erreur fatale », explique un ancien vendeur d’une chaîne concurrente, qui ne veut pas être identifié. Notre spécialiste du marché belge prend l’exemple des clients du monde de l’éducation : « les besoins des gros clients éducation comme l’Université libre de Bruxelles ou l’Université de Liège ne sont pas les mêmes que ceux des universités flamandes ».

Image Switch.

« Les magasins proposent tous les mêmes produits », et toutes les décisions sont prises en flamand. Or une partie des vendeurs, des fournisseurs et bien sûr des clients sont francophones : « cela appauvrit la relation ». Un fournisseur de Switch confirme : « les boutiques restent rentables », mais « l’offre est uniformisée à l’échelle du pays », alors que « Switch aurait dû tirer parti de la diversité de son réseau pour s’adapter aux spécificités locales ». Il manque à Switch l’ancrage local censé faire défaut à Apple, et censé justifier la présence des APR.

Ce fournisseur, qui n’a pas souhaité décliner son identité, pointe aussi « le manque de formation des équipes sur les offres complexes ». Le sentiment d’un énorme gâchis prévaut : l’ancien vendeur que nous avons interrogé fait remarquer que les résultats des boutiques sont individuellement bons, mais que la gestion collective des groupes est défaillante. Comme eBizcuss et Easy-M, Switch souffrirait d’une « folie des grandeurs » qui interférerait avec la gestion quotidienne des boutiques.

Au-delà de ces aspects quasi philosophiques, on peut s’en tenir à des aspects beaucoup plus prosaïques. Avant son acquisition, Easy-M avait clôturé deux exercices très largement déficitaires, pour des raisons qui dépassent le strict cadre des APR. En absorbant son concurrent, Switch a soudainement doublé sa taille, après dix ans de progression régulière et de rentabilité maîtrisée. Avec 29 boutiques et plus de 350 salariés, Switch n’est pas seulement devenu le plus gros APR belge, mais aussi l’un des plus gros APR européens.

Pour comparaison en 2017, l’APR français iConcept comptait 115 salariés dans 12 boutiques, pour 40 millions d’euros de chiffre d’affaires2. Faute d’avoir pu consulter ses comptes pour l’année 2017, ceux pour l’année 2016 n’intégrant pas l’activité d’Easy-M, il est difficile de calculer précisément le chiffre d’affaires de Switch. Disons qu’en 2016, il s’est établi à 75,1 millions d’euros, après deux ans de stagnation autour des 71 millions d’euros. En 2015, Easy-M déclarait 93,4 millions d’euros de chiffre d’affaires, après avoir passé la barre des 120 millions d’euros en 2014.

Les résultats financiers d’IT Pro, la société gérant le réseau Switch, dirigée par Rik Vrancken. Switch a absorbé Easy-M dans le courant de l’année 2017.

Plusieurs fournisseurs de l’APR belge attendent pourtant le règlement de leurs factures. Certains — dont Apple — ont arrêté les livraisons : « les réparations ne suivent plus car les pièces ne rentrent plus », explique l’une de nos sources, avec les conséquences que l’on peut imaginer sur la clientèle. La situation est suffisamment grave pour être suivie par Apple Europe3, dont un responsable communique régulièrement avec Harold Vanheel, le directeur financier de Switch. Mais elle s’améliore doucement : les livraisons devraient reprendre « à partir d’avril ».

Ce sera trop tard pour recevoir rapidement les nouveautés qui pourraient être annoncées demain, mais les boutiques de Switch s’attellent d’abord à vider les stocks restés plein après Noël, pour faire entrer un peu d’argent frais. Ainsi ce week-end, une dizaine de boutiques proposaient des réductions de 5 % sur l’achat d’un iPad, 10 % sur l’achat d’un Mac, et même 20 % sur l’achat d’un casque Beats. Switch pourrait aussi se résoudre à vendre certaines boutiques.

Des responsables du principal revendeur néerlandais, A-Mac4, auraient visité plusieurs boutiques Switch. Opérant principalement dans le centre et le sud des Pays-Bas, A-Mac s’est récemment étendu au nord du pays en faisant l’acquisition de son concurrent iCentre. Avec 46 boutiques, il possède maintenant le réseau le plus dense d’Europe. Outre Switch, la Belgique compte quatre autres APR : CAMi à Bruxelles et Liège, Cipiyou à Verviers, Lab9 en Flandre, et Taco Systems à Waterloo.


  1. Malgré plusieurs tentatives, nous n’avons pas réussi à joindre Vrancken, ni d’autres responsables de Switch.

  2. Les revendeurs français que nous avons contactés n’étaient pas au courant de la situation de Switch. L’un d’entre eux explique qu’« elle ressemble à celle qu’on a déjà vu en Hollande, en Allemagne (Gravis) et en Angleterre (Stormfront) », et s’accorde avec plusieurs de ses confrères pour parler d’un APR qui a trop grossi, trop vite, sous la pression d’Apple il faut le dire.

  3. Apple n’avait pas répondu à nos sollicitations à l’heure de la publication de cet article.

  4. Joint par nos soins, un représentant d’A-Mac n’était pas immédiatement disponible pour nous répondre.

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