Une « intermédiaire » avec comme « mission de connecter le physique et le numérique, de décliner en magasin l'univers de la marque » c'est en ces termes qu'Angela Ahrendts décrivait son rôle chez Apple dans une interview fin 2018.
Arrivée de l'univers de la mode, où elle dirigeait la marque de luxe Burberry, la nouvelle patronne du retail a profondément remis à plat les Apple Store, aussi bien dans leur style que dans leur rôle. Angela Ahrendts quittera Apple en avril, ainsi que l'a annoncé l'entreprise par communiqué de presse.
Dès leurs débuts en 2001, les Apple Store détonaient face aux espaces informatiques classiques, sans charme particulier ou fouillis. Le réseau de magasins imaginé par Steve Jobs et Ron Johnson tournait autour de l'idée « d'offrir une super expérience pour le client ». Une idée simple, presque convenue, mais qui se traduisit par une proposition différente, à nulle autre pareille dans ce domaine d'activité.
Les Apple Store étaient des magasins propres, clairs, élégants, mêlant aluminium et bois clair et où le service après-vente, le "Genius Bar" était expurgé de sa connotation négative.
Entre Ron Johnson parti fin 2011 et l'arrivée d'Angela Ahrendts en 2014 il y eut en 2012 un bref intermède de six mois avec l'anglais Jon Browett, aussi vite remercié que fut longue la recherche de son remplaçant.
L'un des chantiers d'Angela Ahrendts fut de réunir les boutiques Apple Store physiques avec l'Apple Store en ligne en un seul ensemble. Tim Cook lui-même n'avait pas su lui expliquer pourquoi ces deux entités étaient jusque-là séparées, lorsqu'elle s'en étonna.
La communication dans les uns n'était pas répercutée sur le second, on ne pouvait pas non plus acheter un produit en ligne et le rendre en boutique (dans certains pays ce n'est toujours pas possible…), il n'y avait pas cette union dont Apple se vante fréquemment s'agissant de son matériel et de son logiciel.
La nouvelle responsable instaura également une communication plus directe avec ses équipes, au travers de vidéos hebdomadaires. Un lien indispensable alors qu'Apple compte aujourd'hui 506 Apple Store disséminés à travers le monde et 70 000 employés dans cette branche du "Retail".
Le plus visible des changements au départ fut la grande transformation physique de ces boutiques. Travaillant de concert avec Jonathan Ive pour leur design, l'équipe "Retail" d'Apple a adopté un nouveau style en collaboration avec le cabinet de Norman Foster.
On retrouve d'ailleurs dans les Apple Store, que ce soit pour le mobilier ou les matériaux, des éléments exploités à l'identique à Apple Park, dessiné par le même Foster. Du QG flambant neuf d'Apple à ses boutiques de nouvelle génération il y a une continuité, une unité de style.
Des stores impressionnants ont été construits ces dernières années, avec la volonté de monter en gamme dans les matériaux — marbre, cuir, mobilier onéreux — (quitte à rendre l'atmosphère parfois plus froide) et en les rapprochant de grandes boutiques officiant dans des secteurs étrangers à l'industrie du logiciel et du PC. L'offre en accessoires Hermès est un bon symbole de ce désir de quitter l'orbite d'un univers purement informatique.
Cette volonté d'instiller une touche de luxe se voit aussi dans le ratio entre l'espace et le volume de produits présentés. Il n'y a pas l'accumulation d'articles comme on en voit dans les boutiques classiques. Une part importante des lieux est dévolue aux formations et aux ateliers, regroupés sous la bannière Today at Apple.
C'est une autre évolution importante qui a eu lieu dans les Apple Store : un accent de plus en plus important mis sur l'accompagnement du client ou du futur client, au travers d'ateliers gratuits et ouverts à tous. Une manière de mettre en scène les produits d'Apple, de décoincer les utilisateurs intimidés par leur nouvelle acquisition et in fine de les fidéliser. Vente du produit, formation, SAV, reprise du produit… la boucle est bouclée.
Les Apple Store se sont amplement transformés, ils ont creusé à nouveau la distance avec ce que font les concurrents mais ils n'ont pas échappé aux conséquences de cette croissance et d'un nombre toujours plus importants de visiteurs et de clients.
L'attente pour obtenir un rendez-vous peut être longue, une affaire comme le remplacement des batteries est retombée sur les épaules des techniciens, certains stores sont bondés et le niveau technique des employés s'est inévitablement dilué par rapport aux premières années. À un niveau plus local, comme en France, on a vu à Noël l'expression d'une exaspération entre les conditions de travail et la bonne santé financière d'Apple.
C'est ce composé chimique entre la satisfaction des clients et celle de ses propres troupes que la nouvelle patronne des Apple Store, Deirdre O’Brien, va devoir maintenir, voire ramener, à un équilibre stable.