Pendant le rachat, les affaires continuent. SFR, dont l'acquisition par Altice a été actée par le conseil de surveillance de Vivendi, poursuit donc son développement : dans les prochains jours, l'opérateur au carré rouge et Vodafone vont annoncer un « partenariat très étendu », d'après Jean-Yves Charlier le PDG de SFR au Figaro - et ce, malgré l'acquisition de l'opérateur par Altice. « Nos clients professionnels auront un accès au réseau Vodafone partout dans le monde », explique le patron, sans rentrer plus avant sur la portée de cet accord si ce n'est qu'il « portera sur de nombreux points ».
Jean-Yves Charlier -dont le sort au sein du futur attelage SFR/Numericable n'est pas encore défini- lève également un coin du voile sur les négociations avec Altice et Bouygues : « Nous avons préparé avec la même attention et en toute neutralité un projet industriel avec chacun des deux candidats, Bouygues Telecom et Numericable. D’un point de vue industriel, les deux projets étaient pertinents pour SFR ». Mais Numericable et son « réseau fixe de 10 millions de prises » a emporté le morceau : SFR peut ainsi se positionner pour la première fois devant Orange dans le très haut débit. L'intégration de SFR au sein de Numericable ne devrait pas poser de soucis, estime t-il, car leurs métiers « sont complémentaires et (…) les tailles sont très différentes ». Le PDG confirme que la nouvelle entité s'appellera bien SFR.
Malgré les polémiques et les coups de menton de Martin Bouygues, l'accord de mutualisation des réseaux entre SFR et Bouygues Telecom n'est pas remis en cause (lire : Bouygues et SFR veulent mutualiser leurs réseaux). « Nous avons signé un contrat pour 20 ans, qui ne comporte pas de clause de sortie pour cause de changement de contrôle capitalistique », rappelle Charlier. La rupture de contrat par Bouygues occasionnerait pour ce dernier une pénalité pouvant aller jusqu'à un milliard d'euros : on comprend dès lors que l'opérateur marri marche sur des oeufs dans ce dossier spécifique.
Sur la sauvegarde de l'emploi, le patron de SFR se fait rassurant. Des engagements -« inédits »- ont été pris dès le départ par Patrick Drahi, le patron d'Altice. « Nous sommes à présent en train de formaliser ces engagements dans le cadre d'un accord avec les représentants syndicaux. La transition se fera par étapes ». Altice a déposé son dossier d'acquisition à l'Autorité de la concurrence mercredi dernier. Autre préoccupation : l'investissement. Avec Numericable, SFR s'est engagé à déployer 12 millions de prises très haut débit d'ici à 2017, « et 15 millions en 2020, contre 8 millions actuellement chez Numericable ». Quant à la 4G, le déploiement se poursuit.
Dans un registre plus large, Jean-Yves Charlier exprime dans cette interview ses doutes concernant l'avenir à moyen terme du paysage de la téléphonie en France. Il estime ainsi que si la guerre des prix devrait se poursuivre encore un moment, elle « n’est pas tenable sur le long terme ». « La France doit choisir entre des prix bas et résorber la fracture numérique. Nous avons atteint un point de bascule » assure t-il, reprenant au passage un des arguments d'Arnaud Montebourg en fin d'année dernière - l'alors ministre du Redressement productif avait estimé sur RTL qu'il était « possible que dans cette guerre des prix nous ayons un mort ». Depuis l'arrivée de Free Mobile sur le marché, les revenus des opérateurs ont baissé de 7,7% mais leurs investissements sont restés stables. Le maintien de quatre opérateurs en France est-il tenable ? Les bouleversements sont loin d'être terminés sur le marché français des télécoms : parmi les scénarios sur la table, Free pourrait ainsi s'offrir Bouygues…