Les images visibles sur internet proviennent, en règle générale, d’un humain. La plupart du temps, on fait peu de cas du droit d’auteur : quand une photo nous plait, il suffit d’un copier/coller pour la partager sur les réseaux sociaux ou l’intégrer dans un blog. La manipulation est tellement facile qu’on ne se préoccupe pas des droits du photographe.
Le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, a été adopté par les sénateurs le 29 juin. La loi Création comprend dans son article 10 une disposition visant les moteurs de recherche indexant des images. La mesure met en place une redevance dont devront s’acquitter ces sites, et en premier lieu Google comme le rapporte Le Figaro.
Le petit nom informel du dispositif est d’ailleurs « taxe Google Images », ce qui en dit long sur la motivation du gouvernement. Mais dans les faits, cet article concerne « tout service de communication au public en ligne dans le cadre duquel sont reproduites et mises à la disposition du public, à des fins d'indexation et de référencement, des œuvres d'art plastiques, graphiques ou photographiques collectées de manière automatisée à partir de services de communication au public en ligne ».
La redevance reviendra non pas directement aux photographes, mais à des sociétés en charge de la gestion du droit d’auteur comme la Scam (Société civile des auteurs multimédia) ou la SAIF (Société des auteurs des arts visuels et de l'image fixe). Cette "taxe" devra être négociée entre les moteurs de recherche et les sociétés, ce qui promet de sérieuses foires d’empoigne. Et si personne n’arrive à se mettre d’accord, c’est l’État qui décidera d’un barème.
Pour profiter des droits d’auteur générés par cette redevance, il reviendra aux photographes de s’enregistrer auprès de ces sociétés — bon courage, il en existe des dizaines — et/ou prouver qu’ils sont bien les créateurs de telle ou telle image. L’usine à gaz n’est pas loin, comme peut l’être la rémunération sur la copie privée gérée par Copie France, qui va d’ailleurs s’étendre au cloud au travers de cette même loi Création.
En attendant les décrets d’application de cette loi (que le gouvernement est déterminé à faire appliquer), il est toujours possible de prendre de bonnes habitudes. Comme par exemple utiliser des photos Creative Commons, que l’on peut trouver dans Flickr, Pixabay et même… Google Images (liste des sites à cette adresse).
Attention, utiliser des contenus CC ne vous exonère pas de créditer l’auteur, et certains usages peuvent être proscrits (utilisation commerciale, modification…). Il y a en effet plusieurs licences CC différentes. Et comme les choses sont bien faites, les images CC peuvent elles aussi faire l’objet d’une rémunération via la loi Création, ce qui n’est d’ailleurs pas sans poser un gros casse-tête à Wikipedia…
En ce qui concerne Apple, le designer Tareq Ismail s’inquiète de voir le constructeur faire aussi ouvertement la promotion de l’utilisation de photos sans réflexion sur le droit d’auteur. Dans macOS Sierra, on peut ainsi rechercher des images avec Siri, puis les glisser/déposer dans un document ; c’est même un des atouts mis en avant par Apple pour présenter l’assistant de son futur système de bureau.
Les images proviennent de Bing, mais nulle part n’est marqué leur provenance et encore moins leur licence d’utilisation. Siri se contente de prévenir que les images peuvent être soumises à des droits d’auteurs. Tareq ne demande pas la suppression de cette fonction ; mais qu’au moins, l’indication du statut de l’image ou son attribution soient notés quelque part. Les moteurs de recherche d’images de Google ou Bing présentent ce type d’information : l’utilisateur ne peut pas dire qu’il ne savait pas. Dans iOS 10, Messages propose des images provenant de Tumblr, mais il n'y a aucune autre indication.
Le plus inquiétant pour le designer, c’est que cette fonction de glisser/déposer d’images potentiellement protégées par le copyright soit si généreusement mise en avant par le constructeur. C’est une manière de normaliser une pratique et « d’instiller une culture qui sous-évalue le travail des photographes et des illustrateurs », regrette-t-il.