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Voitures autonomes : Uber a joué avec le feu

Nicolas Furno

mardi 27 mars 2018 à 09:45 • 40

Mobilités

Alors que les enquêtes sont toujours en cours, Uber ne peut plus faire rouler ses voitures autonomes en Arizona jusqu’à nouvel ordre. Cette décision du gouverneur de l’État intervient une bonne semaine après l’accident qui a causé la mort d’un piéton renversé par une Volvo modifiée par Uber pour la conduite autonome. Dans sa lettre qui accompagne l’interdiction, le gouverneur a des mots très durs contre la société, en parlant notamment d’un « échec indéniable » de sa part.

Plus le temps passe, et plus Uber semble en faute dans cet accident. La vidéo diffusée quelques jours plus tard par la police montrait que le véhicule n'avait pas du tout noté la femme qui traversait la route et qu’il n’a jamais freiné. En théorie, ses capteurs auraient dû « voir » le piéton bien avant l’œil humain, mais il y a probablement eu une défaillance à ce niveau, ou bien dans l’exécution du freinage.

Sur le toit de ses voitures autonomes, Uber a installé une batterie de capteurs, dont un LIDAR, un laser censé être capable de détecter une forme sur la route, même si elle n’est pas visible.

Pour ne rien arranger, on sait maintenant que le programme de voitures autonomes d’Uber rencontrait de nombreuses difficultés. Le New York Times s’est procuré un document interne qui montre que les véhicules n’étaient pas au point sur le plan technique. L’assistant qui reste derrière le volant n’est pas là que pour respecter la législation en cours, il doit intervenir régulièrement pour corriger la voiture ou reprendre la main si l’ordinateur de bord l’exige. Et apparemment, il l’exige souvent : les Volvo d’Uber peinaient avant l’accident à rouler pendant 20 km sans aucune intervention humaine. À titre de comparaison, Waymo, la branche de Google spécialisée dans la conduite autonome, parvient à faire rouler ses voitures en moyenne pendant près de 9 000 km sans aucune intervention de la personne derrière le volant.

Alors que leur solution n’était clairement pas à la hauteur, les dirigeants d’Uber mettaient pourtant une pression continue sur le programme. Ces derniers mois, les tests ont été multipliés, avec une seule personne pour superviser la conduite pour accélérer les choses. Jusque-là, outre le conducteur prêt à reprendre la main en cas de problème, une autre personne sur le siège passager surveillait ce que l’ordinateur de bord faisait. Deux personnes qui pouvaient parler, c’était aussi un bon moyen de maintenir l’attention pendant les longues heures de test et à en juger à la vidéo de l’accident, c’est sans doute quelque chose qui aurait dû être maintenu.

Sans compter que ces conducteurs seuls travaillaient de plus en plus depuis quelques mois. En septembre dernier, les voitures Uber avaient parcouru 1,7 millions de km et cette valeur a été doublée cent jours plus tard seulement, triplée encore plus rapidement ensuite. Les documents dénichés par le New York Times montrent aussi que la firme a volontairement placé ses voitures dans des situations difficiles, où l’intervention humaine était obligatoire pour éviter les accidents. Pire, une app spécifique tournait sur un iPad installée au milieu du tableau de bord pour que le conducteur remonte les problèmes rencontrés aux ingénieurs. Cette app fonctionne en permanence, sans couper la conduite autonome ou non, et c’était probablement un motif de distraction important. Waymo utilise une solution bien moins distrayante : un bouton sur le volant permet d’enregistrer une explication vocale transmise aux ingénieurs.

À l’intérieur des Volvo modifiées par Uber, une tablette chargée de remonter les problèmes aux ingénieurs au centre de la console. Sur cette photo, il y a deux opérateurs, le conducteur prêt à reprendre le volant à gauche et l’assistant chargé de surveiller les données calculées par l’ordinateur de bord à droite.

Le tableau est déjà bien noir, mais ce n’est pas fini. Le quotidien ajoute que tous les conducteurs n’ont pas suivi la formation délivrée en interne et qui devrait être obligatoire. Pire, il y a plusieurs cas, avant cet accident, où des conducteurs ont été distraits ou pire pendant leur travail. L’un des employés sur le programme a été licencié pour s’être endormi au volant et un autre aurait été aperçu en train de faire de la batterie au volant alors que la voiture passait à une intersection. Combien encore de cas qui n’ont pas été détectés ? Entre le choix de ne laisser qu’une personne dans la cabine et la multiplication des heures de travail pour atteindre les objectifs le plus rapidement possible, probablement un grand nombre.

Ce devait être un gros axe de développement pour 2018 et le CEO d’Uber devait tester la conduite autonome au mois d’avril, dans ce qui était nommé en interne « Étape importante 1 : confiance ». Autant dire que cet événement en interne a été annulé, officiellement pour des raisons de calendrier, totalement indépendantes de l’accident.

Est-ce que les voitures autonomes d’Uber ont encore un avenir ? Peut-être, mais certainement pas dans l’état actuel de la technologie. Et avec autant de mauvaise presse, qui voudra désormais monter dans un véhicule sans conducteur d’Uber ?

[MàJ 27/03/2018 13h56] : vous trouviez que le bilan était encore trop positif pour Uber ? On a appris aussi que les Volvo modifiées par Uber ne disposaient plus des systèmes de sécurité installés par défaut par le constructeur. Peut-être que ces systèmes auraient pu ralentir la voiture avant le choc, peut-être pas, mais leur absence n'a certainement pas aidé…

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