Depuis son installation en Californie il y a un an, Guillaume Dubeaux vit son rêve américain. Ce passionné de high-tech partage son quotidien technologique dans une série de chroniques estivales.
Outre Hollywood, la Californie du Sud est connue pour le culte du corps qui y règne. Je ne vous cache pas que je croyais au début que c’était un mythe. Mais un an plus tard, force est de reconnaître que le sport est prépondérant en « SoCal », comme on dit ici pour Southern California. Le sport fait même partie intégrante du lifestyle, et Apple a réussi à se faire une place de choix dans ce domaine.
Le nombre d’utilisateurs d’Apple Watch est impressionnant ici, notamment chez les jeunes. Sur tous les jeunes que je croise quotidiennement, au moins un sur trois porte une Apple Watch.
Dernièrement, la Pomme a plus clairement orienté sa montre sur le segment du sport et de la santé. Elle a noué un partenariat avec l’école de médecine de l’université Stanford autour d’une étude sur l’état du cœur des Américains. Je n’ai malheureusement pas pu participer à l’Apple Heart Study (les inscriptions sont fermées depuis le mois dernier), mais je suis certain que ce genre d’étude permettra d’en apprendre plus sur des maladies parfois silencieuses comme la fibrillation atriale qui peuvent causer de sacrés dégâts.
Pour cette chronique, je mets ma casquette de post-doctorant à l’Université de Californie, San Diego (UCSD pour les intimes). Je ne travaille pas directement sur la santé humaine, mais je baigne dans le scientifique.
Petite parenthèse pour les Géo Trouvetou en herbe. Je recommande chaudement les applications Papers et Findings. La première est un gestionnaire de bibliographie et la seconde est un cahier de laboratoire numérique avec plein d’outils intégrés. Les deux sont multi-plateformes. Fin de la parenthèse.
En tant que scientifique, je trouve extrêmement intéressantes les démarches des GAFA sur la santé. Google veut « soigner » la vieillesse avec Calico — cela mériterait un article à part entière tant il y a matière à débattre. Amazon pourrait devenir livreur de produits pharmaceutiques sous ordonnance. Facebook a démarché des hôpitaux pour obtenir des données médicales anonymisées qu’il ferait ensuite correspondre avec ses membres dans le but de les conseiller médicalement. Et Apple dans tout ça ?
C’est certainement celle qui fait les choses les plus concrètes à l’heure actuelle. L’excellente application Santé permet d’enregistrer toutes ses activités ainsi que ses changements physiques mesurés par des apps tierces et des accessoires connectés.
Ce n’est pas tout. L’app Santé fonctionne avec ResearchKit, un framework open source permettant de créer des études cliniques. Par exemple, l’app mPower doit aider à mieux comprendre la maladie de Parkinson. Pour résumer, le patient peut suivre l’évolution de la maladie et en parallèle les chercheurs ont accès à une quantité énorme de data, ce qui n’aurait même pas pu être envisagé il y a quelques années.
En tant que chercheur, je peux vous dire que plus nous avons de data en notre possession et meilleures (robustes) seront nos conclusions. Cela permet donc aux recherches cliniques d’avancer bien plus rapidement que par le passé… Et de mieux comprendre certaines maladies car en ayant beaucoup de data, on évite aussi d’être biaisé !
En plus de ResearchKit, il y a CareKit, qui est orienté patient. L’idée derrière cet autre projet open source est de permettre la création d’applications aidant les gens à mieux comprendre leur maladie et mieux vivre avec.
Je trouve cette approche primordiale. Apple ne cherche pas uniquement à faire avancer la recherche, elle veut aussi améliorer le quotidien des malades sans tarder. Une des premières apps à avoir exploité CareKit est One Drop, qui sert à suivre le diabète moins péniblement.
Pour boucler la boucle, l’application Santé est sur le point de devenir une interface médecin-patient moderne, si tant est que vous vous fassiez soigner dans un établissement partenaire. Le nouveau service, actuellement en bêta aux États-Unis, s’appelle Health Records et pourrait bien simplifier considérablement le suivi médical.
Qu’on se le dise, je ne souhaite pour rien au monde tomber malade, mais la possibilité d’avoir une meilleure transmission des diagnostics et des traitements via ce nouveau service me semble particulièrement bienvenue. Health Records est un dossier médical connecté qui est constamment à jour et toujours disponible dans votre poche ou à votre poignet.
Ces informations médicales accessibles et complètes sont importantes, en particulier aux États-Unis où le système de santé pousse vraiment à prévenir plutôt qu’à guérir. Si je ne suis personnellement pas à plaindre en matière de couverture santé, ce n’est malheureusement pas le cas de beaucoup de résidents américains.
Sans chercher à faire de la politique sur ce site, l’Obamacare essayait de donner un minimum à tout le monde mais le nouveau président est en train de le déconstruire. Certains États comme la Californie couvrent leurs fonctionnaires avec une assurance santé, mais ça ne représente qu’une très petite partie des Américains.
Il existe tout de même un service équivalent à la Couverture Maladie Universelle française appelé Medicaid. Cette protection ne concerne cependant que les très (très) faibles revenus et ne change rien pour les classes inférieures ou moyennes non couvertes.
Sans couverture santé, aller chez votre médecin généraliste vous coûtera 160 $ (environ 140 €). Autant vous dire qu’il ne faut pas se plaindre de la France. Car même avec une bonne couverture, nous sommes parfois amenés à avancer des frais assez importants, notamment pour les traitements dentaires.
Après un an aux USA, je sais que je reste pour bien d’autres raisons, mais j’en viens quand même à regretter le système de santé français. Ce contexte peut expliquer pourquoi les entreprises technologiques s’investissent dans le domaine de la santé, en plus de perspectives commerciales évidentes.
Mais même si Apple et d’autres accomplissent des progrès, je pense que la technologie n’y changera rien : c’est une affaire d’égalité entre les individus, un principe fondamental inscrit dans Déclaration universelle des droits de l’homme. Et de mon point de vue, cette égalité n’existe pas aux USA…