Eddy Cue est sans nul doute le dirigeant le plus sympathique d’Apple, mais selon un portrait quelque peu à charge du site The Information (souvent bien informé), le grand manitou en charge des services n’est pas forcément le plus bosseur ou le plus impliqué dans son travail.
L’introduction de l’article ne fait pas dans la dentelle. On y découvre en effet un Eddy Cue volontiers roupilleur durant les réunions : le vice-président devient « parfois silencieux, il ferme les yeux et renverse la tête. Les participants à la réunion se demandent s’il regarde le plafond ou s’il dort », explique le site qui s’appuie sur les témoignages d’anciens employés d’Apple. « Dans au moins deux cas, Eddy Cue a commencé à ronfler », selon une source !
Dans les grandes entreprises, il arrive parfois que les réunions soient particulièrement ennuyeuses et il n’est pas rare que certains participants tentent d’y rattraper un peu de sommeil perdu ! Anecdote mise à part, Eddy Cue est volontiers décrit comme quelqu’un d’intelligent et plein d’empathie… mais il peut aussi se montrer dilettante et il a des problèmes pour trancher dans les situations de conflit.
Il n’a ainsi pas caché son désintérêt du marché du livre numérique après le procès perdu par Apple face à Amazon. Pendant une réunion avec l’équipe en charge des eBooks, Cue aurait ainsi affirmé que « plus personne ne lit de livre maintenant ». Autre exemple : après avoir pris en main les destinées de Siri, Eddy Cue a semblé ne plus vraiment s’en occuper.
Quand les membres de l’équipe Siri présentaient à Eddy Cue des données techniques sur les performances de l’assistant, ce dernier donnait l’impression de s’ennuyer. C’est là qu’il se mettait à roupiller, ce qui a été le cas dans au moins deux réunions, écrit The Information.
Le vice-président rencontre aussi des difficultés pour prendre des décisions. Alors qu’il avait mené à bien la barque de l’iTunes Store et de ses contenus à acheter « à la pièce », le dirigeant aurait renâclé à se lancer dans le streaming de musique et de vidéos. Une inertie qui oblige Apple à investir beaucoup pour rattraper Amazon, Netflix et Spotify.
Pour ce qui concerne la diffusion de musique en streaming, les choses ont été compliquées avant même le développement d’Apple Music. Steve Jobs avait même tenté d’interdire le lancement de Spotify aux États-Unis, allant même jusqu’à menacer Universal de cesser la commercialisation de son catalogue sur iTunes ! Ce n’est qu’après le décès de l’emblématique patron d’Apple que les choses ont pu se décanter. Mais là aussi, Eddy Cue n’aurait pas su bien gérer le projet.
Suite à l’acquisition de Beats, l’équipe chargée de la mise en place d’Apple Music (sur les cendres de Beats Music) a été laissée sans direction alors qu’il était de la responsabilité d’Eddy Cue d’impulser et de superviser la création du service de streaming. Les employés, un cocktail explosif de gens d’iTunes et de Beats, en venaient même aux mains sur la plupart des aspects d’Apple Music, que ce soit le design, les fonctions, l’ergonomie. « Ils se détestaient ».
Un ex-employé estime qu’Apple essaie d’en faire trop avec trop peu de personnes. Ce qui provoque inévitablement des retours de flamme : « Eddy en est le meilleur exemple, il fait toujours trop de choses ».
Ce qui explique pourquoi Cue s’est tenu à l’écart de ces joutes, il voyait rarement l’équipe Apple Music. Selon un ancien lieutenant du dirigeant, « un des défauts d’Eddy comme manager est qu’il n’ira pas jouer le médiateur entre deux factions adverses. S’il y avait des conflits ou des tensions entre groupes, Eddy ne voulait pas s’impliquer ».
Voilà qui explique les choix d’interface étranges des débuts d’Apple Music (les choses sont revenues sur de meilleurs rails par la suite), et les cahots dans certaines fonctionnalités comme le système d’identification des morceaux dans le nuage…
Apple a déchargé Eddy Cue de plusieurs de ses prérogatives : Craig Federighi a ainsi pris les rênes de Siri en septembre 2017, puis les a transmis à John Giannandrea, transfuge de Google. Cue se concentre actuellement sur le développement de contenus vidéo exclusifs ; une de ses propositions serait de ne pas limiter l’app TV (qui sera sans doute le réceptacle de cette nouvelle offre) aux seules plateformes d’Apple : Android pourrait ainsi en bénéficier (comme c’est le cas d’Apple Music), et peut-être même des Smart TV.
Eddy Cue n’a pas voulu donner son point de vue dans ce portrait, qu’on prendra donc avec les pincettes d’usage.