Depuis des années, ce qui est considéré comme un mythe circule : certains pensent que les smartphones ou les enceintes connectées écoutent nos conversations pour nous proposer des publicités ciblées en rapport avec ces dernières. Et une présentation issue d'un conglomérat de médias américains (CMG, Cox Media Group) prétend que c'est bien le cas.
Avant même de commencer, il faut être conscient d'une chose : il s'agit a priori d'un mythe pour de bonnes raisons. Dans le cas des assistants vocaux, de nombreux spécialistes se sont penchés sur les données transmises par les appareils sans pouvoir mettre en avant une action comme l'envoi de données audio aux serveurs d'Apple, Google ou Amazon. Dans le cas des smartphones, c'est encore plus simple : l'activation du microphone passe par des autorisations au niveau de l'OS, ce qui rend ce type d'espionnage très visible avec un indicateur présent à l'écran. Nous ne pouvons pas affirmer avec certitudes que ce type d'espionnage n'existe pas1, mais tous les indices visibles tendent à montrer qu'il s'agit bien d'un mythe dans l'énorme majorité des cas.
CMG prétend écouter
Une présentation de CMG prétend qu'une technologie d'écoute existe pourtant. Elle a été obtenue par 404 Media. Dans la présentation, le groupe explique disposer d'une technologie qui agrège des données issues de conversations et de comportements en lignes, traitées par une IA pour cibler une audience très locale (le groupe vise des annonceurs qui veulent toucher de possibles clients proches de chez eux). On trouve les noms de Google, Facebook (Meta) et Amazon dans la présentation, sans qu'il soit indiqué explicitement que les données proviennent de leurs applications ou leurs services.
En réponse à l'article, Google a annoncé à 404 Media avoir arrêté ses partenariats avec CMG, Meta a démenti avoir utilisé le microphone des smartphones pour collecter des données et a indiqué que CMG est un partenaire au sens large, mais pas pour ce programme précis, et Amazon a répondu que la société ne travaillait pas avec CMG sur ce programme.
Dans le cas de CMG, ce n'est pourtant pas la première fois que des soupçons pèsent sur la société : 404 Media avait déjà évoqué le problème plusieurs fois, toujours en rapport avec CMG. Mais dans tous les cas, il s'agit d'affirmations de la société elle-même (ici dans un post de blog depuis supprimé), sans preuve directe de cette récolte de données. Le post en question manque de détails sur la mise en place de cette solution, et comme nous l'avons dit, la récupération de données audio implique l'activation du microphone — ce que les applications ne peuvent pas effectuer sans votre autorisation — et le transfert de volumes de données assez conséquent pour être détectés, même avec une compression efficace.
Notons enfin que CMG posait une question intéressante dans son post de blog : est-ce légal ? Pour eux, la réponse est oui, avec un passage assez cynique (mais réaliste) qui explique que la technologie est souvent citée au détour des nombreuses pages de conditions d'utilisation d'un service, avec le sous-entendu évident qu'absolument personne ne lit les passages en question.
Dans le cas présent, une question reste donc en suspens : la technologie d'écoute est-elle vraiment employée ? Selon la présentation de CMG et quelques documents, la réponse est oui. Dans les faits, la réponse est bien plus nuancée, tant les preuves manquent.
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Un smartphone ou un boîtier TV à la provenance douteuse pourrait vous écouter en douce grâce à un OS modifié pour vous empêcher de le remarquer. ↩︎
Source : Image d'accroche : CC BY-NC-ND 3.0