Sketch est l'outil de prédilection de nombreux designers logiciels. Derrière l'application, une petite équipe de 13 personnes et un fondateur atypique. Pieter Omvlee a accordé une longue interview à Geoff Teehan, le cofondateur du studio Teehan+Lax, dans laquelle il s'exprime avec franchise sur de nombreux sujets.
Pieter Omvlee se dit d'abord surpris par la place qu'a prise Sketch sur le marché de la création numérique, et l'ampleur de ce marché lui-même :
La version 1 de Sketch est sortie quand il n'y avait pas encore l'iPhone ou l'App Store. Je savais qu'un petit nombre de personnes créaient des icônes et des interfaces dans un coin de Photoshop. Je me suis dit qu'il devait y avoir de la place pour un petit développeur indépendant sur ce marché de niche. J'ai vraiment été surpris par la taille de ce marché et comment il a grossi, et je pense qu'Adobe a été surpris également.
Pieter Omvlee a fondé en 2008 son entreprise à La Haye, aux Pays-Bas, dont il est originaire. Une étape importante dans le développement de Bohemian Coding a été marquée l'année dernière puisque l'effectif a doublé pour atteindre 13 personnes.
L'équipe est composée de 6 développeurs, quelques designers et personnes chargées de l'assistance, un responsable assurance qualité et un employé qui gère la communauté de création de plug-ins et de scripts. Toutes ces personnes travaillent à distance. Elles se réunissent seulement une ou deux fois par an.
Bohemian Coding est totalement autofinancé. Il n'y a pas d'investisseurs extérieurs parce que Pieter Omvlee n'en veut pas. Il veut garder son indépendance et se développer paisiblement, quitte à prendre le risque qu'un autre éditeur, gros comme petit, débarque un beau jour et marche sur ses plates-bandes. « Mais en même temps je pense que les entreprises qui sont trop concentrées sur leur croissance peuvent perdre du temps à mettre en place cette croissance », explique-t-il.
Ce concurrent arrivant le couteau entre les dents n'a jamais été aussi concret. Adobe a annoncé en octobre dernier Project Comet, une solution de création d'interfaces qui concurrence frontalement Sketch (lire : Adobe détaille Project Comet, sa solution tout-en-un de création d'interfaces). Pieter Omvlee ne se fait pas d'illusion sur ce nouveau venu.
[Comet] représente une menace sérieuse sans aucun doute. Le risque avec une société comme Adobe est que leur logiciel n'a pas besoin d'être un succès instantané pour eux. Ils peuvent perdre de l'argent dessus pendant des années tout en continuant de l'améliorer. Et ils ont clairement assez de personnes talentueuses pour réaliser cela, donc je ressens clairement une certaine pression depuis l'annonce.
Mais le fondateur de Bohemian Coding ne s'avoue pas vaincu pour autant. Il met en avant l'écosystème autour de Sketch « qu'Adobe ne peut pas copier facilement ». On trouve en effet de nombreux plug-ins qui viennent se greffer à lui pour augmenter ses capacités (lire : Silver réalise des prototypes mobiles interactifs dans Sketch).
Sur Sketch lui-même, Pieter Omvlee reconnait qu'il n'a pas évolué l'année dernière aussi rapidement qu'espéré. Une situation qu'il explique par l'intégration des nouveaux employés qui a demandé du temps et la réécriture de plusieurs parties du logiciel nécessaire à son développement futur.
Il admet aussi que la fiabilité a été le point noir de Sketch — l'application est souvent critiquée pour ses nombreux bugs —, mais une personne s'occupe dorénavant à plein temps de cet aspect. Le retrait du Mac App Store est aussi une action prise pour mieux répondre au problème :
Avec la sortie récente du Mac App Store je pense que nous pouvons distribuer les mises à jour plus rapidement. Je suis vraiment enthousiaste de sortir les choses prévues pour cette année. Je pense que nous avons appris que la dernière grosse mise à jour a pris trop de temps et nous voulons maintenant sortir de petites mises à jour.
Est-ce que Bohemian Coding va faire évoluer son modèle économique vers un système d'abonnement mensuel, à l'instar du Creative Cloud d'Adobe ? Pieter Omvlee reconnait que cette solution est tentante pour les entreprises : elles empochent des revenus réguliers, que le logiciel évolue ou non. Mais pas question de l'appliquer à Sketch, qui continuera avec le modèle traditionnel de licence perpétuelle (99 $) et de mises à jour majeures payantes :
Nous ne voulons pas basculer sur un modèle avec abonnement. [...] Quand vous avez un produit qui fait appel à un serveur, il est plus acceptable de faire payer chaque mois le client. Mais si c'est juste une app qui est stockée sur votre Mac et qui ne communique pas avec un serveur, les gens ne comprennent pas pourquoi ils devraient payer tous les mois.
- L'intégralité de l'interview est à lire (en anglais) sur la page Medium de Geoff Teehan