Quatre ans ! Cultured Code aura donc mis quatre ans pour tenir sa promesse d’une refonte de Things. Une éternité en temps informatique, pendant laquelle d’autres gestionnaires de tâches ont eu le temps de naître et mourir, et pendant laquelle les utilisateurs ont eu le temps d’imaginer leur application rêvée. Certains d’entre eux seront sans doute déçus : plutôt que de travailler sur de nouvelles fonctions, la société allemande s’est attachée à faciliter l’utilisation des fonctions existantes. Pourquoi ? Comment ? Entretien avec Mick Payne, directeur du marketing de Cultured Code.
Vous avez passé beaucoup de temps à revoir non seulement à quoi ressemble Things, jusqu’à personnaliser la quasi-totalité des éléments d’interface, mais aussi comment il fonctionne, jusqu’à concevoir de nouvelles méthodes d’interaction. Est-ce que vous ne prenez pas le risque qu’ils soient rendus obsolètes par de futures évolutions de macOS et d’iOS ?
Nous pensons que l’un des aspects les plus importants d’une application de productivité, c’est ce que l’utilisateur ressent lorsqu’il l’utilise. Si vous n’aimez pas utiliser une application, vous redouterez le moment où il faudra la lancer, ou pire, vous arrêterez purement et simplement de l’utiliser. C’est contre-productif.
Lorsque nous concevons nos applications, nous faisons en sorte qu’elles s’intègrent convenablement aux différentes plateformes, et qu’elles adoptent leurs conventions (comme la navigation hiérarchique d’iOS ou la structure des fenêtres de macOS) quand cela est pertinent. C’est notre point de départ.
Ensuite, nous abordons les différents problèmes qui se posent dans notre domaine, et essayons de trouver des solutions esthétiques et fonctionnelles pour les résoudre. Cela passe parfois par l’invention d’un nouveau paradigme. Le bouton + [NdR : de la version iOS] en est un parfait exemple. Nous cherchions à faciliter la création d’une nouvelle tâche à un endroit précis d’une liste. Ce n’est pas forcément important pour d’autres types d’apps, mais c’est indispensable pour un gestionnaire de tâches — et nous croyons qu’aucun autre gestionnaire de tâches n’a encore trouvé une bonne solution.
En ce qui concerne la peur qu’une de nos idées ne devienne obsolète, nous pensons que si nous sommes vraiment parvenus à comprendre le nœud du problème, et que notre solution est vraiment bonne, alors elle perdurera. Cela demande bien sûr de réaliser des ajustements, mais ça vaut le coup.
L’application macOS semble plus simple — presque plus « calme ». Les applications iOS, elles, semblent plus puissantes que jamais, grâce à leur bouton + et leur nouveau système de sélection multiple. Comment voyez-vous l’articulation entre les différentes versions ?
De notre point de vue, les deux applications sont plutôt « calmes ». Toutes les fonctions sont à portée de main, mais vous ne les voyez pas tant que vous ne les utilisez pas. L’interface ne se met pas en travers de votre chemin, et vous laisse vous concentrer sur le contenu.
Mais une chose est sûre : les applications iOS ont fait un grand pas vers la parité de fonctions avec l’application Mac. Elles sont vraiment puissantes. Avec le nouveau bouton + et la sélection multiple, vous pouvez maintenant faire sur mobile des choses que vous n’auriez jusqu’ici pas faites sans revenir vers le bureau, et le faire avec plaisir.
Enfin des rappels horaires ! Qu’est-ce qui vous a finalement poussé à les ajouter ?
Eh bien, nous n’avons jamais été fondamentalement opposés à l’idée des rappels, mais nous avons toujours été extrêmement conscients des problèmes qu’ils pouvaient poser :
- nous ne voulons pas donner l’impression qu’il faut ajouter une heure à chaque élément pour gérer correctement sa liste de tâches ;
- nous ne voulons pas surcharger l’application avec différents concepts. Nous voulons avoir une date de départ et une échéance et une alarme en plus. Ce serait une charge mentale pour l’utilisateur, qui devrait alors décider quel outil est le meilleur dans tel ou tel cas.
Nous y avons longuement réfléchi, et nous nous sommes arrêtés sur cette approche. Il y a toujours deux dates dans Things, la date de départ et la date d’échéance, et les deux sont optionnelles. C’est juste que maintenant, lorsque vous créez une tâche, vous pouvez si vous le souhaitez ajouter un rappel pour une heure précise.
Nous pensons que c’est simple, que cela ne complique pas les applications, et donc nous en sommes très contents.
Maintenant que Wunderlist est pour ainsi dire abandonné, aucune des simples applications de gestion de tâches ne proposent de fonctions de collaboration. Est-ce que c’est quelque chose que vous étudiez ?
À n’en pas douter, la collaboration est un domaine d’intérêt pour le futur. Mais pour cette version, nous nous sommes attachés à monter la barre pour les gestionnaires personnels de tâches, et nous pensons que de nombreux utilisateurs de Wunderlist pourront trouver leur compte dans les nouvelles applications. Mais je ne crois pas que tous les utilisateurs de Wunderlist l’utilisaient pour les fonctions de collaboration. Je crois que beaucoup de gens l’utilisaient simplement parce qu’il était gratuit. S’ils ont besoin d’une application simple pour partager des listes, par exemple pour coordonner les courses avec leur conjoint, ils peuvent utiliser Rappels [NdR : l’application intégrée à macOS et iOS intègre un système de partage de listes avec iCloud].
Est-ce que vous comptez ajouter un mode nuit aux différentes versions ?
Ce n’est pas prévu pour le moment, mais ce n’est pas exclu non plus.
Vous avez complètement réécrit les applications. Est-ce que vous avez pris le train Swift, ou est-ce encore trop tôt ?
La réécriture a commencé un peu avant que Swift ne soit disponible, donc notre base de code est toujours en Objective-C. Cela étant dit, nous aimons vraiment ce qu’Apple fait avec Swift, et prévoyons de migrer progressivement [d’Objective-C à Swift].
L’application iPad est toujours séparée de l’application iPhone. Pourquoi privilégiez-vous cette approche à celle de l’application universelle ?
Nous voulons satisfaire les utilisateurs qui n’ont qu’un iPhone, et il y en a beaucoup. Si nous passions à une application universelle, son prix devrait être nettement supérieur pour compenser la perte des ventes pour iPad, et cela freinerait le développement [de Things]. Tel que nous le voyons, Things vaut 80 dollars, mais vous pouvez acheter seulement les versions qu’il vous faut. […]
Beaucoup d’éditeurs sont passés à un modèle freemium ou à un système d’abonnement, mais vous continuez à faire payer vos applications. Pourquoi ?
Les systèmes d’abonnement sont indubitablement intéressants, mais nous savons que beaucoup d’utilisateurs y sont opposés. Il y a peut-être un moyen de combiner le meilleur des deux mondes, mais pour le moment, nous avons décidé de poursuivre avec le modèle économique « classique ».
Dans la même veine : beaucoup d’éditeurs ont décidé de quitter le Mac App Store, mais pas vous. Pourquoi ?
Les développeurs quittent principalement le Mac App Store parce qu’une fonction au cœur de leur application est affectée ou entravée par les règles de la boutique. Ce n’est pas le cas de Things, donc nous n’avons aucune raison de partir. Nous avons même décidé de distribuer la version macOS uniquement sur le Mac App Store, car c’est une manière bien plus efficace de vendre des applications et de distribuer des mises à jour.
Things pour macOS est proposée à 49,99 dollars, Things pour iPad à 19,99 dollars, et Things pour iPhone avec un module Apple Watch à 9,99 dollars. Cultured Code propose une réduction de 20 % jusqu’au 25 mai, et une version de démonstration de la version macOS sur son site.
Entretien réalisé en anglais le 11 mai 2017, réponses traduites par nos soins.