Présenté en 2007 avec Final Cut Studio 2, le format de compression ProRes n’avait d’autre ambition que de fluidifier le montage grâce à l’emploi de fichiers intermédiaires (proxy). La présentation du format ProRes RAW avait donc été interprétée comme une simple réponse aux formats « bruts » de Blackmagic et Red pour Final Cut Pro X. Cinq ans plus tard, les plug-ins ProRes RAW pourraient pourtant s’imposer comme un « format vidéo RAW universel ».
ProRes n’est pas un, mais plusieurs formats de compression avec pertes. Ses quatre premières variantes utilisent un sous-échantillonage de la chrominance 4:2:2 avec une profondeur de 10 bits, ses deux dernières variantes utilisent un sous-échantillonage 4:4:4 avec une profondeur de 10 ou 12 bits et un éventuel canal alpha, et toutes proposent un encodage à taux d’échantillonnage variable de la SD à la 8K. Vous n’avez rien compris ? C’est normal !
Disons que cela permet de créer des fichiers intermédiaires, ou proxy, plus légers et donc plus faciles à manipuler que les fichiers originaux. Le montage peut être réalisé en toute fluidité avec les fichiers intermédiaires, mais au moment de sortir le film, les données originales sont utilisées pour assurer une qualité maximale. Ce tour de passe-passe a sacrément accéléré la transition vers la HD puis la 4K.
Reste que la compression est réalisée après le dématriçage et le traitement des données issues du capteur, selon des méthodes propres à chaque fabricant. Le format ProRes RAW encode les données brutes du capteur pour laisser le dématriçage et les traitements à l’application de montage. Ces opérations nécessitent une plus grande puissance, mais les machines de 2023 sont mille fois plus puissantes que celles de 2007.
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ProRes RAW n’est pas exactement un format « brut », puisqu’il compresse toujours les données, même dans sa version HQ. Apple assure toutefois que « les artéfacts de compression visibles sont très peu probables avec ProRes RAW et extrêmement peu probables avec ProRes RAW HQ ». S’il a rapidement été adopté par Avid, Adobe, Atomos et Assimilate, ProRes RAW reste concurrencé par les formats « bruts » de Blackmagic et Red.
Apple semble vouloir sauter cet obstacle avec sa nouvelle architecture de plug-ins, présentée au printemps et détaillée dans la dernière révision du livre blanc consacré au format ProRes RAW, publiée en avant-première par Petapixel. Les plug-ins ProRes RAW permettent aux fabricants « de fournir leur propre ligne de traitement ProRes RAW pour tirer parti des caractéristiques uniques de leurs caméras, capteurs, optiques… ». Au montage, l’utilisateur peut choisir entre le traitement proposé par l’application ou celui proposé par le plug-in.
Apple aurait pu parler de « profil », mais elle est autrement plus ambitieuse. Avec ces plug-ins, « ProRes RAW peut être vu comme un format vidéo RAW universel » :
Chaque fabricant peut fournir ses propres instructions de traitement, de manière totalement confidentielle, en écrivant un simple plug-in ProRes RAW mettant en valeur la qualité et la personnalité de leurs caméras. ProRes RAW devient, de fait, le support de leur traitement personnalisé.
ProRes RAW est un format vidéo RAW unique, qui peut transmettre les caractéristiques singulières de toutes les combinaisons de caméra, capteur, traitement et optique. ProRes RAW fournit simplement les valeurs brutes du capteur avec une qualité et une efficacité optimale, et les plug-ins personnalisés se chargent du traitement.
Autrement dit : Apple veut réussir avec le format ProRes RAW et les caméras ce qu’Adobe n’a pas tout à fait réussi avec le format DNG et les appareils photo. Canon et Atomos proposent déjà le premier plug-in ProRes RAW pour les systèmes EOS R5, R5 C et R6MII enregistrant sur un Ninja V, V+ ou Shotgun Connect. Apple propose un nouveau SDK intégrant les plug-ins, qui fonctionneront bien entendu sur macOS, mais aussi sur Windows et Linux. Rappelons que les formats ProRes ne sont pas open source, même s’ils sont documentés et gratuits.