Fin octobre, à 24 heures d’écart, les deux frères ennemis de l’informatique moderne ont confirmé leurs visions de ce que doit être un ordinateur portable en 2016. Elles sont à l’opposé l’une de l’autre. Dans le cas de Redmond, elle n’est pas tout à fait nouvelle, puisque la Surface Book i7 ne fait que suivre une première version de son hybride lancé en 2015.
Pour Microsoft, l’avenir passe par les écrans tactiles sur ses ordinateurs. L’éditeur a lourdement insisté sur le fait qu’il était possible de griffonner avec un stylet ou avec ses doigts, de se déplacer dans l’interface avec l’une ou l’autre de ces méthodes, de travailler et être productif comme on le souhaite.
La proposition de Microsoft est séduisante sur le papier, mais elle amène son lot de questions que ce soit en matière d’interface graphique ou d’ergonomie. La Surface Book peut en effet faire office d’ordinateur traditionnel avec sa caisse qui contient un clavier et un trackpad, mais aussi de tablette en « retournant » l’écran ou tout simplement en le détachant.
Avec son MacBook Pro Touch Bar, Apple a opté pour une approche beaucoup plus conservatrice. Du moins, c’est l’impression que cela peut donner à court terme. Là où la concurrence s’attaque à l’écran, Apple a décidé de repenser un autre élément clé de l’ordinateur : le clavier.
Adieu les touches de fonction, bonjour la Touch Bar qui, sur le papier, permet d'en faire bien plus. En théorie, elle doit permettre d'ouvrir les joies de la productivité et de l'automatisation au plus grand monde. L'avenir nous dira si elle a un véritable autre intérêt que celui de jouer à K2000 ou de servir de sélecteur d’émojis.
L’approche matérielle utilisée par Apple pour mettre au point sa Touch Bar est intéressante. Il s’agit en quelque sorte d’un ordinateur dans l’ordinateur. Elle est chapeautée par une puce dédiée et un système propre. La manière dont la barre tactile a été conçue peut donner une indication de la voie que veut suivre Apple pour ses ordinateurs.
Elle n’aura peut-être pas le courage d’abandonner Intel, mais le Mac pourrait devenir une machine où le processeur Intel aura un rôle moins central qu’il ne l’a eu ces dernières années au cœur de nos ordinateurs. Autrement dit, renouer avec des architectures plus “décentralisées”, comme c’était le cas pour les stations NeXT à une autre époque.
Que penser de cette Touch Bar ? Elle pourrait être un premier pas avant un démembrement complet du clavier. Apple semble bien vouloir ne pas s'arrêter en si bon chemin. On a prêté à la firme de Cupertino un grand intérêt à Sonder, une start-up qui développe des claviers dont les touches ne sont autres que des écrans E-Ink (lire : Le futur Magic Keyboard, avec des touches E-Ink ?) . À vrai dire, on imagine mal cohabiter une Touch Bar et un écran E-Ink sur une même machine, mais c’est peut-être la technologie qui intéresse Apple, pas nécessairement ce produit en lui-même.
L’hypothèse la plus futuriste serait qu’à terme l’espace dédié au clavier soit remplacé par un écran tactile. Si la Touch Bar telle qu’on la connait est une Apple Watch qui ne dit pas son nom, pourquoi ne pas glisser l’équivalent d’un iPad mini à la place du clavier de nos ordinateurs ? Après tout, le trackpad des MacBook Pro 15 pouces est quasiment aussi grand que la petite tablette.
Là aussi, l’idée est séduisante, mais cela pose beaucoup de questions. Si le clavier devenait d’un coup un objet beaucoup plus souple et créatif, comment faire pour avoir un véritable confort de frappe ? Pourra-t-on conserver des repères de manière à pouvoir taper sans avoir à regarder ce clavier virtuel en permanence ? Évidemment, Apple a en stock une technologie épatante, le Taptic Engine qui fait des merveilles haptiques avec l'iPhone 7.
Est-ce que cela verra le jour ? Nul ne le sait, mais Apple s’interroge sur le sujet. En début d’année, un brevet décrivant un clavier tout tactile a été publié. Le Californien avait imaginé quatre zones tactiles sur la caisse du portable : la première et la plus grande affiche le clavier à proprement parler, celle du milieu en bas se destine au trackpad, et les deux pavés de part et d’autre peuvent être de simples repose-poignets, mais aussi d’autres types de clavier comme un pavé numérique par exemple. Le tout avec ces mouvements haptiques pour donner un retour physique à l’utilisateur (lire : Brevet : un clavier tout tactile pour le MacBook) .
Quoi qu'il en soit, Apple et Microsoft sont partis dans des directions bien opposées. Récemment, Phil Schiller avait joué le pompier de service pour défendre la vision d’Apple. « Le tactile, sur un ordinateur de bureau serait désastreux. Pouvez-vous imaginer un iMac de 27 pouces où vous devez mettre les bras en l'air pour essayer de toucher et de faire des choses ? Ça serait absurde ».
Même si Phil Schiller juge l'idée aberrante, cela n'avait pas empêché l’équipe dirigeante de vérifier ses intuitions en mobilisant une équipe de développement qui a travaillé sur des prototypes pour bien s'en assurer (lire : Pour Phil Schiller, le Mac est une « expérience tactile à temps partiel ») !
À l'occasion de l'entretien, la possibilité de remplacer complètement le clavier par une surface tactile est revenue sur la table. « Cela n'arrivera pas de si tôt », avait déclaré le vice-président du marketing, précisant : « Pour nous, actuellement, il n'y a aucune raison de faire ce compromis. À la place, nous nous concentrons non pas sur le retrait du clavier, mais sur son amélioration ».
En attendant, laquelle des deux visions vous semble la meilleure au sujet des écrans ? Celle de Microsoft ou celle d’Apple ? C’est l’objet de notre sondage ! Pour voter, c’est par ici !