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Dell XPS 11 « 2 en 1 » : entre MacBook Air et iPad Pro

Anthony Nelzin-Santos

vendredi 14 novembre 2014 à 10:04 • 46

Matériel

Puisque les « ultrabooks » et autres « PC 2 en 1 » ont le vent en poupe, il fallait bien que nous en testions au moins un. Mais dans l’offre pléthorique de la centaine de modèles proposée par des dizaines de fabricants de PC, lequel choisir ? Sans doute un de ces appareils au « croisement du toaster et du réfrigérateur » moqué par Tim Cook.

Un « hybride », donc, à mi-chemin entre la tablette et l’ordinateur portable sans être ni tout à fait l’un ni tout à fait l’autre. Nous aurions pu choisir le très populaire Lenovo Yoga, le détachable Acer Aspire Switch, ou même l’étrange Asus Taichi — mais notre choix s’est finalement porté sur le Dell XPS 11. D’abord pour avoir un Dell. Ensuite parce que Dell a repris des couleurs depuis sa sortie de la bourse. Enfin parce que c’est un modèle raisonnablement atypique.

Un ultrabook à 599 €

C’est aussi une machine qui n’a pas séduit les foules, si peu que Dell la liquide aujourd’hui à moitié prix. Vendu 1 228 € à son lancement, notre modèle à processeur Intel Core i5 avec 4 Go de RAM et 256 Go de SSD vaut désormais 599 € [NdR : on peut même le trouver à moins de 400 €]. Un prix, il faut le dire, qui nous semble plus en rapport avec sa configuration. Pas que le XPS 11 soit un PC bas de gamme, non ; mais ce n’est pas non plus un rival direct du MacBook Air.

Il se contente en effet d’un processeur Intel Core i5-4210Y, c’est-à-dire d’un processeur extreme low-power à la consommation aussi réduite que ses performances. Sa fréquence de base de 1,5 GHz est certes plus élevée que celle du Core i5-4260U du MacBook Air, mais il ne peut monter qu’à 1,9 GHz quand son camarade ultra low-power peut atteindre 2,7 GHz. De même, le XPS 11 doit composer avec une puce graphique Intel HD Graphics 4200, quand le MacBook Air intègre une Intel HD Graphics 5000.

Résultat de tests Geekbench 3 : iPad Air 2 (Apple A8X, 2 Go de RAM), Dell XPS 11 (Intel Core i5 1,5 GHz, 4 Go), MacBook Air (Intel Core i5 1,4 GHZ, 4 Go) et MacBook Pro Retina (Intel Core i5 2,7 GHz, 8 Go). La machine de Dell s'en sort honorablement en single core, mais marque le pas en multi core.
Résultat de tests Geekbench 3 : iPad Air 2 (Apple A8X, 2 Go de RAM), Dell XPS 11 (Intel Core i5 1,5 GHz, 4 Go), MacBook Air (Intel Core i5 1,4 GHZ, 4 Go) et MacBook Pro Retina (Intel Core i5 2,7 GHz, 8 Go). La machine de Dell s'en sort honorablement en single core, mais marque le pas en multi core.

Oh, l’ultrabook de Dell ne se traîne pas — il est sufisamment puissant pour lire des vidéos HD 1080p sur Netflix, retoucher quelques photos avec Lightroom, sortir quelques statistiques avec R et quelques cartes avec gvSIG, et bien sûr surfer ou écrire. Mais il lui manque une petite réserve de puissance pour aller au-delà de ces tâches somme toute basiques. Il est moins flexible que le MacBook Air… ce qui est un comble pour un ordinateur dont la charnière pivote sur 180°.

La finition fibre de carbone, qui attire les traces de doigts.
La finition fibre de carbone, qui attire les traces de doigts.

Une machine qui fait du yoga (ah non, ça c’est Lenovo)

Dans sa position « normale », le Dell XPS 11 peut être utilisé comme n’importe quel autre ordinateur portable. Un bel ordinateur portable, d’ailleurs, quoique dans un autre genre que les MacBook. Pesant 1,13 kg pour une épaisseur variant de 11 à 15 mm, il est construit autour d’un châssis en aluminium paré de fibre de carbone, qui semble dense et solide. Une impression renforcée par une finition impeccable : qu’ils sont loins, les PC à vis, trappes, joints et même composants apparents !

Apple n'est plus la seule à pouvoir se vanter que le dos de ses ordinateurs est aussi joli que leur face. Au passage, remarquez le look soviétique de la charnière, qui traduit bien sa fermeté.
Apple n'est plus la seule à pouvoir se vanter que le dos de ses ordinateurs est aussi joli que leur face. Au passage, remarquez le look soviétique de la charnière, qui traduit bien sa fermeté.

Sur le papier, l’écran tactile du Dell XPS 11 est impressionnant. D’une définition de 2160 x 1400 px pour une diagonale de 11,6 pouces, il affiche une résolution de 224 ppp similaire à celle des MacBook Pro Retina. Il est protégé par une dalle de Gorilla Glass NBT, un verre renforcé peu sensible aux micro-rayures et particulièrement adapté aux pressions répétées du doigt. En pratique cependant, il l’est un peu moins.

Les ports sont à l'envers.
Les ports sont à l'envers.

D’abord parce que Windows ne profite pas pleinement de cette très haute définition si l’on ne joue pas avec les réglages de zoom. Ensuite parce que sa luminosité de 400 cd/m² et son contraste de 1200:1 sont divisés par deux une fois que l’on a passé le coup de sonde indispensable à la correction de sa colorimétrie très fantaisiste. Enfin parce que même ces réglages effectués, « l’effet Retina » est moins saisissant sur Windows dont l’interface est plus grossière et l’anticrénelage moins convaincant à nos yeux.

Un étrange clavier tactile

Mais ce n’est pas le plus gros défaut du Dell XPS 11 dans cette position — cet « honneur » est réservé au clavier tactile similaire à celui des horribles Touch Cover de la Microsoft Surface. Les touches sont de bonne taille et bien espacées, et le clavier virtuel de l’iPad a fini par nous habituer à l’absence de retour physique. Mais le clavier de Dell est trop peu sensible, si bien qu’il est impossible de taper à pleine vitesse (110 mots par minute sur un clavier Apple, 85 sur un iPad) sans rater de nombreuses lettres. Faute de système d’auto-correction digne de ce nom, il faut ralentir la frappe pour taper de manière fiable (2 % de taux d’erreur atteint à 65 mots par minute).

Détail du clavier tactile.
Détail du clavier tactile.

La bizarrerie de ce clavier explique sans doute à elle seule l’insuccès du Dell XPS 11, même si l’on pourrait pointer du doigt toute une liste de petits détails agaçants. Le peu de ports qu’il intègre sont positionnés à l’envers ; le bouton d’allumage est difficile à actionner puisqu’il est placé sur la tranche la plus fine ; le témoin du chargeur n’est pas un témoin de charge puisqu’il s’allume dès que le chargeur est branché au secteur ; les haut-parleurs sont puissants mais ne serviront qu’aux conversations Skype ; et bon sang, quitte à coller ces foutus autocollants Intel Inside, autant ne pas les coller n’importe comment !

Le bouton d'allumage, qui fait aussi office de diode de statut. L'autocollant Intel Inside, à l'arrière-plan, est collé de travers sur notre exemplaire de test. Heureusement qu'on peut l'enlever ! Le point noir sur le bord chromé n'est pas une rayure, mais un reflet.
Le bouton d'allumage, qui fait aussi office de diode de statut. L'autocollant Intel Inside, à l'arrière-plan, est collé de travers sur notre exemplaire de test. Heureusement qu'on peut l'enlever ! Le point noir sur le bord chromé n'est pas une rayure, mais un reflet.

Reste que la charnière orientable, qui n’a pas perdu de sa fermeté après quelques semaines d’utilisation, rachète ces petites contrariétés. Le XPS 11 n’est pas la tablette la plus légère du marché, mais ce « mode » permet de lire confortablement au fond du canapé. Le « mode tablette verticale » est plus convaincant : il permet de regarder un film dans son lit sans obstruer les ventilateurs et donc sans faire chauffer la machine.

Le (très pratique) mode « tablette verticale ».
Le (très pratique) mode « tablette verticale ».

Ce que le Dell XPS 11 peut révéler des choix d’Apple

Ce ne sont pas des fonctions renversantes, ou alors seulement au sens propre du terme, mais elles n’en demeurent pas moins appréciables. L’approche d’Apple — un appareil avec une interface pour un contexte d’utilisation — a prouvé son efficacité, mais celle de Microsoft n’est pas totalement stupide… à condition que le matériel la soutienne. Et le Dell XPS 11 la soutient : ce n’est ni la meilleure tablette ni le meilleur ultrabook, mais il est assez convaincant dans les deux cas.

Et le « mode tablette ».
Et le « mode tablette ».

De manière générale, il montre les progrès effectués par les quelques fabricants de PC qui ont su éviter la faillite, sous la pression d’Apple et avec le soutien d’Intel. Mais il montre aussi à quel point le MacBook Air a marqué cette décennie : on compare des machines flambant neuves à un ordinateur conçu il y a cinq ans. Un ordinateur qui est sans doute en fin de cycle, et dont le remplaçant pourrait peut-être avoir des points en commun avec ce Dell XPS 11.

À cet égard, le choix d’un processeur extreme low-power est très intéressant : conçu par Intel pour les ultrabooks, il permet au Dell XPS 11 de tenir près de 6 heures sur une charge, et de le faire dans un silence absolu. À peine la machine devient-elle tiède lorsqu’on la pousse dans ses derniers retranchements, et il faut poser l’oreille sur la charnière pour confirmer la présence de ventilateurs.

La rumeur d’un MacBook Air dépourvu de ventilateurs est plausible : à puissance presque équivalente à celle des processeurs ultra low-power, les processeurs extreme low-power consomment et dégagent beaucoup moins. Mais ce MacBook Air sans ventilateurs pourrait aussi posséder un processeur ARM : en théorie, l’Apple A8X est aussi performant que le Core i5-4210Y. Et il serait étonnant qu’il ne dispose pas d’un écran Retina, alors que le XPS 11 est d’une fluidité exemplaire malgré sa puce graphique anémique.

Les moqueries de Tim Cook sont peut-être à prendre comme celles de Steve Jobs : Apple ne commercialisera sans doute jamais d’« hybrides », mais elle viendra sûrement les concurrencer plus directement. Sera-ce avec un « iPad Pro » dont la puissance sera mieux exploitée qu’elle ne l’est aujourd’hui ? Sera-ce avec un tout nouveau MacBook Air qui se distinguera par son écran, son clavier ou son trackpad ?

Impossible de le dire, mais les « toasters-réfrigérateurs » comme le Dell XPS 11 montrent qu’Apple n’est pas en manque de concepts, matériaux et technologies à exploiter.

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