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Force Touch : comment ça marche ?

Anthony Nelzin-Santos

jeudi 23 avril 2015 à 16:30 • 25

Matériel

Le nouveau MacBook se distingue par son écran Retina 12 pouces, sa minuscule carte-mère, son clavier à touches « papillon »… et son trackpad Force Touch. Un trackpad qui ne clique pas, mais ajoute pourtant une nouvelle dimension à l’utilisation d’OS X.

Schéma de l'envers du trackpad Force Touch. Ce schéma correspond au trackpad du MacBook : celui du MacBook Pro fonctionne selon le même principe, mais les composants sont arrangés différemment. Image MacGeneration.
Schéma de l'envers du trackpad Force Touch. Ce schéma correspond au trackpad du MacBook : celui du MacBook Pro fonctionne selon le même principe, mais les composants sont arrangés différemment. Image MacGeneration.

Les trackpads sont traditionnellement conçus comme des tremplins : le pavé est fixé sur un axe transversal, placé aux deux tiers ou aux trois quarts de la hauteur. Le clic correspond à la butée du pavé sur un capteur après une légère rotation, dont l’amplitude pouvait être réglée par une vis sur les anciens ordinateurs, mais est maintenant limitée par la finesse extrême des ultrabooks. Ce mécanisme est simple et efficace, mais il empêche de cliquer haut sur le trackpad, et prend de la place.

Apple — dont le PowerBook 520 de 1994 était pourtant le premier ordinateur portable doté d’un trackpad du genre, fourni par Cirque — s’en est tout simplement débarrassé pour affiner encore son MacBook. Le trackpad Force Touch est donc une surface fixe et immobile… mais pas insensible pour autant. Les trackpads sont en effet dotés depuis des années de surfaces capacitives similaires à celles de l’iPhone ou de l’iPad, sur lesquelles on peut réaliser des gestes à deux, trois, voire quatre doigts.

Reste que la sensation tactile procurée par un clic physique permet de maintenir le lien entre matériel et logiciel, d’autant plus important sur Mac que le dispositif de pointage y est déconnecté du dispositif d’affichage. Avec son trackpad Force Touch, Apple n’a pas seulement cherché à maintenir ce lien : elle l’a renforcé, grâce à l’apport de nouveaux capteurs. Le premier d’entre eux est un capteur de pression, composé de quatre paires de jauges de déformation.

Un support flexible en H porte huit jauges de déformation, regroupées par paires, qui rendent le trackpad Force Touch sensible à la pression. Image MacGeneration.
Un support flexible en H porte huit jauges de déformation (en jaune), regroupées par paires, qui rendent le trackpad Force Touch sensible à la pression. Image MacGeneration.
Les jauges de déformation, aussi appelées extensomètres à fils résistants, vues au microscope. Les spires mesurent à peine quelques micromètres d’épaisseur. Leur déformation sous la pression modifie la résistance électrique du circuit : lorsqu’elles sont étirés, la résistance augmente ; lorsqu’elle sont compressées, la résistance diminue. Les « boutons » PagePress du Kindle Voyage utilisent la même technologie. Image iFixit.
Les jauges de déformation, aussi appelées extensomètres à fils résistants, vues au microscope. Les spires mesurent à peine quelques micromètres d’épaisseur. Leur déformation sous la pression modifie la résistance électrique du circuit : lorsqu’elles sont étirés, la résistance augmente ; lorsqu’elle sont compressées, la résistance diminue. Les « boutons » PagePress du Kindle Voyage utilisent la même technologie. Image iFixit.

Lorsque le doigt se pose sur le trackpad, il « trouble » le champ électrique de la grille capacitive, ce qui permet de déterminer sa position dans le plan du pavé. Lorsque le doigt appuie sur le trackpad, il comprime les jauges de déformation, dont la résistance électrique diminue. Une courbe d’étalonnage établie par Apple permet aux contrôleurs d’interpréter cette résistance comme une valeur de pression, et ainsi de détecter un éventuel clic.

Le circuit du trackpad Force Touch comprend trois puces d’importance, selon iFixit. À gauche, le contrôleur de la grille capacitive Broadcom BCM5976, que l’on retrouve aussi dans les iPhone. Au milieu, le contrôleur ST Microelectronics 32F103B6, une puce ARM Cortex-M3 à 72 MHz accompagnée de 128 Ko de mémoire programme, de 20 Ko de SRAM, et d’une interface USB 2.0. Enfin à droite, un régulateur linéaire Linear Technology LT3954.
Le circuit du trackpad Force Touch comprend trois puces d’importance, selon iFixit. À gauche, le contrôleur de la grille capacitive Broadcom BCM5976, que l’on retrouve aussi dans les iPhone. Au milieu, le contrôleur ST Microelectronics 32F103B6, une puce ARM Cortex-M3 à 72 MHz accompagnée de 128 Ko de mémoire programme, de 20 Ko de SRAM, et d’une interface USB 2.0. Enfin à droite, un régulateur linéaire Linear Technology LT3954.

Reste à confirmer à l’utilisateur que son intention a été comprise : c’est le rôle du Taptic Engine. Alors que celui de l’Apple Watch utilise un actuateur linéaire, celui du trackpad Force Touch est composé de quatre électroaimants. Alimentés en électricité, ils produisent un champ magnétique qui provoque le déplacement d’une petite pièce métallique. Répétée plusieurs dizaines de fois par seconde, l’opération produit une vibration sèche et audible.

Extrait de la vidéo de présentation du MacBook.

Une vibration qui n’est pas un clic… sauf dans le cerveau de l’utilisateur. En travaillant sur sa thèse en 1995, la chercheuse Margaret Minsky s’est aperçue que le retour de force latéral était souvent interprété comme un retour de force vers le bas. Le trackpad Force Touch est statique, mais l’utilisateur « sent » la vibration comme un clic. « C’est un moteur électromagnétique très simple et très malin » explique Vincent Hayward, autre spécialiste des « illusions haptiques ».

Les électroaimants occupent une place centrale dans le trackpad Force Touch. Leur nombre et leur taille différente permet de « sculpter » des vibrations — et donc des sensations — différentes.
Les électroaimants occupent une place centrale dans le trackpad Force Touch. Leur nombre et leur taille différente permet de « sculpter » des vibrations — et donc des sensations — différentes.

Ni les capteurs de pression ni le Taptic Engine ne sont binaires : ils peuvent « sentir » une grande variété de pression et « faire sentir » une grande variété de retours. Apple ne s’est donc pas contentée de travailler sur le simple clic, mais s’est aussi penchée sur une nouvelle forme de clic, le « clic forcé ». Il est difficile de le décrire, aussi une vidéo est sans doute plus parlante :

Ce clic forcé reprend les fonctions du glissement et du tapotement à trois doigts, qui disparaissent de la section Trackpad des Préférences système sur les machines équipées d’un trackpad Force Touch, et plus encore. Il permet :

  • sur l’icône d’un fichier, d’en afficher un aperçu avec Coup d’œil ;
  • sur le nom d’un fichier ou d’un dossier, de le modifier ;
  • sur l’icône d’une application dans le Dock, d’afficher toutes ses fenêtres ouvertes avec App Exposé ;
  • sur le texte d’une page web ou d’un courrier électronique, d’afficher la fenêtre contextuelle contenant une définition et des liens vers Wikipédia ;
  • sur un lien, dans Safari ou Mail, d’afficher la page web dans une fenêtre d’aperçu ;
  • sur un numéro de suivi d’une commande, dans Safari ou Mail, d’afficher le suivi dans une fenêtre d’aperçu ;
  • sur une adresse, d’afficher sa localisation sur un plan dans une fenêtre d’aperçu ;
  • sur une date, de créer rapidement un événement de calendrier ;
  • sur un lieu, dans Plans, pour créer un repère à l’endroit du clic forcé ;
  • sur un rappel, dans Rappels, pour en afficher les détails ;
  • sur un événement, dans Calendrier, pour en afficher les détails ;
  • sur un contact, dans un événement de Calendrier, pour en afficher les détails ;
  • sur une pièce jointe, dans Mail, de la modifier avec la fonction Annotation ;
  • sur une conversation, dans Messages, d’en afficher les détails et les pièces jointes ;
  • sur un contact, dans Messages, d’en afficher les détails ;
  • sur un plan, dans iMovie, pour afficher le menu Style.

Ces fonctions sont très basiques, mais une fonction comme le clic forcé s’impose pas à pas. Apple donne toutefois quelques exemples de fonctions plus complexes, et laisse aux développeurs le loisir d’en inventer de nouvelles. Les capteurs de pression offrent la possibilité de créer des interfaces sensibles à différents niveaux de pression, ainsi :

  • dans les fonctions d’annotation d’Aperçu et de Mail, appuyer plus fort épaissit le trait ;
  • dans QuickTime et iMovie, appuyer plus fort sur les boutons d’avance et de retour accélère la vitesse d’avance et de retour ;
  • dans Plans, appuyer plus fort sur les boutons de zoom accélère le zoom ;
  • dans Photos, appuyer plus fort sur les boutons de navigation.
Extrait de la vidéo de présentation du MacBook.

Le Taptic Engine permet quant à lui d’ajouter une troisième dimension à l’interface, comme si l’on pouvait sentir sous les doigts ce que l’on voit à l’écran. Les applications sont encore limitées, mais Apple en offre deux, qui donnent un bon aperçu des possibilités :

  • dans iMovie, le trackpad vibre lorsque vous atteignez la longueur maximale d’un clip, lorsque vous atteignez le début ou la fin d’un clip en ajoutant un titre, ou lorsque vous passez sur les guides d’alignement lors du rognage ;
  • dans Photos, le trackpad vibre lorsque vous passez au-dessus du zéro lors de la rotation d’une photo.

Lors de ses recherches, Minsky était parvenue à faire sentir huit textures différentes à l’aide d’un joystick. Pourquoi ne sentirait-on pas le haut d’une liste en défilant, le bord d’une fenêtre en glissant-déposant, voire le poids d’un fichier ? Le monteur vidéo Alex Gollner parle de « bumpy pixels », des « pixels bosselés » qui finiraient d’abolir la distinction entre matériel et logiciel.

Un tel mécanisme aurait toute sa place dans l’iPhone ou l’iPad, où il donnerait corps aux éléments virtuels, et permettrait de les utiliser sans avoir les yeux rivés dessus. Plus prosaïquement et à plus court terme, un tel retour pourrait faire des miracles en matière d’accessibilité — et c’est sans doute la perspective la plus stimulante offerte par Force Touch.

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