À l’automne 2014, Apple douchait à nouveau les espoirs de ceux qui sur Mac rêvent d'un écran tactile comme en ont des PC. Afin de prolonger sur son MacBook ou son iMac l’expérience utilisateur procurée par iOS. Craig Federighi, le patron du logiciel chez Apple, expliquait que ce n’était pas faute d’avoir testé ce mode d’interaction en interne, mais il ne convainc pas. Sur les portables, l'effort est dirigé vers le trackpad, avec la génération "Force Touch" apparue début 2015.
Chez son adversaire historique on pense l’exact inverse, au point d’avoir adapté Windows à cet usage depuis la version 8. L'accueil a été mitigé. Microsoft a revu sa copie mais il n’a pas abandonné l'idée de faire du tactile un moyen pour agir sur un portable. Le meilleur exemple aujourd'hui est son Surface Book (« l'ordinateur ultime »), un hybride 2 en 1 dont la vente a démarré il y a quelques semaines en France. Il s'agit du premier portable PC de Microsoft qui s'en tenait précédemment à ses Surface.
Autant les Surface sont en premier lieu des tablettes auxquelles on peut adjoindre un clavier d’appoint, autant le Surface Book est d’abord un portable, équipé en tant que tel, avec tout ce qu’il faut de processeur, de RAM, de SSD, et d’un couple clavier et trackpad taillés pour de longues séances de travail.
La capacité du Surface Book à voir son écran détaché pour servir de tablette peut même complètement échapper au profane. Rien ne laisse supposer que c'est possible. L'ordinateur semble être d'un seul tenant, comme bien d’autres hybrides aux écrans capables de toutes les contorsions. Sauf celle de s’émanciper de leur clavier.
Lorsqu’il dévoilait son prototype auprès de quelques privilégiés, Panos Panay, le responsable des produits Surface, se gardait de parler tout de suite de cette fonction. Il allait jusqu’à désactiver le bouton qui détache l'écran pour montrer le Surface Book sous l’angle d’un portable PC. Le discours commercial de Microsoft est précisément articulé autour de cet usage premier, celui d’un ordinateur portable doté d’une certaine polyvalence avec son écran amovible et son stylet (qui n’est pas en option comme chez d’autres…).
Entre un Microsoft qui se met à fabriquer un portable tactile à stylet qui ne jure aucunement à côté d’un MacBook Pro, et Apple qui découvre les vertus d’un stylet pour ses tablettes, chacun donne l’impression de faire un pas vers l’autre. En apparence seulement. On reste loin d'une convergence de vues. Microsoft a Windows 10, Apple a OS X et iOS.
Après une poignée de jours passés avec ce Surface Book, il ne s’agissait pas de le décortiquer sous l’angle de ses performances et de le confronter avec ses pairs du monde Windows, les sites spécialisés PC s’en sont chargés avec moult détails (lire aussi Le Surface Book est-il vraiment deux fois plus puissant que le MacBook Pro ?). Mais plutôt, se demander si Apple ne nous privait pas d’un portable-tablette à l’expérience utilisateur plus intéressante que celle qu’elle nous impose, en refusant la fusion d’iOS et d’OS X. Deux systèmes qui partagent beaucoup de points communs en interne, qui sont reliés par quelques passerelles de communication mais où l’interface et le fonctionnement demeurent fondamentalement différents. Un OS X transformé pour un portable et un iMac tactiles serait certainement différent de Windows 10, mais qu’importe. Le premier est une chimère, le second existe.
Belle machine
Au premier contact le Surface Book ne laisse pas indifférent. Avec ses accessoires, ses consoles, puis ses tablettes (et dans une moindre mesure ses téléphones) Microsoft a maintes fois prouvé qu’il savait s’y prendre pour fabriquer du matériel, et pas du mauvais. Le Surface Book est un très beau portable dont la qualité de fabrication et les finitions ne suscitent aucune inquiétude particulière. Si son design est original il n'est pas tape à l'oeil pour autant.
Son châssis et son clavier uniformément gris clair rappellent les MacBook Pro “aluminium”, ceux d’avant 2008 et le passage à la génération “unibody” où les touches sont devenues noires (avec l'avantage de rendre le rétroéclairage des touches plus franc que sur celles du Surface Book). Apple aime l’aluminium, Microsoft préfère l’alliage de magnésium. Il est moins froid au toucher, moins métallique, il fait peut-être un petit peu plus plastique mais les deux sont impeccables.
Le clavier est aussi confortable que ceux des MacBook Pro. Peut-être les touches sont-elles un soupçon moins fermes, c’est assez subjectif. Le trackpad protégé de verre est d’une bonne taille, toutefois Apple garde encore et toujours l’avantage. Parce que ses trackpads "Force Touch" sont “cliquables” partout sur leur surface et parce que celui du Surface Book a parfois tendance à marquer le pas dans les déplacements. C’est surtout visible lors des cliquer-déplacer (pouce en pression et index en mouvement) où le curseur ne suit pas toujours aussi précisément le déplacement. Peut-être est-ce une question d’habitude mais cela nous a gêné à de nombreuses reprises.
Stylet inclus
Bonus appréciable, le stylet Surface Pen est fourni et on peut l'aimanter sur un côté de l’écran. Un stylet avec une gomme qui se double d’un rôle de bouton multifonctions. Une pression dessus ouvre OneNote et crée une note rapide. Une double pression propose de capturer tout ou partie de l’écran et de l’envoyer aussitôt dans OneNote. Une pression prolongée active Cortana. Un autre bouton sur le cylindre permet de déplacer, avec la pointe, une feuille sur laquelle on dessine.
Est-ce que ce stylet vaut le Pencil d’Apple ? Difficile à dire pour le dessinateur très amateur que je suis, disons que pour beaucoup il remplira parfaitement son rôle pour des crayonnés, des croquis, des esquisses (même aux traits fins) et évidemment la saisie de notes.
Sur l’écriture manuscrite, la différence par contre sautait aux yeux. En écrivant un texte sur un iPad Pro puis sur l'écran du Surface Book (en alternant une phrase sur l’un et la même sur l’autre), je retrouvais exactement mon style d’écriture sur l’iPad alors que le texte semblait avoir été écrit par un autre sur le Surface Book.
On peut aussi utiliser ce stylet partout dans l’interface de Windows, mais l’intérêt nous a paru assez mince ou anecdotique, Il est plus naturel et rapide d’utiliser l’index, mais on y reviendra. Quoi qu’il en soit, lorsque le portable est utilisé dans son format carnet ou comme petite table à dessin, la présence de ce stylet est appréciable.
Une charnière façon chenille
Plus que tout c’est la fameuse charnière du Surface Book — dite “Dynamic Fulcrum Hinge” — qui épate. Dépliée et au repos elle donne l’impression de faire partie intégrante du châssis, de n’être que son prolongement vers l’écran. Et puis la magie opère lorsqu’on ferme ou ouvre l’écran. Cet élément d’apparence rigide se plie et se déplie comme le feraient les chenilles d’un char. Il faut tenir le portable d’une main lorsqu’on ouvre l'écran (l'aimant de fermeture est assez fort) mais le mouvement de la charnière n’en est pas moins souple et fluide. Notez que l’écran ne pourra s’ouvrir aussi loin que celui d’un MacBook Pro 13" mais l’angle maximal reste satisfaisant.
Cette très belle réalisation technique, dont le dessin fut inspiré par le dos d’un livre, a comme conséquence de proposer un portable dont l’écran ne peut se refermer totalement à plat sur le clavier. Il y a un jour important qui est visible latéralement. Est-ce un défaut ? Malgré toute l’admiration que l’on peut nourrir pour cette réalisation, elle participe à épaissir le portable et c’est la porte ouverte à toutes les poussières.
C’est en tout cas surprenant à voir et à manipuler. Le seul avantage que l’on voit de prime abord à cette forme arrondie est d’améliorer le transport du portable dans le creux de la main. C’est peut-être un peu léger comme valeur ajoutée…
Ce design de charnière a néanmoins une autre justification que celle de démontrer l’habileté des ingénieurs de Microsoft. La profondeur de cette charnière, lorsqu’elle est déroulée, a pour effet de déplacer le centre de gravité du portable. Sans quoi il pourrait plus facilement basculer en arrière. La partie clavier est plus lourde (850 grammes) mais l’écran de 13,5“ pèse tout de même 720 grammes, c’est pile le poids du plus lourd des iPad Pro 12,9” !
Il n'y a rien d'étonnant à cela, l’écran PixelSense du Surface Book contient presque toute l’intelligence matérielle de ce produit. Outre la dalle, il renferme une grande carte-mère, l’une des deux batteries du Surface Book, l’un des deux processeurs graphiques (un Intel HD Graphics 520, le clavier contenant pour sa part la GeForce GM108), deux hauts-parleurs, la RAM, le SSD et le mécanisme d’attache.
Cela donne une machine parfaitement stable sur une table mais un peu moins lorsqu’elle est posée sur les genoux. C’est infiniment mieux qu’avec une Surface (ou que n’importe quel iPad avec son clavier) mais cela reste moins bien qu’avec un portable traditionnel où les écrans ne pèsent pour ainsi dire rien du tout. Là, il faut toujours maintenir une petite pression sur le repose-poignets tout en tapant au clavier pour contrebalancer l’envie du Surface Book de basculer vers l’arrière. Heureusement, si cette stabilité n’est pas optimale, ce n’est pas au point de risquer de voir le portable basculer à tout bout de champ.
Est-ce que cette charnière survivra à cette génération de Surface Book ou à la prochaine ? Prenons le pari que non. On a déjà vu des design audacieux de ce type, comme le pied articulé de l’iMac G4 “Tournesol”. C’était là aussi une petite merveille d’ingénierie. Mais elle n’a vécu que deux ans, avant d’être remplacée par un pied plus classique, plus simple et moins coûteux à réparer.
Écran détachable
L’autre petite surprise de ce Surface Book est le système d’attache de son écran, basé sur l'emploi d'un câble fabriqué en Nitinol (nickel-titane) qui lui confère des propriétés de mémoire de forme et une grande élasticité. Une impulsion électrique fournie par le Surface Book va contracter ce câble (photo) qui va agir sur les pinces qui retiennent l’écran et provoquer le déverrouillage. Une fois l’impulsion électrique stoppée, le petit fil reprend sa longueur initiale et le verrouillage se réactive.
Ce verrou fonctionne avec la machine allumée comme éteinte, mais il faut un minimum de charge dans la batterie. En deçà de 10% de charge (et a fortiori si elle est complètement épuisée) il est impossible de détacher l’écran. Il faudra remettre le portable sur le courant et attendre de dépasser ce seuil.
Pour détacher l’écran, pas de précipitation. Il faut appuyer sur une touche dédiée du clavier pendant une grosse seconde (ou sur une icône à l’écran), sa diode s’allume en rouge, puis en vert au bout de 2 à 4 secondes (ça dépend) avec en même temps la simulation d’un bruit mécanique et une notification à l’écran. On peut alors détacher l’écran (on le repositionne sans autre forme de procès). L’image peut passer subrepticement au noir le temps de la manœuvre et du changement de puce graphique. Mais tout dépend si celle de l’écran était déjà en fonction. Ce rituel obligatoire peut être un brin fastidieux parfois lorsqu’on s’apprêtait à ôter l’écran sans réfléchir.
Quelques bugs
Sur un plan mécanique ça marche mais sur un plan logiciel il y a encore des bugs alors que ce portable est en vente depuis quelques mois. Précisons que nous avons réinitialisé Windows à la réception du portable et installé toutes les mises à jour proposées pour repartir sur une machine propre. Au moment de repositionner l’écran il est arrivé que celui-ci vire au bleu. Une autre fois c'était au bleu avec motifs. Ou encore que tout soit bloqué dans Windows tandis que l’on entendait un grésillement fort et ininterrompu dans l'écran jusqu’à ce qu’on force le portable à redémarrer.
Ces bugs ne sont apparus qu’une fois chacun mais nous n’avons utilisé ce portable que l’équivalent de 3 ou 4 jours. Bien plus fréquent fut le problème avec la fonction “Windows Hello”, qui reconnaît votre visage pour ouvrir votre session. Après le boot, le portable indique qu’il attend que la webcam finisse de se mettre en marche (ce sera en vain). Par contre, lorsque ça marche, ça marche vite et très bien (même en pénombre). Au point que l’on aimerait beaucoup avoir la même chose dans OS X.
Une fois l’écran détaché on peut le repositionner à l’envers, face à son interlocuteur. On utilisera alors le Surface Book en mode “tente” pour des présentations par exemple, ou pour regarder un film en se servant du clavier comme support arrière et contrepoids. Enfin, sans connexion physique à l’écran, la partie clavier ne sert plus à rien.
Le portable devient tablette
L’écran pris tout seul est aussi autonome que peut l’être un iPad. Il s’allège sur un plan fonctionnel en perdant les deux ports USB 3, le logement de carte SD (plein format) ainsi que la sortie DisplayPort, tous restés sur le clavier. Cet écran-tablette a le bouton de mise en marche, ceux de réglage du volume, deux minces haut-parleurs astucieusement logés dans la bordure de l'écran face à l'utilisateur, ainsi qu’une webcam frontale et une autre à l’arrière.
La partie tablette a aussi sa propre prise de recharge pour ne pas dépendre de celle du clavier. C’est l’écran également qui possède la prise casque. Logique puisqu'elle doit pouvoir servir avec la tablette seule. Mais c'est tout sauf pratique en mode portable puisque le câble est tout en haut dans le coin droit de l'écran, du coup on a le fil qui passe par dessus la main droite pendant la frappe. Ou alors il faut un câble plus long que la moyenne.
Enfin, cette tablette est entourée de grilles pour la ventilation. De temps à autre seulement, le ventilateur s’est manifesté, même pour des activités assez légères. Une étrangeté lorsqu’on a l’habitude d’un iPad mais on a ici un vrai petit PC sous verre.
A défaut d'une batterie de tests de performances, nous avons essayé de voir ce que pouvait donner l’autonomie dans quelques cas de figure classiques. Le bilan est en demi-teinte. Il faut rappeler que l’écran a sa batterie (2 387 mAh) et le clavier a la sienne aussi (6 800 mAh). Sur un iPad Pro 12,9" elle est de 10 307 mAh. Toutes les deux sont affichées dans un panneau d’information et travaillent de concert. Microsoft annonce 12h en lecture vidéo pour l’ensemble avec le Wi-Fi actif mais non sollicité.
En prenant la tablette seule, celle-ci a tenu très exactement 3h en lecture d’un film sur Netflix avec la connexion Wi-Fi. Slack et Courrier tournaient en tâche de fond mais sans grande activité.
Avec le portable sur ses deux batteries, nous avons tenu 5h 45 mn dont 1h 30 mn de film sur Netflix suivi d’une utilisation banale de relève de mail, rédaction de cet article, consultation de sites web (pas de logiciel lourd ni de jeux) et avec une luminosité de l’écran aux 2/3.
Enfin, en se bornant à un travail de rédaction et de consultation de sites, le Surface Book a résisté 7h30.
Dans ce dernier cas, on est dans les eaux de ce que propose un MacBook Pro 13" Core i7 testé l’an dernier. Tout cela donne un bilan sans mauvaise surprise particulière pour un portable de ce niveau mais c'est décevant pour la tablette. Gageons qu’en utilisant celle-ci comme un gros bloc note on obtiendra plus d'autonomie.
Le Surface Book comme portable
Microsoft l’a dit et répété, cet appareil est d’abord un portable où l’écran détachable est un bonus. Mais un portable de cette nature a forcément un pied de l’autre côté de la frontière qui le sépare d’une tablette.
Est-ce qu’Apple prive ses MacBook/Pro d’une valeur ajoutée en refusant de céder à la mode du tactile ? Il est difficile de répondre par un oui ou non définitif, on est dans une zone un peu grise. Tout dépend de la manière dont est réalisée cette intégration du tactile dans l’interface. Microsoft offre sa solution mais elle reste imparfaite.
À plusieurs reprises il était assez pratique de tendre l’index pour toucher un bouton, taper sur une tuile, faire défiler un bout de page ou positionner les fenêtres dans l’équivalent du Split View d’Apple. C’est plus rapide que de revenir sur le trackpad ou que d’utiliser un raccourci clavier. Du moins parce qu’on se trouve sur un portable avec un écran très proche des mains. Ce serait une autre paire de manches avec l’écran d’un PC de bureau où il faut bien plus tendre le bras, et plus haut.
Mais tout aussi souvent, l’expérience s’avère frustrante, parce qu’on va louper l’élément que l’on voulait toucher. Qu'on sera obligé de s’y reprendre à deux voire trois fois, ou parce que l’interface est trop dense et ses éléments relativement petits pour être correctement manipulés. La haute définition de l’écran du Surface Book a sa part de responsabilité (mais on ne va pas se plaindre d’avoir ce magnifique écran…). Et appuyer sur l’écran le fait toujours rebondir un peu. C’est de l’ordre du détail mais une tablette oppose toujours une surface ferme sous le contact.
Par conséquent, l’expérience - pour peu que l’on puisse en juger sur le temps qui nous a été imparti - n’est pas désagréable, mais elle manque de constance. Un moment ce sera très sympa de manœuvrer au doigt, le moment d’après la même tâche se révèlera plus laborieuse. On n’a toujours pas une interface optimisée à cet usage hybride. Elle privilégie le trackpad ou la souris sans se priver d’être utilisable occasionnellement avec le doigt. Mais à tout faire on ne fait pas tout d'une manière idéale.
Dans le cas de ce Surface Book comme d’autres portables de ce style, l’écran tactile s’avère un plus mais pas encore une nécessité. On ne souffre pas de revenir sur son MacBook Pro à l'écran passif. De la même manière que chez Apple, les trackpad Force Touch des MacBook Pro et MacBook Retina n’ont pas encore démontré, plus d’un an après leur sortie, leur absolue nécessité.
Si l’on met de côté ce débat sur l’intérêt de l’écran tactile et sur le design singulier du produit, le Surface Book nous a paru une bonne machine dans son rôle de portable à tout faire. L’écran est très bon, le moteur aussi (un Core i7 Skylake à 2,6 GHz) et le SSD NVMe signé Samsung est aussi véloce que peut l’être un tel support de stockage. À 2 800 € on nage dans les eaux d’un MacBook Pro 15" haut de gamme (qui sera bien mieux loti sur ses cartes graphiques). Mais ce sont deux machines aux philosophies très différentes. Sans même parler de son prix, la proposition de Microsoft semble viser une niche d’utilisateurs. Elle a quelques airs d’une démonstration technique qui ira peut-être en s’assagissant au fil de ses prochaines versions.
Le Surface Book comme tablette
Bon portable, le Surface Book nous a déçu dans sa partie tablette. Dans une interview en octobre, Panos Panay estimait que les gens l’utiliseraient à 80% ce produit sa configuration portable. D’ailleurs, Panay ne parlait pas d’une "tablette" pour l’écran mais d’un “Clipboard” pour « écrire, apprendre, lire », et d’ajouter « Vous voulez être plus productif ? Alors attachez-le sur sa base et allez-y… Ca va prendre du temps aux gens pour se faire à cette idée, mais c’est le scénario d’utilisation sur lequel nous sommes partis ».
C’est le même sentiment qui prévaut après nos quelques jours d’utilisation. On a affaire à un portable au sens traditionnel du terme. La tablette ayant une utilité plus annecdotique. C'est embêtant, si l’on considère que certains choix contestables de ce design - son impossibilité à se refermer complètement — résultent justement de la présence de cette “lourde” tablette détachable.
L’autonomie de cet écran n’est pas extraordinaire et son emploi de manière autonome s'avère déroutant lorsqu’on a l’habitude d’un iPad, mètre étalon des tablettes.
En détachant l’écran on passe automatiquement en “Mode tablette” (on peut aussi forcer Windows à rester dans son interface standard). Le menu démarrer se transforme en un bloc de tuiles au centre de l’écran, la barre des tâches se simplifie (là encore on peut rester sur la présentation normale avec toutes les icônes d’applications). Mais c'est surtout la gestion des fenêtres qui interpelle. Plus question d’avoir de multiples fenêtres superposées à l’écran, c’est une seule ou bien deux maximum côte à côte (à la Split View).
Mais tout dépend de l’orientation choisie. En paysage on peut avoir l’équivalent de Split View avec un écran occupé par deux fenêtres aux largeurs ajustables. Tournez l’écran en portrait… et il ne se passe rien. Les fenêtres restent en paysage, sauf à fermer l’une d'elles. Celle qui reste occupera alors tout l’écran en portrait.
On peut néanmoins ruser : quitter le Mode tablette, afficher deux fenêtres en portrait et réactiver ensuite le Mode tablette. Les deux fenêtres resteront alors verticalement à l’écran. Mais si l’on tourne la tablette en paysage l’affichage à nouveau ne suit pas. Même chose si l’on saisit la tablette cul par-dessus tête, il n’y a pas de rotation de l’écran à 180 degrés tant que deux fenêtres sont ouvertes en même temps. Bref, on se retrouve à devoir réfléchir comment tenir sa tablette.
Le format 3:2 surprend également. L’écran est un peu plus haut que celui d’un iPad Pro, avec des bordures plus minces sur les côtés. La tablette de Microsoft comme celle d'Apple sont encombrantes et parfois l’absence d’un pied intégré (à la manière des Surface) se fait cruellement sentir. Au moins, la tablette de Microsoft peut-elle compter sur le clavier qui servira de support très efficace et polyvalent dans ses positions possibles. À l’inverse le duo iPad Pro et Smart Keyboard d’Apple ne nous a pas du tout convaincus.
Ce format plus en longueur de l'écran est appréciable pour des pages web, un peu moins pour les films qui se parent de bandes noires. Mais tout cela est peut-être aussi une question d’habitude. L’écran PixelSense de 3 000 x 2 000 du Surface Book est très plaisant pour les yeux et ses haut-parleurs sont tout à fait suffisants pour se faire un film. Un grief tout de même, il gagnerait à être moins réfléchissant.
La solution idéale n'existe pas (encore)
Si l’on a critiqué les choix de Microsoft qui essaie de tout faire avec un seul et même système, on n’oublie pas qu’Apple a aussi ses problèmes. Avec des iPad de plus en plus puissants, aux écrans de plus en plus grands, même les plus zélés défenseurs d’iOS admettent qu’une évolution drastique s’impose pour lui donner des attributs propres aux OS des PC.
Si l’on oublie un instant ses bugs (qui détonnent à ce stade de la commercialisation de ce produit), le Surface Book est une machine diablement intéressante qui tente de concilier deux univers. Y réussit-il ? On se risque à répondre par la négative.
Parce que le volet tablette nous est apparu moins bien abouti que le volet portable. Aux tarifs qui sont les siens on attend du Surface Book un meilleur équilibre entre ses deux grandes fonctions. Si la tablette n’est là que comme appoint — comme le suggère Microsoft — alors pourquoi toute une partie du produit en dépend-elle ? Pourquoi courir le risque de provoquer des frustrations en ajoutant une fonction qui n'est pas essentielle ?
Chez Microsoft comme chez Apple, le problème est d’ordre logiciel, pas matériel. En attendant la prochaine grande révolution dans les usages qui exigera un nouveau bond des performances, les matériels actuels ne sont pas limitants. Ils sont plutôt freinés ou gênés par leurs systèmes d'exploitations et les orientations décidées par leurs concepteurs.
Tout l’art pour Apple est d’arriver à faire évoluer iOS sans y transférer toute la complexité d’OS X. Pour Microsoft, il s’agit de réaliser un système protéiforme qui n’oblige pas l’utilisateur à raisonner constamment en termes de “modes”, mode tablette, mode portable, etc… Les différences d’utilisation d'un mode à l'autre sont parfois subtiles mais bien réelles et peuvent être agaçantes. En définitive, pour Microsoft, la tâche est certainement plus ardue que pour Apple. Ce Surface Book en est la démonstration. Une belle machine mais dont la polyvalence pose plus de problèmes qu'elle n'apporte de solutions.
NB : Le Surface Book existe en quatre configurations, avec un choix de Core i5 ou i7, d’une présence ou non du second processeur graphique GeForce et d’un assortiment de capacités RAM (8 ou 16 Go) et stockage (128, 256 et 512 Go). Le moins cher est vendu maintenant à 1 567 € et notre modèle de test toutes options coûte 2 774 €. Office n'est pas fourni, il faudra un abonnement 365 comme sur les autres plateformes pour en profiter pleinement.