Avec sa Surface Studio, Microsoft a remarquablement réussi son coup. Le premier tout-en-un mis au point par la même équipe qui a développé la gamme de tablettes Surface est non seulement un bel objet, mais c’est aussi la consécration d’une vision, celle d’un ordinateur dont l’écran tactile n’est pas qu’un moyen de se faire mal au bras.
Microsoft a de plus bénéficié d’un coup de main d’Apple qui, au lendemain de l’événement Surface Studio, lançait ses nouveaux MacBook Pro. La présentation des ordinateurs portables avec leur Touch Bar a été vivement critiquée, tandis que la Surface Studio était saluée pour son audace… et ce, par la même clientèle visée par les deux vieux concurrents, les professionnels et les créatifs.
Maintenant que les choses — et les polémiques — commencent doucement à se tasser, il est temps de vérifier sur pièce ce que valent vraiment ces nouvelles machines. Les premiers tests du MacBook Pro avec Touch Bar sont tombés il y a quelques jours, avec des avis mitigés. Qu’en est-il de la Surface Studio ? Tom Warren (pour The Verge), Dan Ackerman (pour Cnet) et Devindra Hardawar (pour Engadget) livrent leurs verdicts résumés ci-dessous.
Connectivité : un pied dans le passé
C’est la base qui contient l’ordinateur à proprement parler. À l’instar d’Apple avec l’iMac, Microsoft a fait le choix incongru de positionner tous les ports à l’arrière, ce qui rend la manipulation des câbles bien peu pratique. La première déception — il en faut tout de même — provient des choix technologiques réalisés par le constructeur : on trouve en effet quatre ports USB 3.0 (pas de 3.1, pas de connecteur USB-C), un port Ethernet, un Mini DisplayPort pour brancher un second écran, un lecteur de carte SD et… un port audio jack.
Si on peut reprocher à Apple de projeter un peu trop dans le futur les utilisateurs des nouveaux MacBook Pro avec leurs quatre ports USB-C/Thunderbolt 3, Microsoft retiendra les propriétaires du Surface Studio… un peu trop dans le passé ! L’absence de Thunderbolt sera un frein pour les switchers Mac.
Le PC comprend aussi une webcam de 5 mégapixels ainsi qu’une caméra infrarouge pour les fonctions de reconnaissance Windows Hello. Sur le côté droit, se trouvent le bouton d’allumage et le contrôle du volume. Enfin, le stylet Surface Pen peut tenir aimanté sur la tranche.
Performances : un PC haut de gamme de l’an dernier
Microsoft a livré aux testeurs des Surface Studio haut de gamme, avec un processeur Core i7 à 2,7 GHz (Skylake, la même génération que les nouveaux MacBook Pro), 32 Go de RAM DDR4, un GPU GTX 980M et un stockage de type Fusion Drive (2 To HDD, 128 Go de SSD). Une machine facturée 4 199 $. L’entrée de gamme à 2 999 $ se contente d’un Core i5 (Skylake), 8 Go de RAM, 1 To de stockage (64 Go de SSD) et une GeForce 965M.
Alors que The Verge aurait aimé des processeurs de dernière génération Kaby Lake, Cnet regrette le choix d’avoir utilisé des GPU Nvidia habituellement destinés aux ordinateurs portables haut de gamme.
En passant son tour sur une GeForce 1080, Microsoft a ici raté l’opportunité de faire de la Surface Studio un ordinateur suffisamment puissant pour les adeptes de la réalité virtuelle… mais également pour les graphistes 3D et les développeurs de jeux les plus gourmands. Dans les faits, une 980M reste suffisamment bien armée pour de la réalité virtuelle tout de même !
« Ce sont de vieilles technologies pour un PC au design si futuriste », s’étonne même Tom Warren. La Surface Studio est cependant suffisamment puissante pour faire fonctionner dans de bonnes conditions des jeux exigeants comme Forza Horizon 3 ou Gears of War 4, mais pas nécessairement avec les réglages les plus élevés. Overwatch par exemple tourne à 60 images/seconde en 1080p avec les réglages “haut” ; Gears of War à 50 i/s avec les réglages “medium”.
Cnet a réalisé quelques benchmarks qui montrent que la Surface Studio Core i7 et le MacBook Pro Core i7/2,7 GHz sont assez proches l’un de l’autre.
En usage, et même avec des composants datant de l’an dernier, la Surface Studio reste un excellent PC bien évidemment. Pour Devindra Hardawar, c’est même un des ordinateurs les plus puissants qu’il ait testé. On peut jongler entre des dizaines d’onglets, lire une vidéo 4K, et jouer à Minecraft en haute qualité sans que la machine explose. Un tel écran invite de toutes façons au multitâche. Seul hic, il arrive parfois que la partie HDD de l’espace de stockage, avec ses accès mécaniques, se rappelle au bon souvenir de l’utilisateur.
Autre problème soulevé par Tom Warren : le bruit. La Surface Studio n’est pas une machine silencieuse, les ventilateurs tournent en continu, avec un volume plus ou moins élevé selon sur quoi on travaille.
Un écran aussi grand que flexible
C’est la vedette incontesté de la Surface Studio : ce grand écran de 28 pouces d’une définition de 4 500 x 3 000 (13 millions de pixels). C’est 1,2 million de moins que l’iMac 5K Retina (5 120 x 2 880), mais tout de même il y a de quoi faire. La technologie PixelSense — déjà exploitée dans les Surface Pro 4 et Book — offre au tout-en-un un rendu parmi les meilleurs jamais vus, s’enthousiasme Engadget.
Comme l’iMac, la dalle de la Surface Studio affiche un large gamut de couleurs P3. L’ordinateur comprend en fait trois réglages : sRGB, DCI-P3 et un mode “vivid” qui booste la luminosité et les couleurs. À utiliser avec parcimonie pour éviter les aberrations chromatiques. Les pros de l’image, qu’il s’agisse de photographes ou d’éditeurs vidéo préféreront utiliser le P3.
La particularité de cet écran est de pouvoir être utilisé comme une immense tablette graphique. L’ingénieux système de bascule permet de positionner l’écran jusqu’à une position de 20 degrés (avec toutes les variations possibles). Le Surface Pen peut alors se transformer en crayon pour dessiner, ce qui est un des premiers usages mis en avant par Microsoft.
Le contact de la pointe du stylet et de l’écran donne presque une impression de crayon contre une feuille de papier, comme l’explique Engadget. C’est l’impression qu’en a eu le dessinateur Nick Cogan invité par Cnet à tester l’ordinateur. Le plus important, « c’est que cela semble naturel, que cela soit comme avec un crayon ». Et c’est ce qu’il a ressenti en dessinant ses Mickey sur la Surface Studio.
Lawrence Mann, autre illustrateur pour The Verge, compare la précision et la latence du Surface Pen à celles d’une tablette Cintiq qu’il a l’habitude d’utiliser. Il voudrait pouvoir appliquer une rotation de l’écran et avoir en main un stylet plus ergonomique. Alexander Sapountzis, pour Engadget, note de son côté que la technologie de palm rejection est « pire » que sur l’iPad Pro.
Le constat qui s’impose à la lecture de ces tests, c’est que la Surface Studio concurrence plus volontiers les Cintiq de Wacom, du moins pour ceux qui font du dessin leur profession.
Surface Dial : attention, ça glisse
Après cette fameuse bascule de l’écran, le Surface Dial a provoqué le second effet « whaou » lors de l’événement spécial de Microsoft. Le périphérique rond est une nouvelle interface qui permet d’appeler des outils contextuels, selon le logiciel utilisé. L’appareil se pose sur l’écran de la Surface Studio et… malheureusement il lui arrive de glisser !
Le Surface Dial « ne colle pas très bien à l’écran », se plaint-on chez The Verge. Et ce, même dans la position à 20 degrés, l’appareil « glisse », ce qui est perturbant et « ennuyeux ». La navigation dans les menus et sous-menus n’est pas aussi simple que ce que la communication de Microsoft voudrait faire croire, note-t-on chez Cnet.
Utiliser ce palet de hockey demande un petit temps d’apprentissage, ce d’autant que les fonctions proposées par le Surface Dial sont différentes d’un logiciel à un autre. Tout cela évoque évidemment la Touch Bar des nouveaux MacBook Pro… et tout comme pour la barre tactile d’Apple, il importe que les éditeurs prennent en charge le périphérique.
La liste des logiciels compatibles compte une vingtaine de noms, et il y manque le plus important d’entre eux : Photoshop. Adobe ne fait pas partie des partenaires de Microsoft, pour le lancement du moins. De plus, quelques applications présentent un support a minima, avec de simples fonctions de zoom, de navigation, voire tout simplement d’ajustement du volume.
Comme chez Apple, le succès de ce périphérique est maintenant entre les mains des développeurs.
Une machine qu’Apple aurait pu imaginer ?
Dans une de ses récentes interviews, Phil Schiller a bien fait comprendre que les écrans des Mac ne seront jamais tactiles. Apple a testé des prototypes qui ont validé la conviction de l’équipe dirigeante : non, ce n’est pas une bonne idée (lire : Pour Phil Schiller, le Mac est une « expérience tactile à temps partiel »).
Pourtant, la Surface Studio ressemble beaucoup à ce qu’un iMac tactile aurait pu être. Si Apple avait présenté un tel ordinateur, on peut parier sans trop se tromper que beaucoup auraient salué l’inventivité du constructeur… dont pas mal de créatifs.
Ces derniers pourraient-ils être tentés de basculer vers la Surface Studio et Windows ? Apple « force » les créatifs à utiliser un iPad Pro et un Pencil, mais toutes les applications professionnelles ne sont pas forcément disponibles sur la tablette, ou encore dans des versions allégées.
La Surface Studio va peut-être attirer un certain nombre de professionnels déçus par les nouveaux produits d’Apple ou cette impression de plus en plus tenace que la Pomme ne les tient plus en si haute estime. Il est déjà remarquable, note The Verge, qu’un appareil de Microsoft puisse être sérieusement considéré comme une alternative au Mac.
Si l’éditeur de Redmond a maintenant de bonnes bases pour continuer à améliorer son produit et cultiver son image auprès des pros, il va toutefois se heurter à une réalité résumée par Nick Cogan : « Je pense que la grande barrière, c’est que [la Surface Studio] est sous Windows. Tant de personnes dans les milieux créatifs ont plusieurs décennies d’expérience avec leurs Mac ».