« Apple II Forever » l'intitulé de ce keynote d'Apple à San Francisco en avril 1984 peut prêter à sourire aujourd'hui. Dans le secteur informatique, plus que dans n'importe quel autre, il est osé sinon bien imprudent d'affubler quelque produit que ce soit d'une notion d'éternité. Apple peut cependant servir de contre-exemple avec les 30 années bien consommées de son Macintosh.
Le San Francisco Chronicle a déterré de ses archives un lot de photographies de cet événement, ainsi qu'une page de son édition du jour où le journaliste s'étonnait en particulier des frais engagés par Apple pour annoncer son nouvel ordinateur. Le parallèle là-aussi est saisissant tant l'exceptionnel dans les frais de mise en orbite d'un produit est devenu la norme.
L'organisation de ce raout médiatique et sa mise en scène surprennent John Dvorak. Il décrit dans le quotidien l'arrivée très préparée de Steve Jobs dans la salle du Moscone Center devant une foule en délire à l'annonce du nom du cofondateur d'Apple : « Le pupitre est tout au bout à gauche d'une immense scène, naturellement Steve Jobs entre tout à l'opposé, du coté droit et il peut ainsi la remonter » Le look de l'intéressé laisse dubitatif le commentateur « habillé d'un style vestimentaire que l'on peut qualifier de risqué : jean, baskets Nike grises à velcro, chemise de smoking sous des bretelles et nœud papillon ».
L'entrée de Jobs avait été précédée d'un diaporama musical sur de très grands écrans avec des photos de lui-même, de Wozniak mais également beaucoup d'images du Macintosh qui avait connu pourtant son moment de gloire trois mois plus tôt. Voilà un keynote tout entier dédié à l'Apple IIc, cependant, Jobs, qui luttait en interne pour imposer l'idée que l'avenir d'Apple passerait par le Mac, allait commencer son propos en parlant à nouveau de son bébé.
Il donne en exemple le temps qu'il a fallu au Mac pour atteindre les 50 000 ventes : 74 jours, contre 7,5 mois pour l'IBM PC Jr et deux ans et demi pour l'Apple II.
Steve Wozniak suivra au pupitre pour faire quelques blagues puis arrivera John Sculley pour promettre que l'Apple IIc va dézinguer l'IBM PC Jr. Sculley enverra un signal à ses troupes réparties dans l'assistance, des employés d'Apple se lèveront pour tenir bien haut la nouvelle unité centrale et montrer qu'elle se transporte facilement.
Jobs, Wozniak et Sculley participeront ensuite à une séance de questions/réponses un peu à la bonne franquette, note le journaliste au vu de la table et des sièges très banals sur lesquels s'assoient les trois responsables. Apple n'est plus une petite société mais elle soigne toujours son image anticonformiste et sympathique.
Un repas pendant lequel devait se produire Michael Jackson avait été organisé pour la presse mais c'est finalement Herbie Hancock qui le remplaça au pied levé. Toujours dans l'un des deux articles du San Francisco Chronicle consacré à cette présentation, le journaliste s'étonne et titre même sur les 750 000 $ dépensés par Apple pour cette journée.
Une somme qui paraît bien dérisoire aujourd'hui où les lancements de produits chez Apple sont de véritables show. En la matière Samsung est passé maître, lui qui déploie des moyens considérables lors des conférences de presse.
Apple n'est pas en reste, par exemple lors de la précédente WWDC au Bill Graham Civic Auditorium de San Francisco où elle avait rhabillé le sol et les murs des couloirs menant à la salle de conférence pour rester dans l'esprit Apple. Ou encore lorsqu'elle avait construit de toute pièce, pour une demi-journée seulement, une énorme salle de démonstration de ses Apple Watch, juste à côté d'une salle de conférence.