Quand on parle des puces Apple M1, M1 Max et autres M2 (et nous en oublions), les louanges pleuvent. Apple a en effet réussi un coup de maître sur la partie CPU, avec un GPU plutôt rapide et un rapport performances/consommation tout à fait hors norme, dans le bon sens du terme. Mais pour autant, les SoC Apple sont loin d'être parfaits. Et nous allons passer en revue ce qui ne va pas selon nous.
La gestion de la vidéo
Le premier reproche va être un peu bizarre, mais vous allez comprendre : Apple ne laisse pas de choix sur le GPU. Si vous voulez un CPU puissant (c'est-à-dire avec plus de 4 cœurs performants), il faut prendre un Mac avec un M1 Pro ou M2 Pro… et donc un GPU rapide. Vous n'avez pas la possibilité d'avoir un CPU avec beaucoup de cœurs et un GPU basique (ou le contraire). C'est lié au côté monolithique des composants, mais dans un sens c'est un défaut.
Du côté de la concurrence, il y a paradoxalement plus de choix, et Intel met même des GPU moins rapides dans ses processeurs haut de gamme que dans les autres. Ce n'est pas anodin : ce choix permet d'avoir un GPU d'appoint et économe pour l'usage sur batterie tout en équipant le PC d'une carte graphique dédiée pour le reste des tâches.
Le nombre de moniteurs
Sur les M1 et M2, il y a un gros défaut sur la partie graphique : il est impossible de gérer plus de deux écrans. Sur les Mac portables, vous ne pourrez donc avoir qu'un moniteur externe, alors que sur le Mac mini M1, il faut un écran HDMI et un écran en USB-C1. Le Mac mini M2 corrige ce point, avec la possibilité de brancher deux écrans en USB-C (mais toujours uniquement deux sur le modèle M2).
En dehors du fait que c'est une régression importante (il faut revenir au MacBook Air de 2011 pour une limite de ce type chez Intel), ça reste un problème pour beaucoup d'utilisateurs. Travailler avec deux moniteurs sur un bureau n'est pas quelque chose de très rare, et littéralement tous les PC du marché proposent cette fonction.
Cette limitation bizarre amène aussi des effets de bord inattendus : les Mac M1 et certains M2 ne sont pas compatibles Thunderbolt 4. En effet, le cahier des charges de la norme indique qu'une prise « Thunderbolt 4 » doit gérer deux écrans 4K à 60 Hz.
L'absence de ray tracing
C'est devenu la norme en quelques années, le rendu en ray tracing accéléré est une sorte de prérequis pour un GPU moderne. Nvidia, AMD ou Intel le font, les dernières puces de smartphones Qualcomm aussi… et pas Apple. Il existe bien des API pour gérer le ray tracing avec Metal, mais sans accélération matérielle au sens classique du terme. Une rumeur indique que l'A16 aurait pu en profiter, mais les puces M1 sont basées sur l'A14 et le M2 sur l'A15. Qui plus est, la fonction n'est pas présente dans l'iPhone 14 Pro.
Apple aurait voulu une puce graphique plus puissante pour l'iPhone 14 Pro
L'absence d'eGPU et de PCI-Express
Ce point est un peu compliqué. Techniquement, les puces d'Apple gèrent le PCI-Express, mais elles n'exposent pas de connecteurs en dehors du Thunderbolt. Et en l'état, il n'est pas possible d'utiliser une carte graphique externe sur les Mac Apple Silicon, tant à cause de l'absence de pilotes que (probablement) parce que la gestion de la mémoire unifiée rend cet usage caduc. Mais le fait est qu'il est souvent possible de pallier la puissance réduite de certains GPU de PC (ou tout simplement éviter l'obsolescence) avec un eGPU… et que ce n'est pas envisageable sur les Mac modernes.
L'intégration des technologies sans fil
Apple a un problème avec les normes sans fil. Le premier est celui des modems cellulaires, le second celui du Bluetooth et du Wi-Fi.
L'absence de modem dans les puces
La question des modems est assez simple : Apple n'intègre pas de modem cellulaire dans ses puces. La marque dépend de Qualcomm (Intel à une époque), avec un composant externe. Dans les smartphones, le problème est évident : il faut un composant supplémentaire qui prend de la place sur la carte mère, et qui émane d'une autre marque (Qualcomm).
Dans les ordinateurs, le problème est plus ou moins le même : les Mac n'intègrent pas d'option cellulaire, alors qu'elle a été pensée dans des prototypes depuis près de 15 ans, et que les iPad proposent cette option depuis les débuts. Et un MacBook Air (ou un successeur du MacBook) avec un modem 5G intégré pourrait sans nul doute rencontrer un certain succès.
La concurrence sur ce point est assez forte : tous les PC portables « ARM » intègrent des puces Snapdragon et donc un modem 4G ou 5G. Et c'est un point mis en avant par les constructeurs, même dans des appareils vendus quelques centaines d'euros.
Le Bluetooth et le Wi-Fi
Encore une fois, Apple dépend de son fournisseur historique, présent pratiquement depuis les premières cartes AirPort : Broadcom. Dans les faits, Apple a du retard sur les normes Wi-Fi, et les Mac se limitent au Wi-Fi 6, sauf pour les récents modèles à base de M2 Pro. De même, le Bluetooth reste souvent un problème, avec quelques défauts récurrents.
Apple détaille le fonctionnement du Wi-Fi 6E sur les iPad Pro M2
Encore une fois, la concurrence fait mieux : Qualcomm intègre les technologies dans ses puces Snapdragon et Intel dispose de ses propres puces Wi-Fi et Bluetooth depuis des années. Et dans les faits, les puces Intel sont un peu la norme de facto depuis un moment, même si AMD a un partenariat avec Mediatek pour vendre des puces Wi-Fi sous sa marque.
Maintenant, soyons francs : les rumeurs semblent indiquer qu'Apple va s'intéresser à ce sujet, avec un modem issu du rachat des technologies Intel et des puces Bluetooth et Wi-Fi maison.
La puce 5G d'Apple dans les iPhone fin 2024, puis une puce Wi-Fi/Bluetooth maison ?
Les interfaces externes
Nous l'avons cité un peu avant, les ordinateurs Apple ne proposent pas d'interface PCI-Express externe (en dehors du Thunderbolt), même si les puces supportent parfaitement la norme. Alors que la majorité des PC2 offre un emplacement M.2 pour un SSD PCI-Express, ce n'est pas le cas chez Apple. Il s'agit plus d'un choix dans l'absolu : techniquement, il serait possible d'ajouter des connecteurs M.2. Dans les faits, les clients dépendent du bon vouloir d'Apple.
Et sur les SSD, la société n'offre pas toujours le meilleur. Apple emploie depuis quelques années ses propres contrôleurs, intégrés directement dans le système sur puce, et les performances sont en deçà du reste du marché. Alors que le PCI-Express 4.0 (qui permet jusqu'à environ 7 Go/s) est courant et que le PCI-Express 5.0 commence à arriver, les Mac à base de M1 et M2 se limitent à une interface PCI-Express 3.0 et quelques modèles (comme le MacBook Air M2 d'entrée de gamme) ont des performances assez faibles. Il faut passer sur les machines à base de M1 Pro (et plus) pour des SSD plus rapides, mais là encore sans réelles possibilités d'extension.
Le SSD du MacBook Air M2 de 256 Go est aussi lent que celui du MacBook Pro M2
Des ports USB et Thunderbolt moins rapides
Il s'agit probablement d'un des points sur lesquels Apple a du pain sur la planche : les performances des E/S (Entrées et Sorties). Premièrement, l'USB 3.0 est nettement moins rapide que l'équivalent chez Intel et les prises USB-A des Mac qui en possèdent encore (Mac mini et Mac Studio) sont significativement moins rapides. Outre la limitation à 5 Gb/s — quand beaucoup de PC offrent 10 Gb/s — le débit pratique est environ 15 % plus faible que sur les puces Intel (380 à 390 Mo/s, contre 440 Mo/s chez Intel).
Sur l'USB-C (à 10 Gb/s), le constat est le même : quand un MacBook Pro de 2017 peut atteindre environ 1 Go/s, un Mac mini M1 se limite à un peu plus de 800 Mo/s avec le même matériel. Qui plus est, Apple ne supporte pas l'USB 3.2 à 20 Gb/s, contrairement aux PC modernes. Les raisons de ces débits plus faibles viennent d'un choix d'Apple : comme AMD, la marque a décidé d'utiliser un contrôleur Asmedia sous licence dans ses systèmes sur puce, et il est significativement moins rapide que ceux d'Intel.
Où en est Asahi Linux, la distribution Linux en développement pour les Mac Apple Silicon ?
Pour le Thunderbolt, encore une fois, les débits sont un peu plus faibles sur les Mac M1. Avec notre SSD de test (un Samsung 980 dans un boîtier WAVlink), le débit mesuré est de 2,8 Go/s sur un Mac Intel et de 2,6 Go/s sur un Mac Mini M1. La différence n'est pas aussi grande (environ 9 %) que pour l'USB, mais elle reste visible. C'est logique : en Thunderbolt, les données passent par le bus PCI-Express, qui est géré directement par le système sur puce (ou le CPU dans le cas des puces Intel).
SSD externe : quel boitier Thunderbolt choisir ?
Pas d'Ethernet ou de SATA dans la puce
Ce point peut être pris comme un reproche ou comme un choix pragmatique, selon votre point de vue. Contrairement à Intel ou AMD, Apple n'intègre que peu de choses dans ses puces, et certaines interfaces nécessitent donc des composants externes. Les deux principaux sont l'Ethernet et le SATA. Si l'absence de SATA est finalement assez logique — les autres fabricants réduisent peu à peu le nombre de ports —, l'Ethernet l'est moins : une partie des Mac est encore équipée. Dans la pratique, Apple passe par Broadcom (pour l'Ethernet à 1 Gb/s) ou Aquantia (pour le 10 Gb/s) avec des composants interfacés en PCI-Express, alors qu'Intel dispose de ses propres puces intégrées en partie dans le chipset.
Et soyons honnêtes, l'absence d'interfaces dites legacy est un défaut autant qu'un avantage. Car l'intégration d'une partie de la logique de l'Ethernet, par exemple, ne sert pas pour tous les Mac et prend donc inutilement de la place sur la puce dans une partie des cas. C'est une des raisons qui expliquent que les puces Apple sont si performantes : elles ne s'encombrent pas des anciennes interfaces et de choses inutiles, ce qui permet d'optimiser l'utilisation des transistors.
Les choix d'Apple qui en font tout de même des réussites
Avant de terminer, il faut revenir sur les bons choix d'Apple. Le premier, le plus évident, vient des résultats de la partie CPU, avec un excellent rapport performances/consommation. Les cœurs performants sont plus rapides (à fréquence identique) que tout ce qui est disponible sur le marché, et les cœurs basse consommation ne déméritent pas. Les choix sur l'organisation des cœurs semblent efficaces et Apple a une avance certaine sur ce point sur tous ses concurrents. Dans la même veine, s'il a quelques limites, le GPU d'Apple offre de bonnes performances avec Metal, malgré les défauts présentés plus haut. Dans le M1, plus de deux ans après sa sortie, il demeure un des GPU intégrés les plus rapides du marché.
Le dernier point à évoquer est la RAM, car le choix d'Apple d'utiliser de la mémoire unifiée tranche avec le reste du monde. Ce choix est intéressant pour la consommation et pour les performances, au détriment évident de l'évolutivité. Mais en réalité, les autres ne font pas réellement mieux sur ce point : actuellement, l'emploi de LPDDR implique dans tous les cas que la mémoire ne peut pas évoluer. C'est un compromis et un choix de la part d'Apple (et de la majorité des fabricants d'ultraportables) et il n'existe pas de solutions, spécialement dans le cas d'Apple, qui utilise des bus très larges pour certaines puces.
Pour conclure, les puces de la famille M1 et M2 sont excellentes, mais Apple peut parfaitement encore améliorer certains points pour le plus grand bonheur de nos appareils.