Dans un article assez intéressant, le média américain The Atlantic revient sur le prix d'un appareil que vous avez probablement chez vous et dont le coût a (très) fortement diminué ces dernières années : le téléviseur. Et il démontre en partie la raison pour laquelle Apple s'est impliqué dans ce domaine selon les rumeurs, mais sans y entrer.
Pourquoi un iPad est-il plus cher qu'un téléviseur ?
Premièrement, il prend comme exemple les années 80, ou un téléviseur classique pouvait valoir environ 800 $, soit plus de 2 500 $ une fois l'inflation prise en compte. En s'intéressant aux recommandations de 2012, par exemple, la différence est aussi assez criante : un téléviseur à écran plat (il ne s'agissait pas nécessairement de LCD à l'époque) d'à peu près 50 pouces valait entre 800 $ (pour un modèle 720p basique) et 2 200 $ pour le modèle recommandé. En 2023, un téléviseur d'entrée de gamme de 55 pouces vaut moins de 400 € en magasin et même les variantes OLED se trouvent assez régulièrement aux alentours de 1 000 €, avec une définition nettement plus élevée dans les deux cas. Et selon ce site américain, le prix moyen des téléviseurs aurait diminué de 97 % depuis janvier 2000.
Une des questions de l'auteur est simple : pourquoi un iPad est-il plus cher qu'un téléviseur avec un écran dont la diagonale est cinq fois plus élevée ? La première raison, c'est que le prix du téléviseur dépend essentiellement du prix de la dalle. Les téléviseurs offrent rarement des processeurs rapides en entrée de gamme, et la concurrence couplée à une amélioration constante du rendement de la fabrication des dalles font que le prix diminue.
Pour bien comprendre ce point, une dalle de téléviseur est découpée dans ce qu'on appelle une dalle mère (elles font actuellement un peu plus de 3 mètres sur environ 3,5 mètres). Le but des constructeurs est donc de découper le plus de dalles dans cette dalle mère (ce qui peut s'apparenter à une partie de Tetris dans certains cas), avec un rendement le plus élevé possible. Quand une nouvelle technologie arrive, le rendement est faible et une bonne partie des dalles ne fonctionne pas, ce qui rend l'ensemble assez cher. Actuellement, le rendement des dalles LCD est plutôt bon, ce qui permet de vendre des téléviseurs peu onéreux.
Un problème de données privées
L'autre raison qui explique en partie la diminution des coûts vient des nouvelles sources de profits. Chez beaucoup de marques modernes, les bénéfices ne proviennent pas du matériel mais bien de l'exploitation des données. Les téléviseurs sont en effet majoritairement connectés et les différents OS (Google TV ou Android TV, Tizen, webOS, etc.) en profitent pour récupérer des données. Comme l'explique bien l'article, ils savent ce que vous regardez, quand vous le regardez et combien de temps vous le regardez !
Et ne pensez pas que passer par le tuner TNT ou un boîtier connecté en HDMI va empêcher les téléviseurs de vérifier ce que vous faites : ce tweet de 2016 montre qu'un téléviseur Samsung était capable de détecter un film lu sur une autre plateforme (un ordinateur connecté en HDMI) et de générer une publicité associée au contenu.
This is my Samsung SmartTV with a US Army pop-up ad on top of Inglorious Basterds streamed from Netflix on my FireTV pic.twitter.com/wuONS4VUfg
— Paul McMillan (@PaulM) January 19, 2016
Dans la pratique, beaucoup de constructeurs — spécialement en entrée de gamme — peuvent donc réduire les marges sur le matériel (et donc in fine réduire le prix que vous allez payer) tout en gardant des bénéfices corrects grâce à d'autres sources de revenus : vos données personnelles. L'article cite comme exemple la marque Roku, qui vend des boîtiers équivalents à l'Apple TV mais qui intègre aussi son système d'exploitation dans des téléviseurs (majoritairement aux États-Unis). Et dans les revenus de Roku, 83 % viennent de la plateforme, c'est-à-dire essentiellement les publicités ciblées proposées dans l'interface.
Un autre cas est celui du fabricant de téléviseurs Vizio, dont les ventes restent assez stables mais dont les bénéfices augmentent grâce aux services et aux publicités liées à ses produits.
Un marché différent de ce qu'Apple fait
Ces différentes évolutions dans un marché comme celui des téléviseurs expliquent surtout en partie pourquoi Apple n'a finalement pas proposé son propre modèle au milieu des années 2010, comme le promettaient pourtant des rumeurs. La marque a tendance à privilégier une marge assez importante sur le matériel, avec éventuellement des revenus récurrents sur des services payants. Et en face, le reste du marché tend à réduire ses marges sur le matériel tout en exploitant des données personnelles avec de la publicité.