Cuir, bois, textile, reproduction d'anciens mécanismes… les interfaces des récents logiciels d'Apple ont popularisé le terme de "skeuomorphisme". Alors qu'il préparait un sujet sur l'évolution des interfaces utilisateurs chez Microsoft, un journaliste de Fast Company a recueilli les doléances de personnes proches d'Apple ou d'anciens de ses designers, désolés de certains choix opérés.
Le skeuomorphisme se traduit par une volonté d'appliquer des codes visuels anciens à un objet contemporain. Par exemple l'habillage cuir dans Calendrier sur iOS et OS X ou dans (localiser) Mes amis ; le magnétophone à bande dans l'application Podcasts ; l'étagère en bois dans iBooks, etc.
Cette approche, rappelle Fast Company, peut rassurer des personnes intimidées par ces outils informatiques et qui vont reconnaître des éléments visuels familiers. Dans Calendrier sur l'iPad il peut être naturel d'avoir sous les yeux la reproduction d'une page et, partant, de littéralement la feuilleter avec le doigt.
Cette personnalité artificielle a aussi le mérite de permettre une meilleure distinction entre les applications. Sur un écran encombré, impossible de confondre un bout de fenêtre de Mail avec celle de Calendrier ou de Notes. Ça n'a pas toujours été le cas avec OS X où il est arrivé que toutes les applications se ressemblent, fusionnées dans une masse de gris.
À l'inverse, le magnétophone à bande dans Podcasts est purement gratuit, la croûte de cuir dans Rappels aussi. Dans iBooks, la représentation de l'épaisseur de l'ouvrage n'est là que pour façonner cette illusion de réalité. Car elle n'est d'aucune utilité puisqu'elle est visuellement identique, que l'on soit au début du livre ou à sa conclusion. Cette information de progression dans la lecture est donnée par les jalons placés en bas d'écran.
L’app Mes amis est toute revêtue de cuir, tel un objet sorti des ateliers d'une grande marque de luxe. Si ce n'est que cette application ne peut se raccrocher à aucune réalité. Il n'existait pas, il y a plusieurs dizaines d'années, d'objets remplissant ce rôle et habillés de cette matière.
Un ancien designer d'Apple a raconté à Fast Company que le cuir piqué de cette application était « littéralement basé sur une texture qui se trouvait dans le jet privé de Steve Jobs ». Le patron d'Apple a poussé à cette pratique du skeuomorphisme, au désespoir de certains de ses employés, racontent des interlocuteurs du journaliste « Il y a eu beaucoup de mail en interne entre les designers des interfaces utilisateurs, qui trouvaient que c'était gênant, tout simplement affreux ».
L'interface du Game Center a elle aussi donné des hauts le coeur « Steve a beaucoup insisté pour que tout - le feutre du tableau, les jetons de jeu - soit exactement comme dans la réalité. En interne, plein de gens étaient choqués par cette richesse de détails, ils se disaient que ça allait trop loin ».
Un ancien designer d'Apple parle de « masturbation visuelle » où il s'agit de gonfler ses muscles pour montrer sa capacité à recréer des objets réalistes « mais on s'en fout », assène-t-il.
Il y aurait deux camps chez Apple sur cette question. Scott Forstall serait l'un des promoteurs de cette philosophie du réalisme alors que d'autres hauts responsables s'y opposeraient, dont Jonathan Ive. Ce dernier avait d'ailleurs laissé transpirer des sentiments mitigés à l'occasion d'une interview récente (lire Jonathan Ive devient Chevalier et raconte son métier). Sans émettre d'avis qualitatif, il soulignait dans sa réponse qu'il s'occupait du matériel et qu'il n'était pas associé aux choix d'interfaces logicielles. On a vu soutien plus franc…
Apple n'a pas inventé le skeuomorphisme, on a vu et voit encore ce principe appliqué sur différentes plateformes au travers de multiples applications. Si l'on prend le seul exemple de l'étagère d'iBooks, l'application Library l'utilise depuis quelques années déjà. Mais Apple servant d'exemple, elle peut entraîner à sa suite des créateurs d'interface. Un blog - Skeu It - compile des exemples de ce type d'interfaces, et s'en délecte par des appréciations sarcastiques.
Des designers interrogés par Fast Company se désolent de cette direction prise par Apple. Ainsi le Suisse Yves Béhar (il a dessiné le petit portable One Laptop Per Child ou le décodeur noir et blanc de Canal+) « Utiliser la réalité comme métaphore visuelle de l'interface utilisateur, plutôt que de faire fonctionner cette interface par ses propres moyens, est quelque chose qui me contrarie depuis un bon moment. Une bibliothèque numérique ne fonctionne pas comme une véritable étagère. Vous me balancez tout ce bruit visuel qui vient parasiter et c'est déroutant. Mon cerveau, qui est habitué aux bibliothèques physiques, est déstabilisé par ces différences d'utilisation. C'est joli, mais pas spécialement utile. »
D'autres critiques vont dans ce sens en ajoutant que certains objets représentés n'évoquent rien à leurs utilisateurs. Un Rolodex pour ranger des cartes de visite est un OVNI pour un jeune utilisateur aujourd'hui. Même chose d'une certaine manière pour le broyeur de cartes montré par Scott Forstall dans l'application Passbook d'iOS 6. Combien de personnes au quotidien voient ou utilisent une déchiqueteuse à papier, demande un autre interlocuteur de Fast Company « Pour moi c'est comme de mettre du rouge à lèvres à un cochon, ce n'est pas la peine d'ajouter des paillettes à un produit s'il peut jouer son rôle sans elles ».
C'est d'ailleurs moins le skeuomorphisme dans son principe qui est rejeté que les excès auxquels il conduit, avec une surabondance de détails et d'ornementation. Ces mêmes personnes devenues critiques à l'endroit d'Apple ont à l'inverse signalé leur intérêt pour l'approche de Microsoft - objet du prochain sujet de Fast Company - avec sa nouvelle interface dans Windows Phone et maintenant Windows 8. Elle contient des références à des objets du réel (une enveloppe pour signifier le mail, un appareil photo…) mais uniquement par des icônes dont le dessin est tiré au cordeau. Les interfaces associées privilégient plutôt le minimalisme. Une direction quasiment opposée à celle d'Apple et qui voit les deux frères ennemis jouer à nouveau une partition différente.
Le skeuomorphisme se traduit par une volonté d'appliquer des codes visuels anciens à un objet contemporain. Par exemple l'habillage cuir dans Calendrier sur iOS et OS X ou dans (localiser) Mes amis ; le magnétophone à bande dans l'application Podcasts ; l'étagère en bois dans iBooks, etc.
Cette approche, rappelle Fast Company, peut rassurer des personnes intimidées par ces outils informatiques et qui vont reconnaître des éléments visuels familiers. Dans Calendrier sur l'iPad il peut être naturel d'avoir sous les yeux la reproduction d'une page et, partant, de littéralement la feuilleter avec le doigt.
Cette personnalité artificielle a aussi le mérite de permettre une meilleure distinction entre les applications. Sur un écran encombré, impossible de confondre un bout de fenêtre de Mail avec celle de Calendrier ou de Notes. Ça n'a pas toujours été le cas avec OS X où il est arrivé que toutes les applications se ressemblent, fusionnées dans une masse de gris.
À l'inverse, le magnétophone à bande dans Podcasts est purement gratuit, la croûte de cuir dans Rappels aussi. Dans iBooks, la représentation de l'épaisseur de l'ouvrage n'est là que pour façonner cette illusion de réalité. Car elle n'est d'aucune utilité puisqu'elle est visuellement identique, que l'on soit au début du livre ou à sa conclusion. Cette information de progression dans la lecture est donnée par les jalons placés en bas d'écran.
L’app Mes amis est toute revêtue de cuir, tel un objet sorti des ateliers d'une grande marque de luxe. Si ce n'est que cette application ne peut se raccrocher à aucune réalité. Il n'existait pas, il y a plusieurs dizaines d'années, d'objets remplissant ce rôle et habillés de cette matière.
Un ancien designer d'Apple a raconté à Fast Company que le cuir piqué de cette application était « littéralement basé sur une texture qui se trouvait dans le jet privé de Steve Jobs ». Le patron d'Apple a poussé à cette pratique du skeuomorphisme, au désespoir de certains de ses employés, racontent des interlocuteurs du journaliste « Il y a eu beaucoup de mail en interne entre les designers des interfaces utilisateurs, qui trouvaient que c'était gênant, tout simplement affreux ».
L'interface du Game Center a elle aussi donné des hauts le coeur « Steve a beaucoup insisté pour que tout - le feutre du tableau, les jetons de jeu - soit exactement comme dans la réalité. En interne, plein de gens étaient choqués par cette richesse de détails, ils se disaient que ça allait trop loin ».
Un ancien designer d'Apple parle de « masturbation visuelle » où il s'agit de gonfler ses muscles pour montrer sa capacité à recréer des objets réalistes « mais on s'en fout », assène-t-il.
Il y aurait deux camps chez Apple sur cette question. Scott Forstall serait l'un des promoteurs de cette philosophie du réalisme alors que d'autres hauts responsables s'y opposeraient, dont Jonathan Ive. Ce dernier avait d'ailleurs laissé transpirer des sentiments mitigés à l'occasion d'une interview récente (lire Jonathan Ive devient Chevalier et raconte son métier). Sans émettre d'avis qualitatif, il soulignait dans sa réponse qu'il s'occupait du matériel et qu'il n'était pas associé aux choix d'interfaces logicielles. On a vu soutien plus franc…
Apple n'a pas inventé le skeuomorphisme, on a vu et voit encore ce principe appliqué sur différentes plateformes au travers de multiples applications. Si l'on prend le seul exemple de l'étagère d'iBooks, l'application Library l'utilise depuis quelques années déjà. Mais Apple servant d'exemple, elle peut entraîner à sa suite des créateurs d'interface. Un blog - Skeu It - compile des exemples de ce type d'interfaces, et s'en délecte par des appréciations sarcastiques.
Des designers interrogés par Fast Company se désolent de cette direction prise par Apple. Ainsi le Suisse Yves Béhar (il a dessiné le petit portable One Laptop Per Child ou le décodeur noir et blanc de Canal+) « Utiliser la réalité comme métaphore visuelle de l'interface utilisateur, plutôt que de faire fonctionner cette interface par ses propres moyens, est quelque chose qui me contrarie depuis un bon moment. Une bibliothèque numérique ne fonctionne pas comme une véritable étagère. Vous me balancez tout ce bruit visuel qui vient parasiter et c'est déroutant. Mon cerveau, qui est habitué aux bibliothèques physiques, est déstabilisé par ces différences d'utilisation. C'est joli, mais pas spécialement utile. »
D'autres critiques vont dans ce sens en ajoutant que certains objets représentés n'évoquent rien à leurs utilisateurs. Un Rolodex pour ranger des cartes de visite est un OVNI pour un jeune utilisateur aujourd'hui. Même chose d'une certaine manière pour le broyeur de cartes montré par Scott Forstall dans l'application Passbook d'iOS 6. Combien de personnes au quotidien voient ou utilisent une déchiqueteuse à papier, demande un autre interlocuteur de Fast Company « Pour moi c'est comme de mettre du rouge à lèvres à un cochon, ce n'est pas la peine d'ajouter des paillettes à un produit s'il peut jouer son rôle sans elles ».
C'est d'ailleurs moins le skeuomorphisme dans son principe qui est rejeté que les excès auxquels il conduit, avec une surabondance de détails et d'ornementation. Ces mêmes personnes devenues critiques à l'endroit d'Apple ont à l'inverse signalé leur intérêt pour l'approche de Microsoft - objet du prochain sujet de Fast Company - avec sa nouvelle interface dans Windows Phone et maintenant Windows 8. Elle contient des références à des objets du réel (une enveloppe pour signifier le mail, un appareil photo…) mais uniquement par des icônes dont le dessin est tiré au cordeau. Les interfaces associées privilégient plutôt le minimalisme. Une direction quasiment opposée à celle d'Apple et qui voit les deux frères ennemis jouer à nouveau une partition différente.