Il y a maintenant deux iMac Retina au catalogue d’Apple, avec un nouveau modèle moins cher, affiché à 2 299 €. Ça, c’est pour la bonne nouvelle. Cette gamme, dotée d’un écran exceptionnel par le confort visuel qu’il procure sur les textes et les images, commence enfin à se démocratiser tout doucement en perdant 300 €.
La mauvaise nouvelle c’est que cette baisse de prix s’est traduite par la présence d’un disque dur et que la carte graphique n’a toujours pas les épaules assez larges pour gérer impeccablement la définition de cet écran sur des tâches tout ce qu’il y a de plus courantes.
Quelles différences depuis l’automne ?
Quoi de neuf entre ce modèle et celui qui occupait seul la case du Retina depuis la fin de l’année dernière (voir son test) et qui n’a pas connu d’évolution ? Les changements ont porté sur le processeur, le support de stockage et la carte graphique. Tout a été raboté pour suivre cette baisse de prix de 300 €.
Le processeur est de la même génération “Haswell” qu’à l’automne : il n’y a pas encore chez Intel de successeur disponible, Apple est ici coincée. Il s’agit d’un Core i5–4590 à quatre coeurs, cadencé à 3,3 GHz (Turbo Boost à 3,7 GHz) au lieu de 3,5 GHz (Turbo Boost à 3,9 GHz). L’option Core i7 qui apporte l’Hyperthreading n’est pas proposée sur cette configuration.
La carte graphique AMD perd son “X” dans sa dénomination et la nouvelle référence est inédite. Il est apparu depuis que la différence avec sa devancière réside dans sa fréquence. Elle a été abaissée de 50 MHz, à 947 MHz au lieu de 1 GHz. Enfin, et c’est ce qui a le plus surpris, le Fusion Drive proposé en standard a été supprimé. De ce couple qui associe un petit SSD de 128 Go avec un disque dur plus copieux, il ne subsiste que le disque dur.
Un Fusion Drive a cela d’intéressant qu’il présente à l’utilisateur un seul et unique volume de stockage. C’est OS X qui se charge de répartir les données entre les deux supports. Le SSD procure la rapidité à l’utilisateur (le système, les applications et les données les plus souvent sollicitées y sont automatiquement déportées) et le disque dur lui offre sa capacité de stockage plus conséquente. C’est moins rapide dans l’ensemble qu’un stockage basé exclusivement sur du SSD mais ce compromis est plus économique et plutôt performant (lire Fusion Drive : explications et essais sur un “ancien” Mac).
Depuis plus de deux ans qu’Apple a inauguré ce système avec des iMac et Mac mini, on se serait attendu à ce qu’il devienne maintenant un incontournable. Une valeur ajoutée forte pour distinguer encore son matériel. A fortiori sur une gamme “premium” comme l’iMac Retina. Eh bien c’est raté.
Sur les six iMac au catalogue, cinq reposent encore sur des disques durs de 500 Go ou 1 To dans leurs configurations de base. Ce qui peut se comprendre à l’extrême rigueur pour des 21“ devient de moins en moins acceptable sur des 27” et pas du tout lorsqu’ils sont Retina.
Les autres options de stockage ne sont pas interdites à ce modèle d’entrée de gamme. Mais l’intérêt est tout relatif. Si vous voulez retrouver le Fusion Drive de 1 To cela porte le prix de la machine à 2 539 €. Pour 60 € de plus, vous avez l’iMac Retina suivant avec le même Fusion Drive et les processeurs et carte graphique un peu plus rapides. Le choix est vite fait et l’option est calibrée exactement à cette fin…
Performances processeur
Nous avons déjà testé les performances de cette machine à sa réception. Nous en reprendrons donc les éléments. Avec Geekbench, qui mesure des performances brutes, 200 MHz en moins se traduit par une baisse de performances de 4,3 %. C’est à dire quasiment rien dans un usage de tous les jours. Il est intéressant de noter que notre iMac 27" de 2011, avec son Core i7 Quad à 3,4 GHz ne démérite pas face à ce Core i5 Quad 3,3 GHz. Si l’on envisage de remplacer un iMac vieux de quelques années, ce sera plus pour la carte graphique et la qualité incomparable de l’écran Retina que pour le processeur.
Avec les tests applicatifs, partout, ou presque, cette machine a perdu quelques secondes face aux modèles de l’automne dernier. Encore une fois, cela n’a rien de dramatique. L’encodage d’une séquence 4K dans iMovie prend 10 secondes de plus… sur une durée totale inférieure à 2 min. Dans l’export iPhoto, on devra attendre 7 secondes de plus. Tout cela est largement supportable.
Dans ces opérations, où c’est essentiellement le processeur qui est sollicité, on a toujours une machine rapide qui va convenir à tous les utilisateurs, des plus tempérés jusqu’aux touche-à-tout. Final Cut Pro X s’offre d’ailleurs le luxe de faire mieux. Entre l’automne dernier et aujourd’hui il y a eu une importante mise à jour de ce logiciel qui peut expliquer cette amélioration. GarageBand aussi s’est montré un peu plus vif, pourtant c’est la même version qu’en octobre. Seul OS X a évolué entre temps (nous avons fait nos tests avec la version 10.10.3).
Performances carte graphique
Alors que la M290X de l’iMac Retina haut de gamme tourne à 1 GHz, la M290 “sans X” se contente de 947 MHz. En usage, la différence est ténue, on ne perd pas grand-chose, sinon rien en fonction des logiciels de test. Dans Cinebench R15, le test OpenGL met les deux cartes à égalité (89 fps). Avec Valley Benchmark on perd une maigre poignée d’images par seconde dans cette épreuve où les réglages sont poussés au maximum pour les niveaux de détails ainsi que l’antialiasing.
Dans un jeu comme Batman : Arkham City GOTY, lorsqu’on utilise la définition logique par défaut de 2560 x 1440 px et en mettant tous les réglages à fond, la séquence de test donne une moyenne de 56 fps. Ce n’est pas mauvais mais c’est un jeu qui date de quelques années maintenant. Cette carte étant quasiment identique à celle testée à l’automne, on renverra vers le test des premiers iMac Retina pour plus d’appréciations sur la partie ludique. Les iMac d’alors s’en étaient sortis avec un bilan disons correct face à des titres pour Windows lancés dans Boot Camp.
Que les iMac ne soient pas des foudres de guerre avec les jeux, on le sait. Ce qui agace, c’est de voir que cette seconde fournée d’iMac Retina a toujours du mal à offrir à ses utilisateurs un OS X fluide dans ses animations.
On ne parle pas d’un jeu gourmand, mais tout simplement de l’interface système que l’on a sous les yeux à chaque seconde de l’utilisation de cette machine. Avec juste deux bureaux virtuels, Dashboard activé et plusieurs fenêtres ouvertes, l’animation de Mission Control ressemble à un jeu 3D qui s’exécuterait sur une carte sous-dimensionnée. L’animation saute des étapes, au lieu d’être fluide comme sur tous nos autres Mac. Pas la peine de travailler des heures pour le constater, ces effets commencent à se manifester quelques minutes après le démarrage.
Parfois c’est le déplacement d’une fenêtre ou son redimensionnement qui courent après la souris, une autre fois ce sera le déplacement d’une grosse icône dans le dossier Applications qui saccade, ou alors un Coup d’oeil sur un banal JPEG qui s’ouvre avec une animation sans fluidité. Supprimer la transparence ne change (presque) rien, se forcer à rester sur la définition par défaut, non plus. Nous avons essayé avec l’écran externe 23" que l’on utilise habituellement branché à notre iMac et sans cet écran. Pas mieux.
Il est arrivé un cas extrême et paradoxal où, après avoir réactivé la transparence, tout est devenu d’une lenteur absolue. Il se passait 4 à 6 secondes entre un clic et l’exécution de la commande Mission Control, les déplacements de fenêtres étaient presque impossibles, les animations s'exécutaient à l'allure d'un escargot. Nous avons vu cette situation sur nos deux machines de test.
Soyons bien clair, tout n’est pas uniformément lent ou catastrophique et ces désagréments ne s’expriment pas toujours à l’extrême. La fluidité du passage d’un bureau virtuel à l’autre n’appelle pas de critique, par exemple. Peut-être même que des utilisateurs n’en seront pas gênés. Tout le monde, après tout, ne se sert pas en permanence de Mission Control ni ne jongle à toute vitesse entre douze logiciels.
Mais il y a fondamentalement un déficit d’optimisation quelque part avec ces iMac Retina et leur carte graphique proposée par défaut. Au quotidien, sans pousser la bête pendant des heures, l’utilisation est ponctuée de ces anomalies visuelles. Il faudra faire avec, puisque sur cette configuration on ne peut pas choisir d’autre carte graphique à la commande.
Nous avons eu deux configurations identiques de cet iMac entre les mains. Mon collègue et moi-même avons observé la même chose. Mon iMac était sur un OS X 10.10.3 avec ses applications installées de zéro, l’autre était sur un 10.10.4 bêta transféré depuis un MacBook Pro 15" Retina. Le bilan était même plus négatif pour mon collègue.
À ce stade, on ne peut que croiser les doigts pour voir arriver une amélioration d’ordre logicielle avec le prochain OS X (lire aussi iMac Retina : la carte graphique de base ne suffit toujours pas).
Performances disque dur
L’autre point qui fâche, c’est le retour à une solution purement disque dur en configuration de base. On est pourtant sur le fleuron des ordinateurs tout-en-un, tous OS confondus. Il n’y a pas ailleurs de plus beau monobloc, encore moins si l’on considère l’écran Retina. Et il faut faire avec un disque dur et ses lenteurs.
Notre modèle est équipé d’un disque dur 1 To de marque Seagate à 7 200 t/min. Sur l’iMac Retina de 2014 avec son Fusion Drive 1 To, un test de lecture/écriture séquentielle de petits fichiers (4 Ko à 1 Mo) donnait une moyenne de 420 Mo/s en lecture et 261 Mo/s en écriture. Avec notre modèle à disque dur, ces valeurs sont divisées par 2,5 (164 Mo/s) et 1,7 (148 Mo/s). C’est bien pire en lecture et écriture aléatoires, on divise les résultats par 7 et par 3,5.
Le test avec de plus gros fichiers (entre 20 et 100 Mo) donne une moyenne de 212 Mo/s en lecture et 210 Mo/s en écriture. Rien de palpitant, c’est normal, c’est l’effet disque dur. Point positif, il s’est avéré remarquablement silencieux sur les deux machines.
Par curiosité, nous avons fait le même test avec le disque dur 1 To de notre iMac 27" de la mi–2011 (un Western Digital à 7 200 t/min). Les résultats ont été encore un cran en dessous. La moyenne en lecture/écriture séquentielle de petits fichiers a été de 105 Mo/s et 81 Mo/s. Pour les gros fichiers elle était de 119 Mo/s et 116 Mo/s. Au moins, en quatre ans, les choses ont quand même progressé sur les disques durs.
Autre exemple, la duplication d’un fichier de 8,7 Go (une base iPhoto) a pris 2 min 28 s sur cette machine. Sur un ancien iMac mi–2011 mais équipé en SSD cela a pris 1 min 49 s. Avec le tout nouveau MacBook Pro 15" Force Touch équipé d’un SSD de 256 Go, l’opération n’a pris que 14 secondes, c’est 10 fois plus rapide que notre nouvel iMac.
Bien sûr la comparaison est injuste puisque ce portable de 2 249 € bat un record avec son SSD. Mais cela illustre à nouveau à quel point l’écart se creuse toujours davantage entre ces deux technologies de stockage (lire Le SSD du MacBook Pro 15" Retina 2015 tient ses promesses).
Tout le monde aujourd’hui n’est pas équipé d’un ordinateur avec un SSD, c’est dommage car bien plus qu’un surcroît de RAM ou de megahertz, c’est l’organe de la machine qui peut transformer un veau en une gazelle. Une machine qui a quelques années retrouve littéralement une seconde jeunesse avec un SSD.
Conclusion
J’utilise quotidiennement deux iMac 27" mi–2011, des haut de gamme de l’époque. Chacun a un Core i7 Quad à 3,4 GHz et 12 Go de RAM. Mais l’un a un disque dur 1 To (7 200 t/min) et l’autre a reçu en appoint un SSD de 256 Go. Il n’est pas monté en Fusion Drive, mais il héberge l’OS, les applications et une bonne partie de mes données. Les autres données, dont ma Dropbox devenue trop grosse pour le SSD, sont placées sur le disque dur.
À l’utilisation, c’est le jour et la nuit entre ces deux configurations. La machine du bureau avec le SSD est toujours vive, les logiciels se lancent en un claquement de doigts et il est rare d’attendre plus d’un bref instant pour passer d’une application à l’autre. J’en ai toujours une douzaine ouvertes, toutes sont assez “légères”, dans le sens où ce ne sont pas des outils gourmands (outils de rédaction, de mail, navigateur web, Twitter, RSS, gestionnaires de tâches…).
La carte graphique est dépassée pour les jeux, mais je n’en utilise aucun. À aucun moment les performances ne sont prises en défaut dans ce qui est mon cadre d’utilisation. Si l’on oublie le critère de l’écran, ce n’est pas une machine que l’on a besoin impérativement de changer.
Le même environnement de travail, cette fois sur ma machine personnelle à disque dur, est un calvaire. Tout est lent, poussif et la roue colorée est ma meilleure amie. Les choses vont à peu près bien dès lors que je reste dans une application. Mais le disque dur plombe tout, aussitôt que je navigue entre les applications. Lorsque j’en lance une nouvelle, que j’ouvre trop de fenêtres dans Safari ou que je vais dans Photos (et c’était bien pire avec iPhoto).
Au bout de quatre ans d’une utilisation quotidienne, l’idée de remiser un iMac de 2011 à disque dur pour un modèle haut de gamme de 2015 n’a rien de saugrenue. On ne fera pas forcément un bond avec le processeur mais la carte graphique est plus véloce, le Bluetooth 4.0 permet de profiter de Handoff avec iOS et le tout fonctionne derrière un écran haute définition à nul autre pareil.
Cet iMac Retina d’entrée de gamme pourrait être le choix le plus évident dans cette hypothèse de changement. Il n’est pas donné mais c’est le moins cher. Cependant, son positionnement technique fait que l’on se retrouve avec un écran magnifique, mais où l’interface est rapidement à la peine et le support de stockage d’une autre époque. On a la tête dans le futur et les pieds dans le passé. Il faut alors s’orienter vers la grosse configuration, renforcée avec l’option de la carte graphique plus puissante. Là, on n’est plus du tout à 2 299 € mais pas loin des 3 000 € (2 899 €).
Quel que soit le profil de l’utilisateur de cette machine — soit le nouveau client séduit par la marque et capable de débourser une bonne somme pour s’offrir le plus beau monobloc du marché soit le macophile averti — on a du mal à les orienter vers cet iMac Retina d’entrée de gamme.
On est d'abord gêné pour le premier client. Il va investir en toute confiance dans une machine qui n’a pas le standing qu’elle prétend offrir. On partage ensuite la frustration du second qui va voir dans cette configuration un simple marchepied pour les configurations plus onéreuses.
En résumé, le prix de l’iMac Retina n’a pas baissé. La seule configuration qui tienne la route coûte toujours 2 899 € (avec un Fusion Drive 1 To et seulement 8 Go de RAM).
Il y a quelques raisons pour lesquelles on accorde un peu de crédit à cet iMac. Son écran évidemment, aussi parce qu’on nourrit toujours le secret espoir qu’OS X va finir par être optimisé pour sa carte graphique. Enfin, parce qu’Apple ne rend pas compliquée l’ajout de mémoire et que les spécialistes ont toujours un accès pour remplacer ultérieurement le disque dur par un SSD. Mais ce sont des lots de consolation pour une machine frustrante dans l’ensemble.
[MàJ le 12/06/2015] : OS X El Capitan accélère bien les Mac