Wacom avait fait forte impression avec le Cintiq Companion, cette sorte de Cintiq 13 capable de se passer d’un ordinateur… parce qu’il en contient un. Compact, précis et puissant, le Cintiq Companion souffrait seulement d’un poids excessif et d’une autonomie moyenne. De quoi justifier la conception d’une deuxième génération : le Cintiq Companion 2 règle-t-il les problèmes de son prédécesseur ? La réponse dans notre test.
Une tablette indépendante
Si le Cintiq Companion Hybrid n’est rien d’autre qu’une tablette Android à l’ergonomie Wacom, le Cintiq Companion 2 est un véritable PC tournant sous Windows. Alors que son prédécesseur utilisait un processeur Core i7 de troisième génération, le nouveau modèle est disponible en quatre configurations utilisant des processeurs Core iX de quatrième génération (Haswell) :
- processeur Core i3-4005U bicœur à 1,7 GHz, graphismes Intel HD Graphics 4400, 4 Go de RAM et 64 Go de stockage SSD, sous Windows 8.1 (1 399 €) ;
- processeur Core i5-4258U bicœur à 2,4 GHz et Turbo Boost à 2,9 GHz, graphismes Intel Iris Graphics 5100, 8 Go de RAM et 128 Go de stockage SSD, sous Windows 8.1 (1 599 €) ;
- processeur Core i7-4558U bicœur à 2,8 GHz et Turbo Boost à 3,3 GHz, graphismes Intel Iris Graphics 5100, 8 Go de RAM et 256 Go de stockage SSD, sous Windows 8.1 Pro (1 999 €) ;
- processeur Core i7-5557U bicœur à 3,1 GHz et Turbo Boost à 3,4 GHz, graphismes Intel Iris Graphics 6100, 16 Go de RAM et 512 Go de stockage SSD, sous Windows 8.1 Pro (2 499 €).
Wacom réserve chacune de ces configurations à des usages particuliers : la deuxième — celle que j’ai testée — a été conçue pour le dessin, l’illustration et le traitement d’images, pas pour l’animation 2D ou la « sculpture » 3D. Enfin, les entreprises et les établissements scolaires refusant de passer à Windows 8 peuvent bénéficier d’une cinquième configuration, basée sur un processeur Intel Core i7 avec vPro et Windows 7.
Les deux configurations haut de gamme succèdent directement aux deux configurations de Cintiq Companion… qui valaient 100 € de moins. Les deux nouvelles configurations sont moins puissantes et possèdent bien moins d’espace de stockage, mais ne sont pour autant pas des configurations « bas de gamme ». C’est que les Cintiq Companion 2 ont bien des arguments à revendre, à commencer par leur nouvel écran 13,3 pouces affichant 2560 x 1440 px.
Le saut est sensible, même si l’écran 1920 x 1080 px du Cintiq Companion n’était pas particulièrement désagréable. La dalle IPS offre un angle de vision de 170° sur les deux axes, ce qui est d’autant plus important que la tablette a vocation à être utilisée dans diverses positions. Même si elle pourrait être encore meilleure, la colorimétrie est très satisfaisante — le ∆E dépasse à peine 3 et la dalle couvre 96 % du champ sRGB et 73 % du champ Adobe 1998. La luminosité maximale dépasse les 350 cd/m² : une fois ramenée à un niveau moyen, le contraste se maintient au-dessus de 750:1.
Pour ne rien gâcher, l’écran est peu sensible aux reflets, mais il reste difficile à lire au soleil. Il faut aussi noter que Wacom a étendu sa matrice sensible au-delà de la zone d’affichage. Les coins sont donc aussi précis que le reste de la surface, or de nombreux contrôles de Windows sont près des coins. Carton plein, donc ? Presque : tant que tous les composants de l’écran ne seront pas stratifiés, il restera encore un peu de parallaxe, à laquelle on s’habitue heureusement au bout de quelques jours.
L’écran est flanqué de l’habituel Rocker Ring à quatre directions, dont le bouton central fait office de touche Windows. Alors que le Cintiq Companion ne comportait que quatre boutons ExpressKeys, le Cintiq Companion 2 en possède six, plus rapprochés et plus faciles à actionner. Les ports sont égrenés le long des tranches : trois ports USB 3.0, un logement SD et un port HDMI utile à la connexion à un PC ou un Mac.
Windows, le meilleur ennemi de la Wacom
Mais le Cintiq Companion 2 est d’abord et avant tout une tablette indépendante, à laquelle Windows donne accès à des applications « lourdes ». J’ai ainsi pu ainsi utiliser Photoshop, Illustrator, InDesign, Lightroom ou encore ArtRage pendant mon test. Windows offre donc des possibilités inaccessibles à une tablette Android comme la Samsung Galaxy Tab A avec S Pen… mais pose aussi quelques problèmes.
D’abord parce qu’il ne prend que très partiellement en charge les écrans d’une résolution aussi élevée que celle de l’écran du Cintiq Companion 2. Windows 8.1 permet certes d’agrandir tous les éléments par un facteur de 2, mais on perd alors le bénéfice des 3,69 millions de pixels carrés de surface de travail. Le mode 200 % de Photoshop est plus pratique (et identique au « mode Retina » des Mac), agrandissant l’interface sans réduire le contenu. Windows 10 fera — un peu — mieux sur ce point, mais en attendant, il faut composer. Et c’est passablement embêtant.
Ensuite parce que Windows nécessite une puce x86, et que lesdites applications « lourdes » demandent une puce x86 puissante. ZBrush, par exemple, ne peut se contenter du processeur Core i5 à 2,4 GHz qui équipait mon exemplaire de test, le même processeur qui équipe le MacBook Pro Retina 13 pouces fin 2013 que j’utilise pour écrire ce test. Une machine plus épaisse de 3 mm que le Cintiq Companion 2, dont les ventilateurs doivent refroidir la carte-mère et l’écran. Conséquence : on les entend souvent, ces ventilateurs.
On peut les faire taire en activant le mode « économie d’énergie » dans le « Centre de mobilité Windows »… au prix d’une sévère dégradation des performances. S’il faut vraiment rendre un projet en urgence avec la batterie dans le rouge, cela fera l’affaire. Mais même pour regarder une vidéo HD 1080p, c’est plutôt inconfortable. Au quotidien donc, il vaut mieux rester sur le mode « performances élevées ». L’autonomie environnera alors les 4 h 30 — le chargeur est un peu encombrant, mais Wacom fournit une sacoche bien pratique, et la recharge prend moins de deux heures.
Des contrôles au poil
Il faut évidemment — mais ce n’est pas de la faute de Windows — passer du temps à fouiner dans le pilote Wacom pour profiter au mieux du potentiel du Cintiq Companion 2. Les deux boutons ExpressKeys supplémentaires sont véritablement bienvenus, chacun pouvant être associé à des dizaines d’actions en fonction des applications et des touches de modifications. Et si cela ne suffisait pas, on peut toujours trouver un moyen d’en libérer grâce à d’autres fonctions.
Les Touch Strips, ces bandes tactiles qui ont disparu des tablettes Wacom récentes, peuvent par exemple être recréés logiciellement. L’écran reconnaissant aussi bien le stylet que les doigts, on peut ainsi rapidement redimensionner un outil ou pousser un curseur. Et évidemment, on peut aussi défiler, zoomer ou pivoter avec les doigts : le passage du stylet aux doigts est naturel, et on peut utiliser les ExpressKeys pour d’autres fonctions plus complexes.
Cette meilleure intégration du matériel et du logiciel profite aussi au stylet : connecté au nuage, il agit désormais comme une sorte de porte-documents. Chaque stylet « Intuos Pro » porte un numéro de série, qui peut désormais être associé à un identifiant Wacom Cloud. Au moment où le stylet entre en contact avec la dalle tactile, Wacom Cloud propose de récupérer ses réglages et ceux de la tablette (Control Room) ainsi que les ressources stockées dans le nuage (Dropzone).
Cette fonction est incroyablement bien pensée : arrivez sur la tablette d’un collègue, posez votre stylet, et elle fonctionnera comme la vôtre. Copiez-y une image, revenez sur votre tablette, et vous pourrez l’y coller. Wacom offre 2 Go de stockage gratuit, ce qui suffit bien pour un « super presse-papier », et intègre la Dropzone à ses applications iOS. Ce système est multiplateforme, ce qui est d’autant plus utile que le Cintiq Companion 2 peut être utilisé comme une simple tablette reliée à un Mac.
Il pourra être aussi utilisé comme simple écran externe, une possibilité apparemment très demandée. Dans ce cas, on l’utilisera sans doute avec son socle amovible, qui offre trois angles d’inclinaison (22, 35 et 50 degrés). On regrettera seulement qu’il ne soit pas fourni avec la configuration d’entrée de gamme, petite pingrerie indigne de Wacom. Le fabricant japonais propose par ailleurs de nombreux accessoires — toute une gamme de stylets et de pointes bien sûr, mais aussi un clavier Bluetooth et l’ExpressKey Remote.
Conclusion
En conclusion, il est clair que Wacom tient le bon bout, même si le matériel et le logiciel ne sont pas encore pleinement en adéquation. La matrice fonctionne bien, mais serait encore meilleure si elle était stratifiée de manière à éliminer toute parallaxe. Le stylet est toujours aussi confortable et ses nouvelles fonctions logicielles sont astucieuses et pratiques, mais Windows empêche de tout à fait se sentir à l’aise avec l’écran haute définition. Et surtout, les composants du Cintiq Companion 2 étouffent dans si peu d’espace.
Si vous avez besoin d’un tel produit, le Cintiq Companion 2 est malgré tout très convaincant : lorsque l’on est plongé dans son travail, encore facilité par les ExpressKey supplémentaires et le Wacom Cloud, les ventilateurs finissent par passer à l’arrière-plan. Mais si vous hésitez, attendez encore un peu, ne serait-ce que pour Windows 10, qui promet de mieux gérer le superbe écran du Cintiq Companion 2.