Alors que Jon Rubinstein a maintenu jusqu'au bout que Palm pouvait s'en sortir et demeurer indépendant, le salut est finalement venu de son rachat par HP, pour un montant de 1,2 milliards de dollars.
Palm : un parcours agité dans un petit monde technologique
La firme, basée à Sunnyvale en Californie, aura connu bien des avatars depuis sa naissance en 1992, l'année même où Apple inventa le PDA en présentant le Newton. Elle fit ses débuts un an plus tard avec le Zoomer, un PDA fabriqué par Tandy, distribué par Casio, et dont le système d'exploitation fut réalisé par Geoworks, Palm se contentant de réaliser les logiciels de gestion de données personnelles. L'appareil fut un échec commercial, mais Palm réussit à survivre en vendant son logiciel de synchronisation à HP (déjà), et en licenciant son logiciel de reconnaissance d'écriture, Graffiti, à Apple pour le Newton.
Palm fut rachetée par US Robotics en 1995, sous l'égide de laquelle elle mit au point le Palm Pilot, un PDA moins ambitieux que le Newton, mais peut-être aussi plus pragmatique. US Robotics fut elle-même rachetée par 3Com en 1998. 3Com redonna son indépendance à Palm en 2000. L'année suivante, Palm fit l'acquisition de Be, Inc pour 11 millions de dollars. Be fut fondée par deux anciens d'Apple, Jean-Louis Gassée et Steve Sakoman, tous deux instigateurs du Newton. Apple songea en 1996 à racheter Be avant qu'elle ne choisisse NeXT afin qu'elle se dote d'un système d'exploitation moderne.
En 2002, Palm se scinda en deux entités indépendantes, l'une, PalmSource vouée à développer Palm OS et à en commercialiser la licence auprès d'autres constructeurs, et l'autre PalmOne qui s'occupe du matériel. En 2005, PalmOne fit l'acquisition des parts de PalmSource dans la marque Palm pour 30 millions de dollars, et pour l'utiliser à nouveau comme raison sociale. De son côté, PalmSource fut rachetée par Access, une société spécialisée dans les navigateurs mobiles, pour 324 millions de dollars. Après avoir sorti son premier téléphone basé sur Windows Mobile, le Treo 700w, Palm racheta à Access le code source de Palm OS en 2006 pour 44 millions de dollars. Palm se chargeait donc à nouveau tant du matériel que de son système d'exploitation.
En 2007, après des rumeurs insistantes de rachat, la société de fonds privés Elevation Partners achète 25 % de Palm pour 325 millions de dollars, permettant à Palm de trouver un second souffle. C'est également cette année que Jon Rubinstein, qui avait œuvré à la naissance de l'iPod chez Apple, rejoint les rangs de Palm pour prendre la tête de son département recherche et développement, alors qu'Apple dévoile l'iPhone. L'année suivante, Palm annonce qu'elle ne commercialisera plus de PDA, et se focalise sur les smartphones. Elle annonce WebOS, son nouveau système d'exploitation mené par Jon Rubinstein, le 8 janvier 2009. En juin de la même année, et quatre jours avant la sortie du Palm Pré, Rubinstein est nommé PDG de Palm. À l'image de Steve Jobs qui mit fin à la carrière du Newton lorsqu'il revint aux commandes d'Apple, Rubinstein décide d'abandonner le projet de Netbook basé sur Linux, le Foleo. Malgré un succès critique, les ventes de Pré, puis de Pixi, n'ont pas été à la hauteur des attentes. Palm qui avait tout misé sur ses deux smartphones se trouve dans une situation très délicate. On parle de candidats potentiels au rachat : HTC, Lenovo, et RIM, mais c'est finalement Hewlett-Packard qui obtient l'accord du conseil d'administration de Palm.
L'industrie des nouvelles technologies étant résolument un tout petit monde, c'est un retour aux sources pour Jon Rubinstein, qui fait décidément tout comme Steve Jobs, puisqu'il travailla quelques années pour Hewlett-Packard juste après ses études, avant de rejoindre NeXT en 1990. Le patron d'Apple aurait d'ailleurs très mal pris la défection de Rubinstein pour Palm, qu'il aurait vécu comme une trahison (lire Newsweek : Rubinstein, Apple et Palm). Alors que Rubinstein avait du souci à se faire pour son poste (lire Palm : Rubinstein pourrait être débarqué), il restera finalement au sein des équipes de HP. Reste à voir s'il demeurera chez HP une fois la transition accomplie.
HP prend son indépendance
Alors qu'on misait beaucoup sur l'attrait du catalogue de brevets de Palm pour justifier d'un rachat par l'un des autres fabricants de smartphones, quel intérêt HP a-t-elle trouvé dans ce rachat ? Le constructeur n'a pas caché ses intentions : il s'agit pour HP de monter d'un cran dans le domaine des appareils nomades. On se souvient que Steve Ballmer avait sommairement présenté la tablette "Slate" de HP lors du dernier Consumer Electronics Show de Las Vegas (lire Microsoft : une tablette avec HP pour 2010), qui fut vite éclipsée par l'arrivée tonitruante de l'iPad. Alors que celle-ci devait initialement fonctionner sur Windows 7, HP aurait changé son fusil d'épaule et serait en train de réviser entièrement sa copie (lire HP lâcherait Windows 7 et Intel pour sa tablette). Prévue initialement pour sortir à la mi-2010, la Slate pourrait donc repartir sur la planche à dessin pour tirer parti de WebOS et opposer une concurrence plus sérieuse à l'iPad.
On imagine que Microsoft ne doit pas être enchantée par ce revirement, d'autant que la firme de Redmond s'était déjà illustrée pour avoir incité très fermement les constructeurs de PC, HP en tête, à ne pas s'intéresser à Linux, comme l'a révélé l'enquête pour abus de position dominante dont elle a fait l'objet.
Voilà un moment que Hewlett-Packard a des velléités d'indépendance, comme elle l'a montré en proposant Linux sur certaines de ses machines. Le douloureux épisode de Windows Vista n'a fait que convaincre un peu plus le fabricant qu'il avait besoin d'obtenir son autonomie (lire HP voudrait se passer de Vista ?). HP a d'ailleurs pris toute la mesure des limitations des plateformes matérielles pures, suite à l'échec de l'iPod qu'elle avait produit sous licence d'Apple, et dont la seule caractéristique différente était… la couleur du boîtier.
Le camouflet est d'ailleurs double, puisqu'il est également question de se passer des processeurs d'Intel dans la Slate (ce qui n'a rien d'étonnant dans la mesure où WebOS fonctionne sur architecture ARM). Les cartes se redistribuent sans cesse dans ce nouveau marché, et avec Palm, HP s'est offert les clés de son indépendance et de son autonomie, et fait dorénavant partie du club très fermé des constructeurs qui disposent de leur propre système d'exploitation. À ce titre, elle est désormais très bien placée pour pouvoir concurrencer Apple sur son propre terrain pied à pied, avec les mêmes arguments.
Comme le soulignait Steve Jobs lui-même, nous sommes entrés dans l'ère du mobile. L'histoire de l'informatique recommence un nouveau cycle : alors qu'aux tout débuts de la micro-informatique, chaque constructeur proposait son propre système d'exploitation, seule Apple a poursuivi ce modèle depuis que Silicon Graphics a mis fin à Irix en 2006. Avec l'avènement des plateformes mobiles, les systèmes d'exploitation sont devenus un enjeu fondamental, où Microsoft a bien du mal à faire valoir son droit d'ainesse. RIM, Apple, Nokia, et jusqu'ici Palm, chacun de ces constructeurs bénéficie de son propre OS, avec en face l'option Android, Windows Mobile, et les autres parfums de Linux pour les autres constructeurs. Une diversité qui détonne face à la micro-informatique où seuls trois systèmes d'exploitation perdurent, et où un seul constructeur dispose de son propre OS. Pour peu que Hewlett-Packard sache faire bon usage de ce nouvel atout, elle pourrait bien prendre une place de choix dans ce nouveau marché. Reste à voir comment la greffe va prendre, la fuite des cerveaux étant un mal récurrent dans ce type d'acquisition, comme Apple en a fait l'amère expérience avec PA Semi (lire Apple : départ de l'ancien PDG de PA Semi ?).
Palm : un parcours agité dans un petit monde technologique
La firme, basée à Sunnyvale en Californie, aura connu bien des avatars depuis sa naissance en 1992, l'année même où Apple inventa le PDA en présentant le Newton. Elle fit ses débuts un an plus tard avec le Zoomer, un PDA fabriqué par Tandy, distribué par Casio, et dont le système d'exploitation fut réalisé par Geoworks, Palm se contentant de réaliser les logiciels de gestion de données personnelles. L'appareil fut un échec commercial, mais Palm réussit à survivre en vendant son logiciel de synchronisation à HP (déjà), et en licenciant son logiciel de reconnaissance d'écriture, Graffiti, à Apple pour le Newton.
Palm fut rachetée par US Robotics en 1995, sous l'égide de laquelle elle mit au point le Palm Pilot, un PDA moins ambitieux que le Newton, mais peut-être aussi plus pragmatique. US Robotics fut elle-même rachetée par 3Com en 1998. 3Com redonna son indépendance à Palm en 2000. L'année suivante, Palm fit l'acquisition de Be, Inc pour 11 millions de dollars. Be fut fondée par deux anciens d'Apple, Jean-Louis Gassée et Steve Sakoman, tous deux instigateurs du Newton. Apple songea en 1996 à racheter Be avant qu'elle ne choisisse NeXT afin qu'elle se dote d'un système d'exploitation moderne.
En 2002, Palm se scinda en deux entités indépendantes, l'une, PalmSource vouée à développer Palm OS et à en commercialiser la licence auprès d'autres constructeurs, et l'autre PalmOne qui s'occupe du matériel. En 2005, PalmOne fit l'acquisition des parts de PalmSource dans la marque Palm pour 30 millions de dollars, et pour l'utiliser à nouveau comme raison sociale. De son côté, PalmSource fut rachetée par Access, une société spécialisée dans les navigateurs mobiles, pour 324 millions de dollars. Après avoir sorti son premier téléphone basé sur Windows Mobile, le Treo 700w, Palm racheta à Access le code source de Palm OS en 2006 pour 44 millions de dollars. Palm se chargeait donc à nouveau tant du matériel que de son système d'exploitation.
En 2007, après des rumeurs insistantes de rachat, la société de fonds privés Elevation Partners achète 25 % de Palm pour 325 millions de dollars, permettant à Palm de trouver un second souffle. C'est également cette année que Jon Rubinstein, qui avait œuvré à la naissance de l'iPod chez Apple, rejoint les rangs de Palm pour prendre la tête de son département recherche et développement, alors qu'Apple dévoile l'iPhone. L'année suivante, Palm annonce qu'elle ne commercialisera plus de PDA, et se focalise sur les smartphones. Elle annonce WebOS, son nouveau système d'exploitation mené par Jon Rubinstein, le 8 janvier 2009. En juin de la même année, et quatre jours avant la sortie du Palm Pré, Rubinstein est nommé PDG de Palm. À l'image de Steve Jobs qui mit fin à la carrière du Newton lorsqu'il revint aux commandes d'Apple, Rubinstein décide d'abandonner le projet de Netbook basé sur Linux, le Foleo. Malgré un succès critique, les ventes de Pré, puis de Pixi, n'ont pas été à la hauteur des attentes. Palm qui avait tout misé sur ses deux smartphones se trouve dans une situation très délicate. On parle de candidats potentiels au rachat : HTC, Lenovo, et RIM, mais c'est finalement Hewlett-Packard qui obtient l'accord du conseil d'administration de Palm.
L'industrie des nouvelles technologies étant résolument un tout petit monde, c'est un retour aux sources pour Jon Rubinstein, qui fait décidément tout comme Steve Jobs, puisqu'il travailla quelques années pour Hewlett-Packard juste après ses études, avant de rejoindre NeXT en 1990. Le patron d'Apple aurait d'ailleurs très mal pris la défection de Rubinstein pour Palm, qu'il aurait vécu comme une trahison (lire Newsweek : Rubinstein, Apple et Palm). Alors que Rubinstein avait du souci à se faire pour son poste (lire Palm : Rubinstein pourrait être débarqué), il restera finalement au sein des équipes de HP. Reste à voir s'il demeurera chez HP une fois la transition accomplie.
HP prend son indépendance
Alors qu'on misait beaucoup sur l'attrait du catalogue de brevets de Palm pour justifier d'un rachat par l'un des autres fabricants de smartphones, quel intérêt HP a-t-elle trouvé dans ce rachat ? Le constructeur n'a pas caché ses intentions : il s'agit pour HP de monter d'un cran dans le domaine des appareils nomades. On se souvient que Steve Ballmer avait sommairement présenté la tablette "Slate" de HP lors du dernier Consumer Electronics Show de Las Vegas (lire Microsoft : une tablette avec HP pour 2010), qui fut vite éclipsée par l'arrivée tonitruante de l'iPad. Alors que celle-ci devait initialement fonctionner sur Windows 7, HP aurait changé son fusil d'épaule et serait en train de réviser entièrement sa copie (lire HP lâcherait Windows 7 et Intel pour sa tablette). Prévue initialement pour sortir à la mi-2010, la Slate pourrait donc repartir sur la planche à dessin pour tirer parti de WebOS et opposer une concurrence plus sérieuse à l'iPad.
On imagine que Microsoft ne doit pas être enchantée par ce revirement, d'autant que la firme de Redmond s'était déjà illustrée pour avoir incité très fermement les constructeurs de PC, HP en tête, à ne pas s'intéresser à Linux, comme l'a révélé l'enquête pour abus de position dominante dont elle a fait l'objet.
Voilà un moment que Hewlett-Packard a des velléités d'indépendance, comme elle l'a montré en proposant Linux sur certaines de ses machines. Le douloureux épisode de Windows Vista n'a fait que convaincre un peu plus le fabricant qu'il avait besoin d'obtenir son autonomie (lire HP voudrait se passer de Vista ?). HP a d'ailleurs pris toute la mesure des limitations des plateformes matérielles pures, suite à l'échec de l'iPod qu'elle avait produit sous licence d'Apple, et dont la seule caractéristique différente était… la couleur du boîtier.
Le camouflet est d'ailleurs double, puisqu'il est également question de se passer des processeurs d'Intel dans la Slate (ce qui n'a rien d'étonnant dans la mesure où WebOS fonctionne sur architecture ARM). Les cartes se redistribuent sans cesse dans ce nouveau marché, et avec Palm, HP s'est offert les clés de son indépendance et de son autonomie, et fait dorénavant partie du club très fermé des constructeurs qui disposent de leur propre système d'exploitation. À ce titre, elle est désormais très bien placée pour pouvoir concurrencer Apple sur son propre terrain pied à pied, avec les mêmes arguments.
Comme le soulignait Steve Jobs lui-même, nous sommes entrés dans l'ère du mobile. L'histoire de l'informatique recommence un nouveau cycle : alors qu'aux tout débuts de la micro-informatique, chaque constructeur proposait son propre système d'exploitation, seule Apple a poursuivi ce modèle depuis que Silicon Graphics a mis fin à Irix en 2006. Avec l'avènement des plateformes mobiles, les systèmes d'exploitation sont devenus un enjeu fondamental, où Microsoft a bien du mal à faire valoir son droit d'ainesse. RIM, Apple, Nokia, et jusqu'ici Palm, chacun de ces constructeurs bénéficie de son propre OS, avec en face l'option Android, Windows Mobile, et les autres parfums de Linux pour les autres constructeurs. Une diversité qui détonne face à la micro-informatique où seuls trois systèmes d'exploitation perdurent, et où un seul constructeur dispose de son propre OS. Pour peu que Hewlett-Packard sache faire bon usage de ce nouvel atout, elle pourrait bien prendre une place de choix dans ce nouveau marché. Reste à voir comment la greffe va prendre, la fuite des cerveaux étant un mal récurrent dans ce type d'acquisition, comme Apple en a fait l'amère expérience avec PA Semi (lire Apple : départ de l'ancien PDG de PA Semi ?).