Podcasting, iPod et Éducation ? Le mélange peut prêter à sourire. Que trouve-t-on vraiment derrière ? Qui fait quoi ? Est-ce que ça marche ? Comment utiliser ces outils ? Quels sont les enjeux pour l'Éducation nationale ? Et où en est Apple sur le sujet ?
Après un premier épisode sur l'émergence de la baladodiffusion au sein de l'Éducation nationale (lire : Baladodiffusion : une recette numérique pour l'Éducation nationale), nous vous proposons le deuxième volet de notre série de cinq sur ces questions.
En fait quand on parle de baladodiffusion, il faut voir les différents usages qu'il est possible de réaliser avec des ressources audio ou vidéo. Ce terme sous-tend un usage nomade de ressources multimédia, mais cette définition est plutôt restrictive, car cette technique de diffusion de fichiers permet leur récupération sur tout appareil électronique connecté, mobile ou pas. Dans les faits, les pratiques pédagogiques vont bien au-delà des utilisations nomades supposées. Avant même d'y plonger, partons des usages en mode fixe, sensiblement comparables à ceux qu'ont pu connaître les enseignants depuis l'arrivée des moyens audiovisuels dans les écoles.
À l'attention des lecteurs les plus jeunes qui n'ont pas connu le collège ou le lycée dans les années 70, 80 ou même 90, on rappellera que l'apprentissage des langues se faisait déjà en partie en écoutant (une à plusieurs fois) des enregistrements sonores. Les enseignants les faisaient fonctionner sur des magnétos à bande, des magnétophones à K7 à la qualité sonore variable, ou des lecteurs de CD pourvus d'enceintes. Certes les élèves disposant d'une bonne oreille repéraient les sons de la langue étrangère apprise, mais la pratique ne permettait pas aux élèves moins à l'aise de réaliser cette discrimination auditive. Comme le cours devait se poursuivre, le processus de répétition qui permet la fabrication de l'oreille aux intonations, aux accents, aux rythmes de la langue ne pouvait se faire dans de bonnes conditions. Pour cette raison, et pour des raisons de temps, le système d'évaluation de l'Éducation nationale s'est focalisé sur l'écrit, épreuve reine des langues vivantes, au même titre d'ailleurs que des langues mortes. L'évaluation orale n'était que sporadique.
Mais même à l'écrit, la production des élèves français s'avère pauvre. Résultat le plus tangible de ces pratiques : les Français sont mal positionnés, et se retrouvent en bas de tableaux dans les évaluations internationales, tout autant en compréhension orale, compétences linguistiques, compréhension et expression écrite. Pourtant, des exemples de pratiques permettant d'augmenter très sensiblement les résultats des élèves foisonnent désormais en France.
Le bain linguistique de Thonon
Des hauteurs de Thonon-les-Bains, si vous regardez au nord, le lac Léman s'étale face à vous tandis que les Alpes se dressent dans votre dos. Là, sur la place de Crête s'élèvent l'école et le collège du Sacré-Cœur. Il s'agit d'un établissement privé sous contrat d'association avec l'État qui n'utilise pas de technologies nomades, mais qui s'est emparé de ressources de baladodiffusion. Le collège s'est équipé d'un laboratoire numérique de langues pour accroître l'exposition de ses élèves à une langue authentique et leur permettre de multiplier les occasions de s'exprimer.
La salle de classe utilisée est équipée de 32 ordinateurs sur lesquels a été installé KallyLang, un logiciel de laboratoire de langues entièrement numérique, qui permet à l'enseignant de distribuer des exercices, de les collecter, de superviser le travail de chacun et d'intervenir à distance en cas de demande d'aide ou pour remettre des élèves au travail. « La distribution des exercices et la récupération des productions de nos élèves sont aussi simples qu'une distribution ou une collecte de copie en classe », sourit Emily Yon, l'une des enseignantes d'anglais qui utilise le laboratoire avec ses élèves de quatrième. « Toutes les ressources que j'utilise sont distribuées automatiquement aux postes élèves et me reviennent classées quand les élèves ont fini. C'est vraiment simple à utiliser. »
Et la baladodiffusion dans tout cela ? Dans le cas du collège du Sacré-Cœur, il s'agit d'une utilisation statique sur les iMac du collège qui permet aux élèves d'être confrontés à la langue qu'ils apprennent. « Heureusement, il y a de nombreuses ressources sur Internet et de plus en plus de contenus numérisés », constate Emily Yon. Les exercices disponibles au travers de KallyLang peuvent être basés sur des textes, des images, des sons ou de la vidéo. L'une des possibilités d'exercice de compréhension orale consiste justement à diffuser un podcast audio ou vidéo aux élèves afin qu'ils en comprennent le sens et remplissent une fiche de compréhension ou qu'ils expliquent l'ensemble des thématiques abordées dans le fichier. « Au début de l'année scolaire 2009, il n'était possible de leur faire réaliser qu'un exercice de compréhension par heure de labo », se remémore Viviana Michaux, le professeur d'espagnol. « Les élèves peinaient à comprendre. Il leur fallait du temps. En fin d'année, on enchaîne les exercices très rapidement. Il y a eu un net progrès de l'ensemble de la classe. »
Groupes de niveaux à "La Réole Valley"
Même façon de faire de l'autre côté de la France à La Réole, en Gironde. Madame Marie-Anne Roux, enseignante d'espagnol au collège Paul Esquinance va toutefois un peu plus loin. Elle utilise trois dispositifs différents pour diviser sa classe par groupes de niveaux. Les bons élèves se retrouvent en fond de classe et étudient un podcast vidéo sur des iPod. Un second groupe d'élèves travaille par deux sur des iMac à étudier le même document. Enfin les élèves nécessitant plus d'attention et d'aide travaillent l'exercice en visualisant le fichier vidéo sur le tableau blanc interactif (TBI) de la classe avec l'enseignante. « Aujourd'hui, il s'agit d'une vidéo de présentation de soi que j'ai trouvée sur le site d'une université américaine. C'est un document libre de droits qu'il est possible de réutiliser et qui est destiné à l'origine à des adultes. Mais il correspond exactement à ce que je veux faire apprendre à mes élèves. »
Pour Marie-Anne Roux, le travail de préparation a été important : découvrir les ressources collant à ses objectifs pédagogiques n'est pas une mince affaire. Hormis la section gratuite de podcasts dans iTunes (et notamment les podcasts disponibles dans les parties internationales du magasin en ligne), il n'existe pas de plate-forme qui centralise des ressources pédagogiques. Les enseignants auraient avantage à disposer d'une plate-forme construite par disciplines, par niveaux, par séquences pédagogiques, par thématiques et qui leur permette de préparer leurs cours sans avoir à perdre un temps fou à fouiller le Web. Pour le moment, l'outil n'existe pas et la baladodiffusion ne concerne donc que ceux qui disposent de suffisamment de courage pour réaliser un incessant travail de veille, de recherche et d'évaluation des fichiers qu'ils vont chiner sur Internet.
Marie-Anne Roux fait partie de cette frange (de plus en plus large) d'enseignants qui ont compris quel parti tirer des nouvelles technologies. « Avec le même fichier vidéo, je remplis les objectifs que je me suis fixés. Les iPod permettent une activité individuelle des élèves : ils remplissent seuls la fiche de compréhension qui accompagne le document. Les iMac permettent de faire travailler des élèves en collaboration. L'exercice d'aujourd'hui nécessite d'eux qu'ils transcrivent la vidéo et qu'ils s'entraident. L'utilisation conjointe de ces dispositifs et du TBI me permet de disposer de plus de temps pour le reste des élèves et augmente sensiblement l'exposition de mes élèves à l'Espagnol. »
Dans la foulée du projet Audio Nom@de (lire : Baladodiffusion : une recette numérique pour l'Éducation nationale), de nombreux projets ont peu à peu vu le jour en France, cherchant à s'appuyer sur les baladeurs MP3 et la baladodiffusion pour libérer les langues. L'un des projets les plus notables a été entrepris dès 2005 dans l'académie de Dijon et a été porté par une enseignante d'anglais, Annie Gwynn. E@R pour « Écoute @utonome répétée » s'est appuyé sur la distribution de clés USB disposant d'un enregistreur intégré, à des élèves de la Seconde à la Terminale, pour leur faire travailler l'écoute et la production orale en classe, mais aussi à la maison.
Ce type d'approche se retrouve un peu partout en France. Ce sont les professeurs d'anglais et d'espagnol qui paraissent les plus impliqués, même si cette remarque ne s'appuie sur aucune statistique. On trouve des utilisations de baladeurs MP3 et d'iPod des écoles primaires jusqu'au supérieur, certaines universités s'étant même équipées de moyens automatisés de production de podcasts des cours dispensés dans leurs amphithéâtres.
« L'utilisation de l'iPod désinhibe nos élèves », soulignent en chœur les enseignants utilisateurs. « Le fait de pouvoir l'utiliser à discrétion, en dehors de l'enceinte scolaire pour s'enregistrer permet d'éviter les moqueries, la timidité ou la honte de son accent devant les petits camarades de la classe. Les productions s'en ressentent, car les élèves se réenregistrent tant qu'ils trouvent que leur diction ne correspond pas à leur attente. L'iPod se présente en réalité comme un petit laboratoire de langue portatif. Au-delà, on note aussi une amélioration des performances à l'écrit, à mesure que les élèves s'améliorent à l'oral. Il faut dire que la possibilité de lire des textes sur l'écran du baladeur est une aide précieuse. »
Certains enseignants n'en sont pas restés là : puisque la baladodiffusion permet d'améliorer la compréhension et l'expression orale ainsi que la compréhension et l'expression écrite, ils se sont demandé s'ils obtiendraient des résultats en langue française.
C'est le cas d'Annie Girard, enseignante dans la petite école d'Orthevielle, un village situé au carrefour des Landes et du Pays Basque. La maîtresse a d'abord utilisé la baladodiffusion pour faire réaliser une vidéo de quelques minutes à ses élèves de CM1 et CM2 qu'elle distribuait en ligne sur le site de l'école. Les « Bonnes Nouvelles du Journal Télévisuel » lui ont permis de démontrer que l'acquisition du langage à l'oral comme à l'écrit était facilitée par l'utilisation de cette technologie.
Dans la pratique, les élèves doivent suivre le journal télévisé à la maison et relever les bonnes nouvelles qui y sont diffusées. Ils rédigent à leur manière ces informations et se chargent de les présenter le jeudi matin, à l'occasion d'un tournage d'une quarantaine de minutes. Les résultats sont spectaculaires : au fil des semaines, les élèves apprennent à se tenir face à la caméra, améliorent leur élocution, réalisent leur autocritique, se perfectionnent… Et les "BN du JT" ont une audience internationale, qui fait mesurer aux petits Français la nécessité de la maîtrise de leur langue.
Annie Girard ne s'est pas arrêtée là. Aidée de son mari Patrice, lui aussi enseignant, ils ont mis au point une méthode d'apprentissage de la lecture s'appuyant sur l'iPod et à destination des enfants des gens du voyage dont les retombées démontrent clairement un énorme potentiel.
En laissant les enfants enregistrer des histoires sur des iPod le soir chez eux, et en leur demandant de partager ces enregistrements le lendemain en classe, elle a découvert une manière de les impliquer dans l'apprentissage de la lecture. « Les enfants apportent l'iPod à la maison un soir par semaine pour enregistrer leur lecture et pour la faire partager ensuite aux autres le lendemain matin. On écoute l'enregistrement, cela leur évite de buter sur les mots. Ils s'enregistrent autant de fois qu'ils le veulent. Cela donne de grands moments d'émotion et de partage en classe, comme cette fois où la lecture d'un des élèves était accompagnée d'un air de guitare que jouait son papa. L'impact sur les autres enfants en difficulté de la classe a été très bénéfique. »
Pour les enseignants déjà impliqués dans l'usage de la baladodiffusion, les résultats sont là. Les élèves prennent de l'assurance, se passionnent pour ce qu'ils font, progressent à leur rythme, et démontrent des habiletés langagières en constante augmentation. Mais pourquoi la baladodiffusion a-t-elle de tels effets ? Ce ne sont pas forcément les mandarins de l'Éducation nationale qui ont la réponse…
Suite à l'épisode 3 : « Une potion gauloise pour combattre les idées fixes ! »
NB : Marc Geoffroy, l'auteur de cet article, est consultant en marketing des nouvelles technologies. Il accompagne des entreprises ou des organisations dans les phases de lancement et d'adoption des nouvelles technologies ou de transformation d'un marché. Marc est également chargé de travaux dirigés à l'Université de Reims. Il a co-écrit iPod Backstage, les coulisses d'un succès mondial (Dunod, 2005) avec Gilles Dounès.
Après un premier épisode sur l'émergence de la baladodiffusion au sein de l'Éducation nationale (lire : Baladodiffusion : une recette numérique pour l'Éducation nationale), nous vous proposons le deuxième volet de notre série de cinq sur ces questions.
En fait quand on parle de baladodiffusion, il faut voir les différents usages qu'il est possible de réaliser avec des ressources audio ou vidéo. Ce terme sous-tend un usage nomade de ressources multimédia, mais cette définition est plutôt restrictive, car cette technique de diffusion de fichiers permet leur récupération sur tout appareil électronique connecté, mobile ou pas. Dans les faits, les pratiques pédagogiques vont bien au-delà des utilisations nomades supposées. Avant même d'y plonger, partons des usages en mode fixe, sensiblement comparables à ceux qu'ont pu connaître les enseignants depuis l'arrivée des moyens audiovisuels dans les écoles.
À l'attention des lecteurs les plus jeunes qui n'ont pas connu le collège ou le lycée dans les années 70, 80 ou même 90, on rappellera que l'apprentissage des langues se faisait déjà en partie en écoutant (une à plusieurs fois) des enregistrements sonores. Les enseignants les faisaient fonctionner sur des magnétos à bande, des magnétophones à K7 à la qualité sonore variable, ou des lecteurs de CD pourvus d'enceintes. Certes les élèves disposant d'une bonne oreille repéraient les sons de la langue étrangère apprise, mais la pratique ne permettait pas aux élèves moins à l'aise de réaliser cette discrimination auditive. Comme le cours devait se poursuivre, le processus de répétition qui permet la fabrication de l'oreille aux intonations, aux accents, aux rythmes de la langue ne pouvait se faire dans de bonnes conditions. Pour cette raison, et pour des raisons de temps, le système d'évaluation de l'Éducation nationale s'est focalisé sur l'écrit, épreuve reine des langues vivantes, au même titre d'ailleurs que des langues mortes. L'évaluation orale n'était que sporadique.
Le laboratoire de langues du collège du Sacré Cœur de Thonon-les-Bains
Mais même à l'écrit, la production des élèves français s'avère pauvre. Résultat le plus tangible de ces pratiques : les Français sont mal positionnés, et se retrouvent en bas de tableaux dans les évaluations internationales, tout autant en compréhension orale, compétences linguistiques, compréhension et expression écrite. Pourtant, des exemples de pratiques permettant d'augmenter très sensiblement les résultats des élèves foisonnent désormais en France.
Le bain linguistique de Thonon
Des hauteurs de Thonon-les-Bains, si vous regardez au nord, le lac Léman s'étale face à vous tandis que les Alpes se dressent dans votre dos. Là, sur la place de Crête s'élèvent l'école et le collège du Sacré-Cœur. Il s'agit d'un établissement privé sous contrat d'association avec l'État qui n'utilise pas de technologies nomades, mais qui s'est emparé de ressources de baladodiffusion. Le collège s'est équipé d'un laboratoire numérique de langues pour accroître l'exposition de ses élèves à une langue authentique et leur permettre de multiplier les occasions de s'exprimer.
Des exercices oraux et écrits sur KallyLang, un laboratoire 100% numérique.
La salle de classe utilisée est équipée de 32 ordinateurs sur lesquels a été installé KallyLang, un logiciel de laboratoire de langues entièrement numérique, qui permet à l'enseignant de distribuer des exercices, de les collecter, de superviser le travail de chacun et d'intervenir à distance en cas de demande d'aide ou pour remettre des élèves au travail. « La distribution des exercices et la récupération des productions de nos élèves sont aussi simples qu'une distribution ou une collecte de copie en classe », sourit Emily Yon, l'une des enseignantes d'anglais qui utilise le laboratoire avec ses élèves de quatrième. « Toutes les ressources que j'utilise sont distribuées automatiquement aux postes élèves et me reviennent classées quand les élèves ont fini. C'est vraiment simple à utiliser. »
Et la baladodiffusion dans tout cela ? Dans le cas du collège du Sacré-Cœur, il s'agit d'une utilisation statique sur les iMac du collège qui permet aux élèves d'être confrontés à la langue qu'ils apprennent. « Heureusement, il y a de nombreuses ressources sur Internet et de plus en plus de contenus numérisés », constate Emily Yon. Les exercices disponibles au travers de KallyLang peuvent être basés sur des textes, des images, des sons ou de la vidéo. L'une des possibilités d'exercice de compréhension orale consiste justement à diffuser un podcast audio ou vidéo aux élèves afin qu'ils en comprennent le sens et remplissent une fiche de compréhension ou qu'ils expliquent l'ensemble des thématiques abordées dans le fichier. « Au début de l'année scolaire 2009, il n'était possible de leur faire réaliser qu'un exercice de compréhension par heure de labo », se remémore Viviana Michaux, le professeur d'espagnol. « Les élèves peinaient à comprendre. Il leur fallait du temps. En fin d'année, on enchaîne les exercices très rapidement. Il y a eu un net progrès de l'ensemble de la classe. »
Groupes de niveaux à "La Réole Valley"
Même façon de faire de l'autre côté de la France à La Réole, en Gironde. Madame Marie-Anne Roux, enseignante d'espagnol au collège Paul Esquinance va toutefois un peu plus loin. Elle utilise trois dispositifs différents pour diviser sa classe par groupes de niveaux. Les bons élèves se retrouvent en fond de classe et étudient un podcast vidéo sur des iPod. Un second groupe d'élèves travaille par deux sur des iMac à étudier le même document. Enfin les élèves nécessitant plus d'attention et d'aide travaillent l'exercice en visualisant le fichier vidéo sur le tableau blanc interactif (TBI) de la classe avec l'enseignante. « Aujourd'hui, il s'agit d'une vidéo de présentation de soi que j'ai trouvée sur le site d'une université américaine. C'est un document libre de droits qu'il est possible de réutiliser et qui est destiné à l'origine à des adultes. Mais il correspond exactement à ce que je veux faire apprendre à mes élèves. »
Pour Marie-Anne Roux, le travail de préparation a été important : découvrir les ressources collant à ses objectifs pédagogiques n'est pas une mince affaire. Hormis la section gratuite de podcasts dans iTunes (et notamment les podcasts disponibles dans les parties internationales du magasin en ligne), il n'existe pas de plate-forme qui centralise des ressources pédagogiques. Les enseignants auraient avantage à disposer d'une plate-forme construite par disciplines, par niveaux, par séquences pédagogiques, par thématiques et qui leur permette de préparer leurs cours sans avoir à perdre un temps fou à fouiller le Web. Pour le moment, l'outil n'existe pas et la baladodiffusion ne concerne donc que ceux qui disposent de suffisamment de courage pour réaliser un incessant travail de veille, de recherche et d'évaluation des fichiers qu'ils vont chiner sur Internet.
Marie-Anne Roux fait partie de cette frange (de plus en plus large) d'enseignants qui ont compris quel parti tirer des nouvelles technologies. « Avec le même fichier vidéo, je remplis les objectifs que je me suis fixés. Les iPod permettent une activité individuelle des élèves : ils remplissent seuls la fiche de compréhension qui accompagne le document. Les iMac permettent de faire travailler des élèves en collaboration. L'exercice d'aujourd'hui nécessite d'eux qu'ils transcrivent la vidéo et qu'ils s'entraident. L'utilisation conjointe de ces dispositifs et du TBI me permet de disposer de plus de temps pour le reste des élèves et augmente sensiblement l'exposition de mes élèves à l'Espagnol. »
Fichiers de baladodiffusion et normes internationales
Le fait d'utiliser des fichiers aux normes et standards internationaux (et non les standards de fait instaurés par l'hégémonie de tel ou tel constructeur sur le marché) garantit leur compatibilité et leur réutilisation. Les formats MP3 (ISO 11172-3) ou MPEG-4 (ISO 14496) sont les exemples types de normes à vocation d'utilisation et de réutilisation. Leur apparition sur le marché date de plus de 20 ans pour l'un et 12 ans pour l'autre. Leur ubiquité sur Internet et le soutien qui leur a été accordé par la plupart des constructeurs, mais aussi par nombre d'organes internationaux, leur assure une certaine pérennité.
Le mode nomade, un levier pour libérer les langues ?Le fait d'utiliser des fichiers aux normes et standards internationaux (et non les standards de fait instaurés par l'hégémonie de tel ou tel constructeur sur le marché) garantit leur compatibilité et leur réutilisation. Les formats MP3 (ISO 11172-3) ou MPEG-4 (ISO 14496) sont les exemples types de normes à vocation d'utilisation et de réutilisation. Leur apparition sur le marché date de plus de 20 ans pour l'un et 12 ans pour l'autre. Leur ubiquité sur Internet et le soutien qui leur a été accordé par la plupart des constructeurs, mais aussi par nombre d'organes internationaux, leur assure une certaine pérennité.
Dans la foulée du projet Audio Nom@de (lire : Baladodiffusion : une recette numérique pour l'Éducation nationale), de nombreux projets ont peu à peu vu le jour en France, cherchant à s'appuyer sur les baladeurs MP3 et la baladodiffusion pour libérer les langues. L'un des projets les plus notables a été entrepris dès 2005 dans l'académie de Dijon et a été porté par une enseignante d'anglais, Annie Gwynn. E@R pour « Écoute @utonome répétée » s'est appuyé sur la distribution de clés USB disposant d'un enregistreur intégré, à des élèves de la Seconde à la Terminale, pour leur faire travailler l'écoute et la production orale en classe, mais aussi à la maison.
Ce type d'approche se retrouve un peu partout en France. Ce sont les professeurs d'anglais et d'espagnol qui paraissent les plus impliqués, même si cette remarque ne s'appuie sur aucune statistique. On trouve des utilisations de baladeurs MP3 et d'iPod des écoles primaires jusqu'au supérieur, certaines universités s'étant même équipées de moyens automatisés de production de podcasts des cours dispensés dans leurs amphithéâtres.
« L'utilisation de l'iPod désinhibe nos élèves », soulignent en chœur les enseignants utilisateurs. « Le fait de pouvoir l'utiliser à discrétion, en dehors de l'enceinte scolaire pour s'enregistrer permet d'éviter les moqueries, la timidité ou la honte de son accent devant les petits camarades de la classe. Les productions s'en ressentent, car les élèves se réenregistrent tant qu'ils trouvent que leur diction ne correspond pas à leur attente. L'iPod se présente en réalité comme un petit laboratoire de langue portatif. Au-delà, on note aussi une amélioration des performances à l'écrit, à mesure que les élèves s'améliorent à l'oral. Il faut dire que la possibilité de lire des textes sur l'écran du baladeur est une aide précieuse. »
Certains enseignants n'en sont pas restés là : puisque la baladodiffusion permet d'améliorer la compréhension et l'expression orale ainsi que la compréhension et l'expression écrite, ils se sont demandé s'ils obtiendraient des résultats en langue française.
C'est le cas d'Annie Girard, enseignante dans la petite école d'Orthevielle, un village situé au carrefour des Landes et du Pays Basque. La maîtresse a d'abord utilisé la baladodiffusion pour faire réaliser une vidéo de quelques minutes à ses élèves de CM1 et CM2 qu'elle distribuait en ligne sur le site de l'école. Les « Bonnes Nouvelles du Journal Télévisuel » lui ont permis de démontrer que l'acquisition du langage à l'oral comme à l'écrit était facilitée par l'utilisation de cette technologie.
Dans la pratique, les élèves doivent suivre le journal télévisé à la maison et relever les bonnes nouvelles qui y sont diffusées. Ils rédigent à leur manière ces informations et se chargent de les présenter le jeudi matin, à l'occasion d'un tournage d'une quarantaine de minutes. Les résultats sont spectaculaires : au fil des semaines, les élèves apprennent à se tenir face à la caméra, améliorent leur élocution, réalisent leur autocritique, se perfectionnent… Et les "BN du JT" ont une audience internationale, qui fait mesurer aux petits Français la nécessité de la maîtrise de leur langue.
Annie Girard ne s'est pas arrêtée là. Aidée de son mari Patrice, lui aussi enseignant, ils ont mis au point une méthode d'apprentissage de la lecture s'appuyant sur l'iPod et à destination des enfants des gens du voyage dont les retombées démontrent clairement un énorme potentiel.
En laissant les enfants enregistrer des histoires sur des iPod le soir chez eux, et en leur demandant de partager ces enregistrements le lendemain en classe, elle a découvert une manière de les impliquer dans l'apprentissage de la lecture. « Les enfants apportent l'iPod à la maison un soir par semaine pour enregistrer leur lecture et pour la faire partager ensuite aux autres le lendemain matin. On écoute l'enregistrement, cela leur évite de buter sur les mots. Ils s'enregistrent autant de fois qu'ils le veulent. Cela donne de grands moments d'émotion et de partage en classe, comme cette fois où la lecture d'un des élèves était accompagnée d'un air de guitare que jouait son papa. L'impact sur les autres enfants en difficulté de la classe a été très bénéfique. »
Pour les enseignants déjà impliqués dans l'usage de la baladodiffusion, les résultats sont là. Les élèves prennent de l'assurance, se passionnent pour ce qu'ils font, progressent à leur rythme, et démontrent des habiletés langagières en constante augmentation. Mais pourquoi la baladodiffusion a-t-elle de tels effets ? Ce ne sont pas forcément les mandarins de l'Éducation nationale qui ont la réponse…
Suite à l'épisode 3 : « Une potion gauloise pour combattre les idées fixes ! »
NB : Marc Geoffroy, l'auteur de cet article, est consultant en marketing des nouvelles technologies. Il accompagne des entreprises ou des organisations dans les phases de lancement et d'adoption des nouvelles technologies ou de transformation d'un marché. Marc est également chargé de travaux dirigés à l'Université de Reims. Il a co-écrit iPod Backstage, les coulisses d'un succès mondial (Dunod, 2005) avec Gilles Dounès.