Podcasting, iPod et Éducation ? Le mélange peut prêter à sourire. Que trouve-t-on vraiment derrière ? Qui fait quoi ? Est-ce que ça marche ? Comment utiliser ces outils ? Quels sont les enjeux pour l'Éducation nationale ? Et où en est Apple sur le sujet ?
Après un premier épisode sur l'émergence de la baladodiffusion (podcasting) au sein de l'Éducation nationale (lire : Baladodiffusion : une recette numérique pour l'Éducation nationale), un deuxième sur les expérimentations de professeurs ambitieux en province (lire : L'école du futur est en province) et un troisième (lire Education : une potion gauloise pour combattre les idées fixes !) voici l'avant-dernier volet de notre série de cinq sur ces questions.
La baladodiffusion touche les langues, mais aussi le français, les mathématiques ou l'histoire. Une multiplicité de pratiques sur un même appareil pour des résultats difficiles à quantifier sans évaluations officielles. Les enseignants la pratiquant, eux, sont conquis.
Malgré les rapports réalisés par la crème des inspecteurs généraux, malgré les missions des élus ou des sociétés de conseil, la France se trouve confrontée, 30 ans après le plan "Informatique pour tous", à un perpétuel aveuglement de certains personnels de l'éducation nationale et des collectivités face aux enjeux de l'utilisation des technologies de l'information dans l'éducation. La baladodiffusion ne fait pas exception à cette règle qui fait s'affronter les partisans de leur utilisation à ceux de méthodes plus classiques.
Mais le pays peut-il se permettre d'hésiter à inciter au déploiement de pratiques qui remettent en selle les élèves et redynamisent les enseignants, alors que l'Éducation nationale représente le premier budget de l'État en 2010, et que l'efficacité de son organisation est loin d'être démontrée (20% d'une classe d'âge -150 000 jeunes, sort du système éducatif sans diplôme) ?
Quand une grande partie des acteurs et des usagers du système éducatif est démotivée et ne trouve pas de sens à ce qu'elle fait, des usages susceptibles de réinsuffler de la passion d'apprendre ne doivent-ils pas être rapidement évalués et déployés ?
Une killer App pour le pays ?
Sur le terrain en tout cas, les enseignants qui ont développé les meilleures pratiques ont bien compris les opportunités, mais aussi, et c'est tout aussi important, les limites de la baladodiffusion. Et ces apports ne se limitent pas au seul apprentissage des langues étrangères. La maîtrise du langage en français bénéficie aussi des apports des méthodologies adoptées et de la technologie déployée. Quelques enseignants du primaire, en maternelle comme à l'école élémentaire, ont déjà constaté les effets bénéfiques sur la progression d'élèves initialement en difficulté.
Les enseignants rencontrés dans le cadre de cette enquête réalisée sur les quatre dernières années sont formels : l'utilisation de la baladodiffusion en classe à l'aide de baladeurs MP3 ou d'iPod, mais aussi à l'aide d'ordinateurs PC ou Mac (L'école du futur est en province), favorise un développement de la compréhension et de l'expression orale. La technologie apporte un cadre d'apprentissage personnalisé aux élèves. “On a moins le stress de parler devant tout le monde comme en pleine classe”, confie Camille une élève de collège. “On sait que si notre accent est mauvais, il n'y a que le prof qui va nous entendre. En plus, grâce aux casques, l'ambiance est plus calme que lorsqu'on parle en classe. Cela permet de mieux travailler, d'améliorer son accent, de progresser à l'oral et de mieux nous évaluer. Et le prof a plus de temps à nous consacrer individuellement”.
La pratique favorise en effet une véritable dédramatisation de l'oral et induit une implication nouvelle des élèves. Une observation empirique depuis le fond de la classe, met en relief les différences d'attitudes. Elles sont palpables : les élèves, même issus de quartiers défavorisés, sont impliqués et enthousiastes, et les enseignants retrouvent un second souffle. La production s'en ressent rapidement, même si la plupart des enseignants décrivent des phases d'accélération et de ralentissement de cet engouement tout au long d'une année scolaire.
Autre avantage révélé, les possibilités de mise en place d'une pédagogie différenciée et individualisée. Chaque élève n'est pas égal devant le savoir, même si l'école de la République veut nous le faire croire. Il s'agit d'ailleurs d'un des plus vieux débats de salle de professeurs qui débouche souvent inévitablement sur la culture, la richesse et la maîtrise du langage dans l'environnement familial. La baladodiffusion ne réglera pas ces différences. Mais sa capacité à se transporter au cœur même de la famille permet de fournir un outil, capable d'améliorer la gestion de l'hétérogénéité de la classe et voit souvent un retour de l'implication des parents dans la scolarité de leur enfant.
La place de la vidéo dans la baladodiffusion est aussi à souligner : elle apporte une dimension pédagogique de facilitation de la compréhension orale que tous les enseignants utilisateurs d'iPod ou de podcasts exploitent. Marie-Anne Roux à La Réole, José Iriarte à Draguignan, Emily Yon à Thonon-les-Bains, et tant d'autres, ont pu constater les avantages de la mise en contexte apportée par l'image animée. “A mesure de l'utilisation de l'iPod en classe et hors classe, les élèves s'imprègnent de la langue vivante et peuvent réaliser des enregistrements nettement meilleurs” relève un des enseignants, qui ne fait que confirmer un phénomène observé par tous. “Ils s'enregistrent jusqu'à tant qu'ils obtiennent une production qui les satisfasse, ce qui a pour effet de renforcer leurs capacités d'expression. Et ces résultats s'obtiennent très vite, en raison de l'exposition répétée, en classe ou à la maison, à la langue apprise.”
Les freins à l'extension de la baladodiffusion
Tous les enseignants utilisateurs en sont d'accord : le principal obstacle se concentre sur la complexité d'identifier ou de dénicher les documents multimédias susceptibles d'être utilisés dans leurs séquences pédagogiques. Les professeurs de langues, de français, voire de latin, qui se sont essayés au podcast s'appuient sur des ressources hétéroclites qui peuvent avoir été découvertes après des heures de recherche, créées par des assistants dans leur langue maternelle ou extraites des manuels fournis par les éditeurs. Pour le latin, il manque toutefois encore des enregistrements d'époque de Cicéron !
La question de l'utilisation de documents multimédias libres de droits se pose alors avec acuité. Les services de certaines académies et du ministère ont réalisé un important travail de défrichage, mais il manque à l'évidence un portail de référence concentrant des documents identifiés, libres de droits, adaptés aux programmes, suivant les niveaux de compétences définis par le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (le CECRL), découpés en séquences, accompagnés de documents, de scripts, d'exemples de scénarios, de pas à pas… et validés par des équipes pédagogiques ainsi que par les utilisateurs.
Le second obstacle majeur concerne la diffusion de ces ressources dans les établissements scolaires. On en revient à la problématique de la mise en place et de l'utilisation de l'ENT (Baladodiffusion : une recette numérique pour l'Éducation nationale) et de son utilisation en coordination avec des iPod, des baladeurs multimédias ou tout autre matériel informatique supportant la baladodiffusion en classe et à la maison. La difficulté est d'autant plus importante, que les compétences se partagent entre Académies et collectivités territoriales.
Le système éducatif français a en effet cette particularité que les ressources pédagogiques sont financées par l'État et ses représentants locaux, tandis que le matériel dépend des collectivités territoriales (Région pour les lycées, département pour les collèges et commune pour les écoles). Cette séparation des compétences a permis à ces différents acteurs de bénéficier de prix dits du "mieux-disant" dans les appels d'offres destinés aux équipements des établissements scolaires. Le corollaire de cette politique est la faiblesse du taux d'utilisation des matériels achetés par la collectivité, le faible développement des usages des technologies en classe, et l'inadéquation des ressources au principal facteur de motivation des élèves et des enseignants, la créativité autour de documents audio, photo, vidéo…
Le dernier obstacle concerne la question de l'acquisition de baladeurs numériques déclencheurs de motivation, de démultiplication des pratiques et de régularité des usages. Malgré les évaluations multiples réalisées par la presse informatique, un véritable comparatif de l'intérêt pédagogique des matériels disponibles sur le marché n'a pas été réalisé. Le baladeur type doit pouvoir donner envie de se l'approprier par les élèves, lire du son, des images animées ou non, présenter les scripts des documents étudiés, lire des podcasts, se synchroniser avec l'ENT de l'établissement sans contrainte, intégrer un microphone, disposer d'un son de qualité, être simple à utiliser… Un vrai mouton à cinq pattes !
Et la toute nouvelle gamme de baladeurs d'Apple ne va pas dans le sens de la baladodiffusion. De quoi se demander si les équipes de Cupertino ont en tête la fabuleuse opportunité que représente le podcasting et les baladeurs numériques dans l'éducation, pourtant mise en avant comme inscrite dans l'ADN de la firme. Ce sera tout l'objet du prochain et dernier volet de cette série : "Baladodiffusion : Apple est-elle en train de louper la mine d'or ?"
Après un premier épisode sur l'émergence de la baladodiffusion (podcasting) au sein de l'Éducation nationale (lire : Baladodiffusion : une recette numérique pour l'Éducation nationale), un deuxième sur les expérimentations de professeurs ambitieux en province (lire : L'école du futur est en province) et un troisième (lire Education : une potion gauloise pour combattre les idées fixes !) voici l'avant-dernier volet de notre série de cinq sur ces questions.
La baladodiffusion touche les langues, mais aussi le français, les mathématiques ou l'histoire. Une multiplicité de pratiques sur un même appareil pour des résultats difficiles à quantifier sans évaluations officielles. Les enseignants la pratiquant, eux, sont conquis.
Malgré les rapports réalisés par la crème des inspecteurs généraux, malgré les missions des élus ou des sociétés de conseil, la France se trouve confrontée, 30 ans après le plan "Informatique pour tous", à un perpétuel aveuglement de certains personnels de l'éducation nationale et des collectivités face aux enjeux de l'utilisation des technologies de l'information dans l'éducation. La baladodiffusion ne fait pas exception à cette règle qui fait s'affronter les partisans de leur utilisation à ceux de méthodes plus classiques.
Mais le pays peut-il se permettre d'hésiter à inciter au déploiement de pratiques qui remettent en selle les élèves et redynamisent les enseignants, alors que l'Éducation nationale représente le premier budget de l'État en 2010, et que l'efficacité de son organisation est loin d'être démontrée (20% d'une classe d'âge -150 000 jeunes, sort du système éducatif sans diplôme) ?
Quand une grande partie des acteurs et des usagers du système éducatif est démotivée et ne trouve pas de sens à ce qu'elle fait, des usages susceptibles de réinsuffler de la passion d'apprendre ne doivent-ils pas être rapidement évalués et déployés ?
Une killer App pour le pays ?
Sur le terrain en tout cas, les enseignants qui ont développé les meilleures pratiques ont bien compris les opportunités, mais aussi, et c'est tout aussi important, les limites de la baladodiffusion. Et ces apports ne se limitent pas au seul apprentissage des langues étrangères. La maîtrise du langage en français bénéficie aussi des apports des méthodologies adoptées et de la technologie déployée. Quelques enseignants du primaire, en maternelle comme à l'école élémentaire, ont déjà constaté les effets bénéfiques sur la progression d'élèves initialement en difficulté.
Les enseignants rencontrés dans le cadre de cette enquête réalisée sur les quatre dernières années sont formels : l'utilisation de la baladodiffusion en classe à l'aide de baladeurs MP3 ou d'iPod, mais aussi à l'aide d'ordinateurs PC ou Mac (L'école du futur est en province), favorise un développement de la compréhension et de l'expression orale. La technologie apporte un cadre d'apprentissage personnalisé aux élèves. “On a moins le stress de parler devant tout le monde comme en pleine classe”, confie Camille une élève de collège. “On sait que si notre accent est mauvais, il n'y a que le prof qui va nous entendre. En plus, grâce aux casques, l'ambiance est plus calme que lorsqu'on parle en classe. Cela permet de mieux travailler, d'améliorer son accent, de progresser à l'oral et de mieux nous évaluer. Et le prof a plus de temps à nous consacrer individuellement”.
La pratique favorise en effet une véritable dédramatisation de l'oral et induit une implication nouvelle des élèves. Une observation empirique depuis le fond de la classe, met en relief les différences d'attitudes. Elles sont palpables : les élèves, même issus de quartiers défavorisés, sont impliqués et enthousiastes, et les enseignants retrouvent un second souffle. La production s'en ressent rapidement, même si la plupart des enseignants décrivent des phases d'accélération et de ralentissement de cet engouement tout au long d'une année scolaire.
Autre avantage révélé, les possibilités de mise en place d'une pédagogie différenciée et individualisée. Chaque élève n'est pas égal devant le savoir, même si l'école de la République veut nous le faire croire. Il s'agit d'ailleurs d'un des plus vieux débats de salle de professeurs qui débouche souvent inévitablement sur la culture, la richesse et la maîtrise du langage dans l'environnement familial. La baladodiffusion ne réglera pas ces différences. Mais sa capacité à se transporter au cœur même de la famille permet de fournir un outil, capable d'améliorer la gestion de l'hétérogénéité de la classe et voit souvent un retour de l'implication des parents dans la scolarité de leur enfant.
La place de la vidéo dans la baladodiffusion est aussi à souligner : elle apporte une dimension pédagogique de facilitation de la compréhension orale que tous les enseignants utilisateurs d'iPod ou de podcasts exploitent. Marie-Anne Roux à La Réole, José Iriarte à Draguignan, Emily Yon à Thonon-les-Bains, et tant d'autres, ont pu constater les avantages de la mise en contexte apportée par l'image animée. “A mesure de l'utilisation de l'iPod en classe et hors classe, les élèves s'imprègnent de la langue vivante et peuvent réaliser des enregistrements nettement meilleurs” relève un des enseignants, qui ne fait que confirmer un phénomène observé par tous. “Ils s'enregistrent jusqu'à tant qu'ils obtiennent une production qui les satisfasse, ce qui a pour effet de renforcer leurs capacités d'expression. Et ces résultats s'obtiennent très vite, en raison de l'exposition répétée, en classe ou à la maison, à la langue apprise.”
Les freins à l'extension de la baladodiffusion
Tous les enseignants utilisateurs en sont d'accord : le principal obstacle se concentre sur la complexité d'identifier ou de dénicher les documents multimédias susceptibles d'être utilisés dans leurs séquences pédagogiques. Les professeurs de langues, de français, voire de latin, qui se sont essayés au podcast s'appuient sur des ressources hétéroclites qui peuvent avoir été découvertes après des heures de recherche, créées par des assistants dans leur langue maternelle ou extraites des manuels fournis par les éditeurs. Pour le latin, il manque toutefois encore des enregistrements d'époque de Cicéron !
La question de l'utilisation de documents multimédias libres de droits se pose alors avec acuité. Les services de certaines académies et du ministère ont réalisé un important travail de défrichage, mais il manque à l'évidence un portail de référence concentrant des documents identifiés, libres de droits, adaptés aux programmes, suivant les niveaux de compétences définis par le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (le CECRL), découpés en séquences, accompagnés de documents, de scripts, d'exemples de scénarios, de pas à pas… et validés par des équipes pédagogiques ainsi que par les utilisateurs.
Le second obstacle majeur concerne la diffusion de ces ressources dans les établissements scolaires. On en revient à la problématique de la mise en place et de l'utilisation de l'ENT (Baladodiffusion : une recette numérique pour l'Éducation nationale) et de son utilisation en coordination avec des iPod, des baladeurs multimédias ou tout autre matériel informatique supportant la baladodiffusion en classe et à la maison. La difficulté est d'autant plus importante, que les compétences se partagent entre Académies et collectivités territoriales.
Le système éducatif français a en effet cette particularité que les ressources pédagogiques sont financées par l'État et ses représentants locaux, tandis que le matériel dépend des collectivités territoriales (Région pour les lycées, département pour les collèges et commune pour les écoles). Cette séparation des compétences a permis à ces différents acteurs de bénéficier de prix dits du "mieux-disant" dans les appels d'offres destinés aux équipements des établissements scolaires. Le corollaire de cette politique est la faiblesse du taux d'utilisation des matériels achetés par la collectivité, le faible développement des usages des technologies en classe, et l'inadéquation des ressources au principal facteur de motivation des élèves et des enseignants, la créativité autour de documents audio, photo, vidéo…
Le dernier obstacle concerne la question de l'acquisition de baladeurs numériques déclencheurs de motivation, de démultiplication des pratiques et de régularité des usages. Malgré les évaluations multiples réalisées par la presse informatique, un véritable comparatif de l'intérêt pédagogique des matériels disponibles sur le marché n'a pas été réalisé. Le baladeur type doit pouvoir donner envie de se l'approprier par les élèves, lire du son, des images animées ou non, présenter les scripts des documents étudiés, lire des podcasts, se synchroniser avec l'ENT de l'établissement sans contrainte, intégrer un microphone, disposer d'un son de qualité, être simple à utiliser… Un vrai mouton à cinq pattes !
Et la toute nouvelle gamme de baladeurs d'Apple ne va pas dans le sens de la baladodiffusion. De quoi se demander si les équipes de Cupertino ont en tête la fabuleuse opportunité que représente le podcasting et les baladeurs numériques dans l'éducation, pourtant mise en avant comme inscrite dans l'ADN de la firme. Ce sera tout l'objet du prochain et dernier volet de cette série : "Baladodiffusion : Apple est-elle en train de louper la mine d'or ?"