Au début du mois de juin, Steve Perlman, PDG d'OnLive, a donné une allocution à la Columbia School of Engineering and Applied Science, durant laquelle il a dévoilé une véritable petite bombe, qui pourrait bien remettre en question une loi de la physique qu'on tenait pour acquise depuis 1949, et préfigurer d'une révolution dans les communications sans fil, voire au-delà.
Lors de sa présentation à la Game Developer Conference de 2009, OnLive avait fait couler beaucoup d'encre, et suscité l'incrédulité de bien des commentateurs. La société a mis sur le marché le premier service de jeux vidéo "dans le cloud" : les images sont calculées par ses serveurs en temps réel, et "streamées" par Internet sur votre écran en quelques millièmes de seconde, tant et si bien qu'on pourrait croire que le jeu tourne en local.
Les avantages sont nombreux et indéniables : plus de temps de téléchargement, plus besoin de matériel à la pointe de la technologie, l'accès à de nombreux jeux qui ne sont pas disponibles sur Mac par ailleurs, un pack de 60 jeux en location pour 10 $ par mois, le partage instantané de vos exploits en vidéo (accessoirement la fin du piratage et du marché de l'occasion pour les éditeurs), etc. L'arrivée d'OnLive n'est d'ailleurs sûrement pas étrangère à celle de Steam sur Mac, le service de Valve a en effet intégré depuis nombre de fonctionnalités qui reproduisent celles d'OnLive, le streaming en moins.
"Ça ne marchera jamais", ont dit les cassandres, et pourtant, le service fonctionne depuis maintenant un an outre-Atlantique, et bien qu'il soit donné à n'importe qui de vérifier par lui-même la validité du principe (tous les jeux sont proposés en démonstration gratuite pendant 30 minutes), certains sont depuis restés obstinément sur cet avis : OnLive viole les lois de la physique. Lorsque nous avions publié notre premier article au sujet d'OnLive, certains de nos lecteurs affichaient d'ailleurs un scepticisme goguenard : les faits leur ont donné tort.
Certes, l'expérience dépendra de la qualité de votre connexion à internet et de la distance aux serveurs d'OnLive (jusqu'à 1600 Km) et non plus de la puissance de votre machine. Le service est accessible depuis la France, bien qu'il ne soit pas pour l'heure ouvert officiellement (OnLive a lancé un bêta test pour la Belgique, le Luxembourg et le Royaume-Uni, et nécessite des accords de routage avec les fournisseurs d'accès pour être optimal), en conséquence, ceux qui ont testé le service depuis la France rapportent de grandes disparités dans le résultat en fonction des cas (à noter que la latence de votre connexion compte plus que la bande passante). Mais indéniablement, lorsque les conditions sont réunies, OnLive fonctionne parfaitement, en dépit des dénégations théoriques qui lui sont opposées. Depuis un an, 24 heures sur 24, des millions de joueurs utilisent un service que d'autres persistent à considérer comme une pure fantaisie.
Il faut dire que Steve Perlman n'est pas le premier venu : de 1985 à 1990, il travailla chez Apple sur la création de QuickTime, qui lança l'industrie de la vidéo numérique. Parmi les autres réalisations notables de Perlman, également évoquées durant la conférence à Columbia SEAS, la fondation de la société Mova, qui a mis au point une technologie de motion capture ultraréaliste pour le visage, permettant à Hollywood de sortir de la "vallée dérangeante", la réaction de dégoût que peuvent nous inspirer les créatures humanoïdes très réalistes (du robot à l'image de synthèse), mais pas encore assez pour totalement nous leurrer. Le premier film à tirer parti de cette avancée fut L'étrange histoire de Benjamin Button, depuis rejoint par un nombre croissant d'autres œuvres.
Mova, comme OnLive, a nécessité des années de recherche et de travail acharné avant de donner ses premiers résultats, les deux sociétés se frottant à des problèmes qu'on tenait pour insolubles. Ces deux initiatives ont pu être financées par une autre société fondée par Perlman, Rearden. Ce fonds d'investissement a remis au goût du jour le capital-risque dans ce qu'il avait autrefois de plus noble : l'investissement dans des projets audacieux dont les retombées ne peuvent être envisagées qu'à long terme, mais dans le cas où ils fonctionnent le retour sur investissement est à la hauteur de la patience qu'ils nécessitent. Perlman déplore en effet que cette méthode, qui a pourtant tant réussi aux sociétés de la Silicon Valley il y a trente ans, dont Apple n'est pas des moindres, se soit effacée au profit des investissements à court terme.
Et c'est précisément par le financement de Rearden que Perlman a pu mettre sur pied une véritable révolution technologique.
Une petite histoire de spectre
Commençons par nous pencher sur l'objet du délit : pour faire simple, la loi dynamique de Shannon détaille comment utiliser un canal de transmission à son maximum. Ce qui implique qu'il existe un seuil indépassable de données et de destinataires pour un mode de transmission donné. Ainsi, cette loi a-t-elle inscrit dans le marbre la raison pour laquelle les téléphones portables saturent facilement lorsque la densité d'utilisateurs dépasse un certain seuil. Ce qui explique que les mégalopoles ou les rassemblements massifs se transforment en zones blanches : il y a trop d'utilisateurs pour un seul et même canal d'ondes radio (nous avions déjà évoqué un autre théorème auquel Claude Shannon, le "père de la théorie de l'information", a donné son nom, dans notre une Le son numérique : hertz, bits, et toute cette sorte de choses). La portée de cette loi va évidemment bien au-delà des seules télécommunications sans fil, mais c'est bien dans ce domaine qu'elle se fait sentir de plus en plus.
Ce problème récurrent devient très ardu pour les opérateurs de téléphonie mobile, qui doivent en outre concilier des composantes contradictoires : augmenter leur équipement dans les zones à forte densité (ironiquement déjà largement fournies en couverture de service qui plus est), tout en faisant face à une grogne de plus en plus résistante à la multiplication des antennes téléphoniques. Et ça n'est pas la récente classification du téléphone mobile comme potentiellement dangereux par l'OMS qui va arranger les choses (bien que ces craintes soient scientifiquement totalement infondées).
Faute de quoi, ces zones, si bien couvertes soient-elles, ne sont plus en mesure de fournir le moindre service aux habitants. Et le problème ne va qu'en augmentant, avec la multiplication des téléphones, mais également de la consommation en bande passante provoquée par l'arrivée des smartphones. Mais la loi de Shannon a parlé, il n'y a pas de recours en dehors de la multiplication des antennes, auxquelles habitants comme opérateurs doivent se résoudre s'ils veulent continuer à tirer profit des bienfaits de la technologie moderne.
C'est là que Steve Perlman dévoile ce qui pourrait bien faire l'effet d'un tremblement de terre : Shannon avait bien apporté la bonne réponse, mais pas à la bonne question. Selon lui, ses équipes ont trouvé le moyen de s'affranchir de ce qu'on tenait jusqu'ici pour des limites indépassables de la physique. Et il ne s'agit pas là d'une découverte purement théorique, puisque l'homme affirme que la découverte a déjà été mise en expérimentation et que les premiers résultats, bien qu'encore très timides, n'en ont pas moins de quoi laisser pantois : selon lui, les installations expérimentales de Rearden fonctionnent d'ores et déjà à dix fois la limite Shannon. Mieux encore, Perlman déclare qu'il est persuadé que sa technologie peut dépasser 100 fois cette limite, et a même bon espoir d'aller jusqu'à 1000 fois !
Mais la prouesse ne s'arrête pas là, puisque la latence constatée effectivement se réduit à 1 milliseconde à quelques kilomètres, et 2 millisecondes à une cinquantaine de kilomètres, soit au-delà de la limite fixée par la courbure de la terre, ou de la portée des antennes de télévision. Perlman indique que ses équipes estiment que le procédé pourrait fonctionner jusqu'à 400 km de distance. Comme si cela ne suffisait pas, les antennes radio qui ont été mises au point pour cette technologie sont bien moins complexes que les antennes GSM, et donc bien moins coûteuses.
En somme, 20 ans après le premier appel GSM, l'invention de Rearden serait aux ondes radio ce que la fibre optique est au fil de cuivre. Soulignons également que s'il n'est pas rare que les théories scientifiques soient remises en question, en revanche ce que l'on tient pour loi résiste autrement plus à l'épreuve des faits. Cette technologie, si elle est avérée, serait donc une véritable révolution, d'autant qu'elle est susceptible de s'appliquer à toutes les ondes électromagnétiques, dont l'utilisation va de la médecine jusqu'à l'astronomie. Trop beau pour être vrai ? Comme lors de l'annonce d'OnLive, les commentaires sceptiques ont fleuri sur la toile. Mais Perlman a déjà fait ses preuves en matière de prouesse, et a démontré qu'il fallait le prendre très au sérieux. Si ces allégations s'avéraient infondées, il aurait beaucoup à y perdre : en tout état de cause, ses réussites impressionnantes ont démontré qu'au moins jusqu'ici, nous n'avions pas affaire à un charlatan.
Lors de sa présentation à la Game Developer Conference de 2009, OnLive avait fait couler beaucoup d'encre, et suscité l'incrédulité de bien des commentateurs. La société a mis sur le marché le premier service de jeux vidéo "dans le cloud" : les images sont calculées par ses serveurs en temps réel, et "streamées" par Internet sur votre écran en quelques millièmes de seconde, tant et si bien qu'on pourrait croire que le jeu tourne en local.
Les avantages sont nombreux et indéniables : plus de temps de téléchargement, plus besoin de matériel à la pointe de la technologie, l'accès à de nombreux jeux qui ne sont pas disponibles sur Mac par ailleurs, un pack de 60 jeux en location pour 10 $ par mois, le partage instantané de vos exploits en vidéo (accessoirement la fin du piratage et du marché de l'occasion pour les éditeurs), etc. L'arrivée d'OnLive n'est d'ailleurs sûrement pas étrangère à celle de Steam sur Mac, le service de Valve a en effet intégré depuis nombre de fonctionnalités qui reproduisent celles d'OnLive, le streaming en moins.
"Ça ne marchera jamais", ont dit les cassandres, et pourtant, le service fonctionne depuis maintenant un an outre-Atlantique, et bien qu'il soit donné à n'importe qui de vérifier par lui-même la validité du principe (tous les jeux sont proposés en démonstration gratuite pendant 30 minutes), certains sont depuis restés obstinément sur cet avis : OnLive viole les lois de la physique. Lorsque nous avions publié notre premier article au sujet d'OnLive, certains de nos lecteurs affichaient d'ailleurs un scepticisme goguenard : les faits leur ont donné tort.
Certes, l'expérience dépendra de la qualité de votre connexion à internet et de la distance aux serveurs d'OnLive (jusqu'à 1600 Km) et non plus de la puissance de votre machine. Le service est accessible depuis la France, bien qu'il ne soit pas pour l'heure ouvert officiellement (OnLive a lancé un bêta test pour la Belgique, le Luxembourg et le Royaume-Uni, et nécessite des accords de routage avec les fournisseurs d'accès pour être optimal), en conséquence, ceux qui ont testé le service depuis la France rapportent de grandes disparités dans le résultat en fonction des cas (à noter que la latence de votre connexion compte plus que la bande passante). Mais indéniablement, lorsque les conditions sont réunies, OnLive fonctionne parfaitement, en dépit des dénégations théoriques qui lui sont opposées. Depuis un an, 24 heures sur 24, des millions de joueurs utilisent un service que d'autres persistent à considérer comme une pure fantaisie.
Il faut dire que Steve Perlman n'est pas le premier venu : de 1985 à 1990, il travailla chez Apple sur la création de QuickTime, qui lança l'industrie de la vidéo numérique. Parmi les autres réalisations notables de Perlman, également évoquées durant la conférence à Columbia SEAS, la fondation de la société Mova, qui a mis au point une technologie de motion capture ultraréaliste pour le visage, permettant à Hollywood de sortir de la "vallée dérangeante", la réaction de dégoût que peuvent nous inspirer les créatures humanoïdes très réalistes (du robot à l'image de synthèse), mais pas encore assez pour totalement nous leurrer. Le premier film à tirer parti de cette avancée fut L'étrange histoire de Benjamin Button, depuis rejoint par un nombre croissant d'autres œuvres.
Mova, comme OnLive, a nécessité des années de recherche et de travail acharné avant de donner ses premiers résultats, les deux sociétés se frottant à des problèmes qu'on tenait pour insolubles. Ces deux initiatives ont pu être financées par une autre société fondée par Perlman, Rearden. Ce fonds d'investissement a remis au goût du jour le capital-risque dans ce qu'il avait autrefois de plus noble : l'investissement dans des projets audacieux dont les retombées ne peuvent être envisagées qu'à long terme, mais dans le cas où ils fonctionnent le retour sur investissement est à la hauteur de la patience qu'ils nécessitent. Perlman déplore en effet que cette méthode, qui a pourtant tant réussi aux sociétés de la Silicon Valley il y a trente ans, dont Apple n'est pas des moindres, se soit effacée au profit des investissements à court terme.
Cette vidéo a été entièrement calculée par ordinateur, et préfigure des jeux tels qu'ils pourront être calculés en temps réel sur les serveurs d'OnLive
Et c'est précisément par le financement de Rearden que Perlman a pu mettre sur pied une véritable révolution technologique.
Une petite histoire de spectre
Commençons par nous pencher sur l'objet du délit : pour faire simple, la loi dynamique de Shannon détaille comment utiliser un canal de transmission à son maximum. Ce qui implique qu'il existe un seuil indépassable de données et de destinataires pour un mode de transmission donné. Ainsi, cette loi a-t-elle inscrit dans le marbre la raison pour laquelle les téléphones portables saturent facilement lorsque la densité d'utilisateurs dépasse un certain seuil. Ce qui explique que les mégalopoles ou les rassemblements massifs se transforment en zones blanches : il y a trop d'utilisateurs pour un seul et même canal d'ondes radio (nous avions déjà évoqué un autre théorème auquel Claude Shannon, le "père de la théorie de l'information", a donné son nom, dans notre une Le son numérique : hertz, bits, et toute cette sorte de choses). La portée de cette loi va évidemment bien au-delà des seules télécommunications sans fil, mais c'est bien dans ce domaine qu'elle se fait sentir de plus en plus.
Ce problème récurrent devient très ardu pour les opérateurs de téléphonie mobile, qui doivent en outre concilier des composantes contradictoires : augmenter leur équipement dans les zones à forte densité (ironiquement déjà largement fournies en couverture de service qui plus est), tout en faisant face à une grogne de plus en plus résistante à la multiplication des antennes téléphoniques. Et ça n'est pas la récente classification du téléphone mobile comme potentiellement dangereux par l'OMS qui va arranger les choses (bien que ces craintes soient scientifiquement totalement infondées).
Faute de quoi, ces zones, si bien couvertes soient-elles, ne sont plus en mesure de fournir le moindre service aux habitants. Et le problème ne va qu'en augmentant, avec la multiplication des téléphones, mais également de la consommation en bande passante provoquée par l'arrivée des smartphones. Mais la loi de Shannon a parlé, il n'y a pas de recours en dehors de la multiplication des antennes, auxquelles habitants comme opérateurs doivent se résoudre s'ils veulent continuer à tirer profit des bienfaits de la technologie moderne.
C'est là que Steve Perlman dévoile ce qui pourrait bien faire l'effet d'un tremblement de terre : Shannon avait bien apporté la bonne réponse, mais pas à la bonne question. Selon lui, ses équipes ont trouvé le moyen de s'affranchir de ce qu'on tenait jusqu'ici pour des limites indépassables de la physique. Et il ne s'agit pas là d'une découverte purement théorique, puisque l'homme affirme que la découverte a déjà été mise en expérimentation et que les premiers résultats, bien qu'encore très timides, n'en ont pas moins de quoi laisser pantois : selon lui, les installations expérimentales de Rearden fonctionnent d'ores et déjà à dix fois la limite Shannon. Mieux encore, Perlman déclare qu'il est persuadé que sa technologie peut dépasser 100 fois cette limite, et a même bon espoir d'aller jusqu'à 1000 fois !
Mais la prouesse ne s'arrête pas là, puisque la latence constatée effectivement se réduit à 1 milliseconde à quelques kilomètres, et 2 millisecondes à une cinquantaine de kilomètres, soit au-delà de la limite fixée par la courbure de la terre, ou de la portée des antennes de télévision. Perlman indique que ses équipes estiment que le procédé pourrait fonctionner jusqu'à 400 km de distance. Comme si cela ne suffisait pas, les antennes radio qui ont été mises au point pour cette technologie sont bien moins complexes que les antennes GSM, et donc bien moins coûteuses.
En somme, 20 ans après le premier appel GSM, l'invention de Rearden serait aux ondes radio ce que la fibre optique est au fil de cuivre. Soulignons également que s'il n'est pas rare que les théories scientifiques soient remises en question, en revanche ce que l'on tient pour loi résiste autrement plus à l'épreuve des faits. Cette technologie, si elle est avérée, serait donc une véritable révolution, d'autant qu'elle est susceptible de s'appliquer à toutes les ondes électromagnétiques, dont l'utilisation va de la médecine jusqu'à l'astronomie. Trop beau pour être vrai ? Comme lors de l'annonce d'OnLive, les commentaires sceptiques ont fleuri sur la toile. Mais Perlman a déjà fait ses preuves en matière de prouesse, et a démontré qu'il fallait le prendre très au sérieux. Si ces allégations s'avéraient infondées, il aurait beaucoup à y perdre : en tout état de cause, ses réussites impressionnantes ont démontré qu'au moins jusqu'ici, nous n'avions pas affaire à un charlatan.