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Post-PC : quand la maîtrise du hardware change tout

Arnaud de la Grandière

lundi 17 octobre 2011 à 12:36 • 156

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Il n'y a que 512 tout petits mégas de RAM dans un iPad ou un iPhone 4S. Simple mesquinerie d'Apple ? Non! Maîtrise rigoureuse de la consommation de ses appareils. Et le calcul s'avère largement payant.

Un billet publié sur le blog de Steven Sinofsky, responsable du développement de Windows 8 chez Microsoft, souligne le caractère stratégique de la RAM dans les appareils mobiles :

« Une chose qui pourrait ne pas être évidente, c'est que la réduction de l'utilisation de la mémoire sur des plateformes à faible consommation peut prolonger leur autonomie. Pardon ? Dans n'importe quel PC, la RAM consomme de l'électricité en permanence. Si un OS utilise beaucoup de mémoire, il peut forcer les fabricants d'appareils à leur inclure plus de RAM physique. Plus vous avez de RAM sur la carte mère, plus elle consommera d'énergie, et moins vous aurez d'autonomie. Le fait d'avoir de la RAM additionnelle dans une tablette peut, dans certaines circonstances, ôter des jours entiers de la durée suivant laquelle votre tablette pourra rester sur votre table basse, apparemment éteinte, mais demeurant à jour et prête à l'emploi »

De fait, ces propos éclairent d'une nouvelle lumière le peu de RAM dont l'iPad a toujours été affublé : 256 Mo dans sa première mouture, le double dans l'iPad 2. Un montant indigent pour Windows, et Mac OS X dont une version expurgée anime pourtant la tablette d'Apple.

Si la mémoire vive de l'iPad, de type LPDDR2, est spécifiquement taillée pour les usages mobiles et la consommation la plus faible qui soit (1,2 V), il n'en reste pas moins que c'est le seul composant dont on ne peut couper l'alimentation à aucun moment, car cela aurait pour effet de la vider instantanément et de devoir redémarrer complètement l'appareil au lieu de le maintenir en veille. En somme, la RAM est à la consommation des tablettes ce que la fuite d"eau est à votre tuyauterie : ce ne sont que quelques gouttes, mais sur la durée cela peut représenter une facture astronomique.

Précisément, les plateformes mobiles doivent faire face à l'épineux problème de poursuivre la course à la puissance tout en conservant une consommation raisonnable pour tenir le plus longtemps possible, deux données parfaitement antinomiques. Le moindre watt doit donc être économisé coûte que coûte, et la réponse d'Apple à ce problème démontre les avantages indéniable de sa position. Du fait même de la taille des smartphones et des tablettes, il est impossible d'y intégrer des batteries dignes de celles des ordinateurs portables, c'est donc sur la consommation même des composants et du système qu'il faut œuvrer.

Le multitâche est une illustration de cette problématique : si vous permettez à l'utilisateur d'ouvrir plusieurs applications simultanément, cela ne fera qu'augmenter les besoins en mémoire vive de l'appareil, et donc réduira son autonomie, d'autant plus que chaque application ouverte requiert une partie des cycles du processeur. Sachant qu'Apple maîtrise tout autant le matériel que le logiciel, elle a donc été à même de faire des choix d'architecture qui minimisent l'utilisation de la RAM au strict nécessaire, d'où la prouesse d'un iPad 2 particulièrement réactif malgré ses 512 Mo de RAM.

Cette maîtrise montre également ses atouts à tous les étages : le processeur A5 de l'iPhone 4S a beau n'être cadencé qu'à 800 MHz, cela ne l'empêche pas de tenir la dragée haute au Galaxy S2 de Samsung, qui tourne pourtant à 1,5 GHz.



De fait, les fabricants de téléphones Android se voient contraints de gonfler leurs appareils au maximum, tant en RAM qu'en puissance processeur ou en vidéo, ne serait-ce que pour garantir un peu de compatibilité avec les futures versions d'Android dont ils ne maîtrisent que peu la feuille de route, contrairement à Apple et iOS. L'ère du Post-PC ne se résume donc pas à de nouveaux modes d'utilisation, mais également à une nouvelle façon d'aborder la conception et la fabrication de ces appareils. Si techniquement rien ne différencie vraiment un ordinateur d'une tablette, dans les faits les choses sont tout de même très différentes : les systèmes-sur-puce intègrent dans un seul composant le processeur, les divers bus, l'accélération graphique, la RAM, autant d'éléments séparés (et interchangeables) sur une carte mère d'ordinateur classique. De même, la mémoire de masse est systématiquement un SSD sur plateformes mobiles, alors que le disque magnétique reste encore le standard sur leurs aînés.

De fait ces efforts bénéficient également aux "camions" de l'informatique, puisque Mac OS X et Windows ne cessent de gagner en sobriété, l'un depuis Snow Leopard, et l'autre depuis Vista. Un drôle de retournement de situation alors que l'industrie de l'informatique s'est toujours caractérisée par une politique du "toujours plus".

L'effet de bord de cette sobriété de l'iPhone a également des conséquences sur la marge brute et les économies d'échelle auxquelles Apple peut prétendre : en vendant l'iPhone au même tarif que ses concurrents, alors qu'il est équipé de composants moins coûteux puisque, sur le papier du moins, moins performants, Apple réalise une marge plus confortable que ses concurrents. En multipliant cet effet par les millions d'exemplaires vendus, c'est tout bénéfice pour Apple : ses appareils ont une meilleure longévité, ils sont plus performants, ils lui coûtent moins cher à fabriquer, et lui rapportent plus à la vente.

En regard de ces problématiques, on ne mesure que d'autant plus l'ineptie des tablettes qui tournent sur Windows 7, et qui vont jusqu'à gaspiller de précieux watts pour le seul ventilateur qui compense la dissipation thermique des processeurs d'Intel, eux-mêmes faisant figure de véritables soiffards en comparaison de la sobriété des processeurs ARM. Cette problématique au moins sera réglée pour Microsoft dès lors que la version ARM de Windows 8 sera disponible, mais elle posera toujours l'épineux problème de l'utilisation de la mémoire vive. Microsoft a beau faire de considérables efforts pour minimiser la consommation en mémoire de son système d'exploitation, le seul fait de permettre le multitâche tel qu'il a toujours existé sur ordinateur aura quelques conséquences sur les tablettes qui tourneront sur son futur OS.
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