La faillite de GT Advanced n'a pas fini de provoquer des remous, que ce soit chez Apple ou auprès d'observateurs et d'analystes qui avaient parié sur des iPhone 6 protégés par ce revêtement très résistant. Comme on l'a vu ce matin, ce placement sous la protection de la loi américaine sur les faillites pose des questions quant à une éventuelle manipulation du cours de Bourse de l'entreprise, qui a largement profité des rumeurs annonçant des écrans d'iPhone en saphir de synthèse. Cela s'est finalement révélé faux, Apple ayant seulement choisi de recouvrir de saphir deux modèles de ses montres, en plus de quelques composants de l'iPhone 6 (Touch ID et appareil photo).
Ces rumeurs ont été largement propagées par le Wall Street Journal, notamment par l'auteur Daisuke Wakabayashi qui en août, ne prenait plus vraiment de précautions en annonçant qu'Apple allait utiliser du saphir synthétique dans l'iPhone 6. Le journaliste basait cette prédiction en grande partie sur la base de présomptions d'analystes dont un en particulier, Matt Margolis, est aussi actionnaire de GT Advanced. Difficile dans ces conditions d'être parfaitement objectif, et la tentation de pousser les feux sous la valeur de l'action doit être forte.
Le CEO de GT, Thomas Gutierrez, en a en tout cas bien profité : les ventes de ses paquets d'actions lui ont, tout au long de l'année, rapporté 10 millions de dollars. Il a même écoulé un lot d'actions la veille du special event alors qu'il savait pertinemment qu'Apple n'allait pas annoncer d'iPhone 6 protégés par du saphir (lire : GT Advanced : un saphir de synthèse de plus en plus trouble).
Si en août Wakabayashi écrivait qu'Apple allait certainement utiliser du saphir pour ses smartphones, le constructeur aurait, quelques semaines avant le lancement effectif de l'iPhone 6, changé radicalement ses plans après des tests ayant démontré que le saphir pouvait briser lors de tests de chute. Un changement de pied de dernière minute qui éveille les soupçons, on voit mal comment Apple aurait pu passer du saphir prévu au verre X-Ion qui a dû lui aussi demander quelques investissements en termes de recherche et de production. On parle là de dizaines de millions d'unités dont la fabrication et l'assemblage ne se décident pas d'un claquement de doigt.
Malgré tout, Eric Virey, analyste pour Yole Développement, a affirmé, toujours au Wall Street Journal, qu'« il n'y a absolument aucun doute que [l'usine de GT à Mesa] se destinait aux smartphones ». Le fournisseur aurait rencontré des difficultés à produire un saphir de bonne qualité dans des volumes suffisants pour assurer la demande d'Apple. C'est peut-être là la raison pour laquelle le constructeur a suspendu le versement de la dernière tranche de 139 millions de dollars à GT, pour un investissement d'un total de 578 millions.
Ming-Chi Kuo, autre analyste bien connu pour ses prédictions qui s'avèrent souvent (pas toujours) justes, se veut relativement optimiste. Dans une note, il explique que la faillite de GT Advanced ne devrait pas avoir d'impact significatif sur l'Apple Watch ; en revanche, les projets du constructeur concernant les futurs iPhone pourraient en souffrir. La Pomme comptait bien sur le saphir de GT pour protéger les écrans de ses smartphones : le revêtement produit par les fourneaux du fournisseur se montrerait en effet beaucoup plus résistant aux chutes que le saphir fabriqué par d'autres entreprises.
Le saphir produit par GT n'est pas le seul à avoir été testé par Apple pour recouvrir l'écran de l'iPhone, explique Kuo. Mais « nous ne pensons pas qu'Apple va se tourner vers d'autres fournisseurs, étant donné les performances du saphir de GT dans les tests de chute », écrit l'analyste dans sa note. « Nous pensons qu'Apple conserve un grand intérêt pour le saphir [de GT] comme matériau de protection pour l'iPhone ». La faillite de l'entreprise risque bien d'hypothéquer l'avenir du saphir en tant que revêtement pour les smartphones.
L'Apple Watch étant moins soumise à la problématique des chutes, le constructeur pourra faire appel à d'autres fournisseurs de saphir pour protéger l'écran de ces terminaux, poursuit Ming-Chi Kuo. En plus de GT, Hansol et Harbin Aurora Optoelectronics se seraient positionné auprès d'Apple.