Après Apple, Google sera-t-il le suivant dans la liste des entreprises high-tech à avoir abandonné des ambitions de constructeur automobile ? Le géant de la recherche était aussi parmi les pionniers dans le domaine de la conduite autonome et il avait même présenté un premier prototype de Google Car dès 2014. En 2015, l’entreprise avait même créé une filiale spécialement pour construire des voitures. Malgré tout, les plans auraient changé en interne si l’on en croit le très bien informé The Information.
À dire vrai, ce n’est pas vraiment nouveau, puisque le directeur de Google X, la branche expérimentale à laquelle appartient la voiture autonome, avait prévenu il y a plus d’un an. Google ne deviendra pas un constructeur automobile, il fournira son savoir-faire et ses services aux constructeurs automobiles, comme Android pour les smartphones. Manifestement, ce n’était pas quelque chose de sûr à l’époque et il y a eu de nombreux débats en interne.
The Information indique ainsi que dans l’équipe de Chauffeur, le nom de la branche dédiée à la conduite autonome au sein de Google, beaucoup parmi les 500 employés voulaient produire une voiture de bout en bout. Avec l’idée qu’en retirant le volant et les pédales inutiles pour une voiture autonome, on pouvait repenser totalement l’intérieur du véhicule pour améliorer le confort des passagers. C’était d’ailleurs l’objectif principal de « koala », le surnom utilisé en interne pour le prototype de 2014.
D’après le site, cette voiture autonome ne devait jamais servir à un projet commercial, mais uniquement pour montrer ce que Google pouvait produire sans avoir à composer avec les contraintes de la conduite traditionnelle. Et aussi percevoir comment un tel véhicule pourrait être jugé à l’usage par les premiers passagers qui ont testé l’une de ces voitures koala. Bridées à 40 km/h, ces petites voitures sympathiques n’ont finalement jamais quitté le quartier de Mountain View où Google est implanté.
Après ce prototype, Google devait décider entre trois options, de la plus difficile à la plus facile : suivre la voie de la voiture conçue en interne avec un tout nouveau modèle ; s’associer avec un constructeur automobile pour construire une nouvelle voiture autonome ; ou signer un partenariat avec un constructeur automobile pour ajouter l’équipement nécessaire à la conduite autonome. C’est cette dernière option qui a été finalement choisie et Google a signé un accord avec Fiat Chrysler pour utiliser un monoplace de la marque.
À l’époque, on pensait que Google cherchait à tester un véhicule de plus grande taille pour compléter son expérience de la conduite autonome. En fait, il s’agissait d’un changement de stratégie selon The Information, qui glisse que les débats en interne ont été intenses. À tel point que le projet Chauffeur a connu plusieurs désistements importants au cours de l’été : Chris Urmson était à la tête du projet, mais il voulait poursuivre la voie de la voiture développée en interne et il a été remplacé par Larry Page.
Le dernier à partir, Bryan Salesky, était à la tête du matériel au sein de Chauffeur et il était sur la même ligne que Chris Urmson. Le message est assez clair si l’on en croit le site : la direction de Google a tranché et le projet s’est éloigné de la conception d’une voiture au profit de projets plus rationnels et surtout plus commerciaux.
L’ambition de Chauffeur serait en effet de répondre à Uber avec un service de voitures autonomes partagées qui serait lancé d’ici à la fin de l’année 2017. C’est le plan, mais Google n’a pas encore testé de voiture fournie par Fiat Chrysler, puisque les premiers modèles devraient arriver en toute fin de cette année. Si tout va bien, des versions modifiées par Google du Pacifica pourraient servir à lancer un service commercial d’ici l’année prochaine.
Reste la question légale, la plus compliquée à régler. Même si Google parvient à lancer un service commercial l’an prochain, il serait extrêmement limité dans un premier temps, sans doute à une seule ville. Chauffeur pourrait se lancer à Austin, au Texas, puisque l’entreprise y a déjà mené des tests. Ou bien du côté de Phoenix, cette fois en Arizona, un autre État ouvert sur le plan législatif. Par ailleurs, les premiers modèles ne seront probablement pas complètement autonomes. Google viserait un niveau 4 d’autonomie, celui où un conducteur est optionnel, mais où le véhicule ne sait pas faire face à n’importe quel cas.
Concrètement, cela voudrait dire que les voitures de Chauffeur se limiteraient à une zone bien précise, et une zone « facile ». Les rues très accidentées de San Francisco ou très encombrées de Manhattan ne conviendraient pas, par exemple. En outre, le climat doit être sec (les capteurs actuels sont vite perturbés par la pluie), mais pas trop chaud non plus pour éviter la surchauffe. Pour finir, Google envisagerait même de laisser un chauffeur dans les voitures pour respecter les législations en place…
Google est peut-être l’un des acteurs les plus avancés sur le marché, mais même lui n’est pas prêt de lancer une voiture vraiment autonome. Néanmoins, ce que l’entreprise cherche avant tout, c’est de collecter des données et lancer un service de voitures partagées à la Uber, aussi limité soit-il, aussi peu autonome soit-il, est un excellent moyen de faire rouler ses capteurs.
Récupérer un maximum d’informations et faire rouler des véhicules sur un maximum de kilomètres est le seul moyen de mener à l’autonomie complète. Google l’a bien compris, mais ce n’est pas le seul : c’est aussi l’ambition principale d’Uber et même Tesla a suivi cette voie. Le constructeur pionnier de l’électrique se prépare aussi à l’autonomie totale avec un nouveau matériel nettement plus sophistiqué. Néanmoins, les fonctions ne sont pas activées et pour le moment l’autopilote se contente d’enregistrer ce qui se passe et d’envoyer les données à Tesla.
L’objectif du constructeur d’Elon Musk est de procéder au premier trajet autonome entre les deux côtes des États-Unis d’ici à la fin de l’année 2017. La même date qui aurait été choisie en interne par Google, ce qui n’est sans doute pas un hasard.