Tesla a organisé une conférence dans la nuit à l’occasion de la livraison des premiers Tesla Semi aux premiers clients du semi-remorque entièrement électrique du constructeur américain. Cinq ans après sa présentation et avec trois ans de retard sur le planning original, le Tesla Semi n’est plus seulement un concept et quelques prototypes utilisés en interne, c’est un véhicule capable de tracter un chargement complet sur plus de 800 km grâce à une énorme batterie.
Cette conférence n’a rien révélé de fondamentalement nouveau, mais Tesla a rempli son contrat en offrant tout ce qui était annoncé en 2017. Malgré les multiples retards liés notamment à la pandémie et aux pénuries de composants, le constructeur livre bien des semi-remorques de classe 8, les plus gros qui circulent sur les routes américaines, sans moteur thermique. Ces véhicules ne représentent que 1 % de ceux qui roulent aux États-Unis, mais ils sont responsables de 20 % des émissions dans le pays et leur électrification devrait représenter une étape importante dans la transition énergétique.
Les contraintes sont naturellement bien différentes pour un semi-remorque qui doit pouvoir tirer des dizaines de tonnes sur de longues distances. Il faut non seulement de la puissance pour maintenir une bonne vitesse même en montée, mais il faut aussi une immense réserve d’énergie pour faire face à une consommation bien plus élevée. Le Tesla Semi doit répondre aux deux points, avec d’une part un système basé sur trois moteurs, comme les Model S et Model X Plaid, les voitures les plus rapides du constructeur. Un moteur placé sur un axe tourne en permanence pour maintenir la vitesse, les deux autres regroupés sur un autre axe servent uniquement pendant les phases d’accélération. Tesla promet ainsi un véhicule trois fois plus puissant que le meilleur concurrent thermique.
Semi has a tri-motor system & carbon-sleeved rotors just like Plaid. 1 unit for efficiency, 2 acceleration units for torque pic.twitter.com/MDn4cj0jzO
— Tesla (@Tesla) December 2, 2022
Cette combinaison, associée à tout le savoir-faire de Tesla en matière d’efficience (ses moteurs conçus en interne restent parmi les plus efficaces du marché) et à un design original qui améliore son aérodynamique1, devrait permettre d’offrir une consommation relativement mesurée lorsque le camion est à sa vitesse de croisière. Fidèle à ses habitudes, le constructeur n’a pas donné la capacité exacte de la batterie intégrée au Tesla Semi, mais la conférence a tout de même permis d’en savoir un petit peu plus sur la consommation et l’autonomie à attendre. Et il semble en tout cas que les promesses initiales seront bien tenues.
Tesla visait les 500 miles, soit environ 806 km, avec une seule charge de la batterie et avec une remorque pleine. Le constructeur a fait la démonstration lui-même avec un Tesla Semi finalisé et un poids total de 37 000 kg qui a parcouru ces 500 miles, non pas d’une traite puisque le conducteur a fait une pause, mais sans s’arrêter pour recharger sa batterie. La vidéo permet de constater que le camion a roulé à une vitesse de croisière autour des 90 km/h et l’entreprise a aussi présenté une courbe de sa consommation pendant la conférence.
Le véhicule est parti de Fremont avec 97 % de batterie et il est arrivé à San Diego dans le sud de la Californie avec 4 % de capacité restante. C’est un itinéraire intéressant, car il monte jusqu’à 1 200 mètres d’altitude en son point le plus élevé, alors que le départ et l’arrivée sont à peu près au niveau de la mer. Cela veut dire que le Tesla Semi peut offrir cette autonomie symbolique même avec un chargement complet et même avec un itinéraire qui monte en partie. La consommation explose forcément pendant ce temps, mais le frein régénératif offert par tout véhicule électrique permet de récupérer une partie de l’énergie en redescendant.
Tesla a indiqué pendant la conférence que le Semi avec sa remorque chargée ne devrait pas dépasser une consommation moyenne de 2 kWh par mile, soit environ 1,2 kWh par kilomètre. C’est énorme par rapport à une voiture électrique évidemment2, mais cela reste un excellent score étant données les conditions. Si on part sur cette moyenne haute et une autonomie de 500 miles, cela nous donne une capacité de batterie qui devrait tourner autour des 1 000 kWh, près de vingt fois plus que dans une Model 3 entrée de gamme et encore dix fois plus que dans une Model S ou Model X3.
Autant dire que pour recharger cette immense batterie, il fallait prévoir un petit peu mieux que le réseau de superchargeurs qui peut délivrer 250 kW au mieux. Tesla y a pensé avec une architecture 1 000 V (400 dans ses voitures) et surtout une nouvelle borne « mégachargeur ». Elle est capable de délivrer jusqu’à 1 000 kW de puissance au Tesla Semi et le constructeur a été contraint d’ajuster tout son équipement, avec notamment un nouveau connecteur refroidi par liquide. Petite surprise au passage, toute cette nouvelle architecture de charge ne sera pas réservée au camion, le CyberTruck y aura droit aussi. Reste à savoir si sa plus petite batterie pourra encaisser une telle puissance.
Le constructeur n’a pas donné de temps pour les charges, mais il faut rappeler que les camionneurs doivent faire des pauses régulières, si bien que ça ne devrait pas être un problème. Par ailleurs, le Tesla Semi pourra même être uniquement rechargé pendant les phases de chargement et déchargement de son contenu. Tesla va néanmoins déployer des megachargeurs dans une partie des superchargeurs actuels. L’avantage étant que les itinéraires des semi-remorques sont en général connus à l’avance, ce qui simplifie le choix de placement pour ces chargeurs ultra rapides.
Les tarifs ne sont pas plus connus qu’en 2017, mais ce n’est pas comme si vous pouviez acheter un Tesla Semi de toute manière. D’une part, le camion a été conçu pour le marché nord-américain et rien ne permet de penser qu’il sortira en Europe. D’autre part, la production reste encore confidentielle dans l’usine de Tesla au Nevada et il ne faut pas s’attendre à une augmentation rapide de la cadence. PepsiCo et FritoLay sont les deux premiers clients et ils seront les seuls à recevoir des camions pour le moment. Ce n’est clairement pas une voiture individuelle produite en masse…
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La cabine en hauteur offre un autre avantage souligné par le constructeur pendant la présentation : le conducteur peut se tenir debout à l’intérieur. ↩︎
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Notre Model 3 SR+ de mai 2021 tourne en moyenne autour de 145 Wh par kilomètre… ↩︎
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Elon Musk a tweeté par la suite pour préciser que la consommation moyenne actuelle s’établissait à 1,7 kWh par mile, avec l’espoir de descendre à 1,6 voire 1,5. En refaisant nos calculs, cela donnerait un pack batterie autour de 850 kWh environ, mais comme Tesla vend une autonomie, le constructeur espère sans doute le baisser autour des 800 voire 750 kWh à terme. ↩︎