Eric Schmidt, futur ex-PDG de Google, est réputé pour son franc-parler et ses discours prémonitoires lors de conférences dans des événements spécialisés. C'était le cas de son intervention au Mobile World Congress, à laquelle nous avons pu assister : il y a tenu un discours programmatique sur le futur de la recherche, de l'informatique… et du monde.
« L'an dernier, j'avais prédit à partir de diverses analyses que les ventes de smartphones allaient dépasser celles des PCs dans les quelques années à venir. Comme d'habitude, j'avais tort… les smartphones ont passé les PCs la semaine dernière » sourit Schmidt : « [mon Nexus S] a 20.000 fois la puissance des ordinateurs de la mission Apollo […] le smartphone est le nouveau PC, la guerre est déjà gagnée ».
Les téléphones sont « un don pour l'humanité » s'extasie un Schmidt qui va longuement filer sa métaphore : « J'ai beaucoup réfléchi à cette question : nous avons été témoin d'un si grand progrès ces dix dernières années, un progrès qui arrive si rapidement que les gens ne l'estiment plus à sa juste valeur. Nous allons arriver à un point où la technologie va enfin servir l'humain, et non plus l'inverse [rires] ». Un moment où la technologie cessera d'être un simple outil auquel se conformer pour devenir un catalyseur d'humanité : « je voudrais vous exposer une sorte de théorème du bonheur où les ordinateurs sont vraiment là pour nous rendre plus heureux ». L'hypothèse de Schmidt est que plus les ordinateurs seront évolués, plus les humains pourront leur déléguer les basses tâches pour se concentrer à nouveau sur les interactions sociales — une conception post-industrielle que n'auraient pas reniée les Grecs anciens.
C'est le smartphone qui est le mieux placé dans ce rôle, car on l'a tout le temps sur soi : « je voudrais citer Bill Gates, qui parlait en 1999 de "l'information au bout des doigts". Que s'est-il passé en 20 ans [sic] ? Sa vision était exacte, mais il nous a fallu la construire ». Le PDG de Google fait l'état des lieux d'une technologie encore immature : « pourquoi les photos et les vidéos de mon téléphone ne sont pas automatiquement sauvegardées [dans le nuage] ? Pourquoi ne saurais-je pas que mes amis sont dans les environs ? Pourquoi votre téléphone ne prendrait pas soin de votre santé ? ».
« Ne serait-il pas intéressant de considérer le téléphone d'abord comme un appareil de communications, ensuite comme un calculateur, et enfin comme une plateforme de sérendipité [découverte au hasard] ? » : Schmidt introduit ici le concept de recherche autonome. L'idée est que l'utilisateur nourrisse la machine d'informations personnelles de manière volontaire. Le but est que la machine connaisse parfaitement les habitudes de l'utilisateur, au point de pouvoir non plus seulement répondre correctement à une requête, mais à pouvoir formuler la requête en avance, voire même suggérer des requêtes à l'utilisateur. « Cela fait autant peur que c'est excitant » : cette vision où la personne s'abandonne à la machine pour paradoxalement mieux se révéler en tant que personne rappelle en effet les meilleures œuvres de science-fiction… à ceci près que les technologies (sémantique, synthèse vocale, géolocalisation, NFC…) sont là.
Le discours prend une tonalité proprement hallucinante quand Schmidt fait de l'Internet et de l'informatique l'aboutissement du capitalisme en même temps qu'il en est l'élément destructeur : « Internet remplace l'économie de la rareté [fondement du luxe, stimulateur de l'innovation et du consumérisme, NDLR] par l'économie de l'ubiquité [accès en tout temps et en tout lieu, NDLR] […] Internet est un outil offrant l'accès à l'information aux masses, et plus aux seules élites ».
« Je fais partie de ces personnes qui pensent que l'informatique peut aider à résoudre les problèmes dont l'on parle tout le temps — le terrorisme, le réchauffement climatique, la transparence financière… », explique Schmidt. Cela passe par une transformation de l'humain transcendé par la technologie, c'est-à-dire par les outils qu'il a créés lui-même : « les ordinateurs sont très bons au petit jeu de la mémoire, alors que les humains ne le sont pas : j'oublie, tout le monde oublie, mais l'ordinateur retient ! ». Et il ne fait pas que ça : « autre chose : je ne suis jamais perdu ! […] Vous devriez déconnecter toute forme d'informatique pour vous perdre, et vous ne le faites jamais, donc… ».
« Vous avez toute l'information au bout des doigts parce que pouvez traduire de n'importe quelle langue vers n'importe quelle autre. Cela n'empêchera pas des guerres, mais permettra d'allonger les tractations, parce que nous comprendrons mieux l'épaisseur de culture qui est sur la table », claironne Schmidt. « Et soudain, vous n'êtes plus perdu, vous aimez la planète entière, vous pouvez parler à n'importe qui à la surface du globe, vous n'êtes plus seul. Vous pouvez ne plus être ennuyé : même s'il n'y a rien à faire, la machine peut vous suggérer des activités ».
Pour un peu, on aurait presque l'impression qu'Eric Schmidt s'est forcé à ne pas prononcer le mot « singularité », mais il y a de ça : une intelligence artificielle créée par l'homme qui deviendrait si intelligente qu'elle en dépasserait l'homme, l'abolirait en même temps qu'elle le transcenderait. Un futur aussi terrifiant que passionnant qui semble fasciner Eric Schmidt, qui est à la tête d'une société qui est synonyme d'accès à Internet, donc d'accès à l'information, et donc d'accès à l'intelligence collective de l'humanité.
« L'an dernier, j'avais prédit à partir de diverses analyses que les ventes de smartphones allaient dépasser celles des PCs dans les quelques années à venir. Comme d'habitude, j'avais tort… les smartphones ont passé les PCs la semaine dernière » sourit Schmidt : « [mon Nexus S] a 20.000 fois la puissance des ordinateurs de la mission Apollo […] le smartphone est le nouveau PC, la guerre est déjà gagnée ».
Les téléphones sont « un don pour l'humanité » s'extasie un Schmidt qui va longuement filer sa métaphore : « J'ai beaucoup réfléchi à cette question : nous avons été témoin d'un si grand progrès ces dix dernières années, un progrès qui arrive si rapidement que les gens ne l'estiment plus à sa juste valeur. Nous allons arriver à un point où la technologie va enfin servir l'humain, et non plus l'inverse [rires] ». Un moment où la technologie cessera d'être un simple outil auquel se conformer pour devenir un catalyseur d'humanité : « je voudrais vous exposer une sorte de théorème du bonheur où les ordinateurs sont vraiment là pour nous rendre plus heureux ». L'hypothèse de Schmidt est que plus les ordinateurs seront évolués, plus les humains pourront leur déléguer les basses tâches pour se concentrer à nouveau sur les interactions sociales — une conception post-industrielle que n'auraient pas reniée les Grecs anciens.
C'est le smartphone qui est le mieux placé dans ce rôle, car on l'a tout le temps sur soi : « je voudrais citer Bill Gates, qui parlait en 1999 de "l'information au bout des doigts". Que s'est-il passé en 20 ans [sic] ? Sa vision était exacte, mais il nous a fallu la construire ». Le PDG de Google fait l'état des lieux d'une technologie encore immature : « pourquoi les photos et les vidéos de mon téléphone ne sont pas automatiquement sauvegardées [dans le nuage] ? Pourquoi ne saurais-je pas que mes amis sont dans les environs ? Pourquoi votre téléphone ne prendrait pas soin de votre santé ? ».
« Ne serait-il pas intéressant de considérer le téléphone d'abord comme un appareil de communications, ensuite comme un calculateur, et enfin comme une plateforme de sérendipité [découverte au hasard] ? » : Schmidt introduit ici le concept de recherche autonome. L'idée est que l'utilisateur nourrisse la machine d'informations personnelles de manière volontaire. Le but est que la machine connaisse parfaitement les habitudes de l'utilisateur, au point de pouvoir non plus seulement répondre correctement à une requête, mais à pouvoir formuler la requête en avance, voire même suggérer des requêtes à l'utilisateur. « Cela fait autant peur que c'est excitant » : cette vision où la personne s'abandonne à la machine pour paradoxalement mieux se révéler en tant que personne rappelle en effet les meilleures œuvres de science-fiction… à ceci près que les technologies (sémantique, synthèse vocale, géolocalisation, NFC…) sont là.
Le discours prend une tonalité proprement hallucinante quand Schmidt fait de l'Internet et de l'informatique l'aboutissement du capitalisme en même temps qu'il en est l'élément destructeur : « Internet remplace l'économie de la rareté [fondement du luxe, stimulateur de l'innovation et du consumérisme, NDLR] par l'économie de l'ubiquité [accès en tout temps et en tout lieu, NDLR] […] Internet est un outil offrant l'accès à l'information aux masses, et plus aux seules élites ».
« Je fais partie de ces personnes qui pensent que l'informatique peut aider à résoudre les problèmes dont l'on parle tout le temps — le terrorisme, le réchauffement climatique, la transparence financière… », explique Schmidt. Cela passe par une transformation de l'humain transcendé par la technologie, c'est-à-dire par les outils qu'il a créés lui-même : « les ordinateurs sont très bons au petit jeu de la mémoire, alors que les humains ne le sont pas : j'oublie, tout le monde oublie, mais l'ordinateur retient ! ». Et il ne fait pas que ça : « autre chose : je ne suis jamais perdu ! […] Vous devriez déconnecter toute forme d'informatique pour vous perdre, et vous ne le faites jamais, donc… ».
« Vous avez toute l'information au bout des doigts parce que pouvez traduire de n'importe quelle langue vers n'importe quelle autre. Cela n'empêchera pas des guerres, mais permettra d'allonger les tractations, parce que nous comprendrons mieux l'épaisseur de culture qui est sur la table », claironne Schmidt. « Et soudain, vous n'êtes plus perdu, vous aimez la planète entière, vous pouvez parler à n'importe qui à la surface du globe, vous n'êtes plus seul. Vous pouvez ne plus être ennuyé : même s'il n'y a rien à faire, la machine peut vous suggérer des activités ».
Pour un peu, on aurait presque l'impression qu'Eric Schmidt s'est forcé à ne pas prononcer le mot « singularité », mais il y a de ça : une intelligence artificielle créée par l'homme qui deviendrait si intelligente qu'elle en dépasserait l'homme, l'abolirait en même temps qu'elle le transcenderait. Un futur aussi terrifiant que passionnant qui semble fasciner Eric Schmidt, qui est à la tête d'une société qui est synonyme d'accès à Internet, donc d'accès à l'information, et donc d'accès à l'intelligence collective de l'humanité.