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Exercice de réalité pour l'iTablet

Arnaud de la Grandière

Monday 03 August 2009 à 14:40 • 67

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L'exercice fait office de figure imposée pour Apple : une fois de plus, la rumeur enfle sur un hypothétique futur produit que la marque fruitière s'apprêterait à dévoiler incessamment sous peu. L'objet du délit : une tablette numérique, à la croisée des chemins entre l'iPhone et le MacBook. À vrai dire, rien de nouveau sous le soleil, puisqu'on parle d'une tablette Apple depuis… 2003 ! Il faut dire que l'intégration de la technologie de reconnaissance d'écriture cursive d'Apple, Inkwell, dans Mac OS X depuis Jaguar n'a pas été étrangère à de telles spéculations. Dans son billet hebdomadaire, Jean-Louis Gassée, ancien patron d'Apple, revient sur la rumeur dans ses applications pratiques, ce qui offre un peu plus de perspectives.

Regardons tout d'abord l'état du marché. Apple avait sorti le Newton MessagePad, l'ancêtre commun des PDA, des smartphones et des tablet PC en 1993, avec le succès que l'on sait. L'objet était certes visionnaire, mais sans doute trop : le marché n'était pas prêt. Huit ans après, Microsoft lance l'initiative du Tablet PC, avec une édition spéciale de Windows XP qui gère le stylet et l'écran tactile. Bill Gates clame alors «Le Tablet exploite la technologie de pointe du PC et la rend disponible à tout instant… c'est un PC virtuellement sans limite — et d'ici cinq ans je prédis qu'il sera la forme la plus populaire de PC vendue en Amérique». Bill Gates n'a résolument pas la main heureuse avec ses prédictions, mais fort heureusement ça n'est pas sur cette qualité qu'il a bâtie sa fortune : 8 ans plus tard, le Tablet PC ne fait figure que d'épiphénomène, avec une poignée de constructeurs qui sortent un ou deux modèles par an. Le raz-de-marée attendu n'est jamais arrivé.

Il faut dire que l'objet est quelque peu bâtard : trop gros pour tenir dans la poche, il nécessite tout comme l'ordinateur portable une sacoche de transport. Quitte à sortir les grands moyens, à choisir, un portable, voire un NetBook, sera plus confortable d'utilisation. Le seul avantage pratique d'un Tablet PC sur un portable c'est qu'il ne nécessite pas de support pour l'utiliser, et qu'on peut donc s'en servir debout. Mais à l'heure actuelle il y a peu de domaines où l'on est susceptible d'avoir des besoins informatiques qui vont au-delà des capacités d'un appareil de poche dans cette position : les mentalités, les besoins, et les solutions offertes n'ont pas encore évolué dans ce sens. On préférera un appareil spécialisé (capable de lire des codes-barres, de prendre une carte de crédit où encore une signature) plutôt qu'un ordinateur polyvalent. Au-delà, le smartphone ou le PDA suffisent encore amplement. Le simple fait de marcher avec un tel appareil implique une utilisation directe et rapide, sans passer par X opérations pour parvenir à ses fins. Et la reconnaissance d'écriture ne sera jamais que source de sempiternelles frustrations (voir notre une Pour quelques neurones de plus). Il existe malgré tout un marché de niche pour de telles machines, puisqu'il s'en vend tout de même, mais pas de quoi défrayer la chronique.

À vrai dire, il n'y a guère de "killer app" dédiée pour le Tablet PC, qui en justifierait l'achat. À croire que toute l'informatique est dévolue à la station assise. Toute ? Non ! C'est oublier que plus de 65.000 applications ont été entièrement conçues pour une utilisation nomade, toutes disponibles sur l'App Store. Car bien plus que l'iPhone ou l'iPod touch, c'est l'App Store qui incarne la plate-forme mobile d'Apple, qui connaît un succès incontestable. Afin de développer sa valeur et asseoir son avance sur la concurrence, il est logique qu'Apple multiplie les points d'entrée à son magasin en ligne. Et un iPhone "HD" à grand écran, voilà qui promet un plus grand confort d'utilisation : plus de surface pour le clavier virtuel, plus de surface pour l'affichage, une logithèque dédiée, une horde de développeurs avide de produire des applications, pour peu qu'Apple ajoute un "petit plus" qui ferait toute la différence, au lieu d'un objet bâtard, il ferait figure de chaînon manquant entre le smartphone et l'ordinateur portable.

La question qui se pose pour un tel appareil, c'est la manière dont il peut être commercialisé. Au niveau du tarif, il s'agit de le positionner entre l'iPhone et le MacBook, un pari difficile puisque le premier est subventionné par les opérateurs téléphoniques. Apple pourrait envisager de reproduire le principe en proposant une vente liée à un abonnement de type "data". Le hic c'est qu'un tel abonnement n'est pas aussi juteux pour les opérateurs téléphoniques : ils exploitent par définition plus de bande passante qu'un abonnement voix, ils induisent également plus de problèmes concernant la gestion du trafic, et sont donc moins rentables. L'iTablet sera nécessairement plus coûteux à produire, la dilution de son prix d'achat dans l'abonnement mensuel ne simplifiera pas les choses : comment proposer un abonnement mensuel qui reste à un tarif attractif ? De plus, un tel appareil ne rendra que plus pressant encore l'épineux problème de la VoIP, véritable menace pour les opérateurs téléphoniques. En effet, s'il est inconcevable d'utiliser un tel appareil comme un téléphone, en revanche un micro-casque et Skype semblent tout indiqués. Alors que la VoIP est le standard de facto pour les fournisseurs d'accès à Internet "fixe", elle fait figure de loup dans la bergerie pour les prestataires cellulaires, sans compter qu'elle ne fait qu'insister sur le caractère factice de la valeur d'une minute téléphonique. Si jusqu'ici les opérateurs ont réussi à en bannir l'utilisation sur leurs réseaux, la posture deviendra tôt ou tard intenable face aux différents organismes de défense des consommateurs, voire la simple marche du progrès lorsque le Wimax entrera dans la danse. Il faudra qu'Apple fasse montre de conviction pour que les fournisseurs d'accès consentent ainsi à fendiller d'eux-mêmes leur propre forteresse. Certes, il reste toujours le Wifi, dont les utilisateurs d'iPod touch se contentent bon gré mal gré. Mais sans abonnement téléphonique, pas moyen de positionner la tablette à un tarif agressif.



Apple n'est cependant pas démunie : il lui est possible de joindre un forfait mensuel global à son hypothétique appareil, incluant musique, vidéo, et pourquoi pas des eBooks. D'autres rumeurs s'en sont d'ailleurs régulièrement fait l'écho concernant l'iTunes Store. En cumulant les offres, Apple pourrait positionner une tablette sur un autre créneau, qui pourrait justifier un tarif mensuel plus élevé, et un meilleur retour sur investissement pour elle et ses partenaires. N'oublions pas également qu'un tel appareil serait le premier à pouvoir offrir un confort de visionnage décent pour les films dans les conditions du nomadisme, ce qui donnerait tout son sens à une telle offre. Autrefois, Steve Jobs n'a d'ailleurs pas manqué de faire remarquer qu'un iPod n'était pas la panacée pour ça.

Toujours est-il qu'une telle initiative ne serait pas sans susciter bien des inconnues, et qu'il ne suffira pas de produire un iPhone à grand écran pour résoudre cette quadrature du cercle. Ou comment on réalise que la rumeur a parfois la vue courte, et fait souvent plus figure de vœu pieux que de prophétie.

crédits photo : Photoboer.nl et ThePerfectPixel.

Sur le même sujet : L'homme qui aurait vu la tablette Apple

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