Tout est consommé
Si jusqu'ici la guerre entre Adobe et Apple restait quelque peu larvée, avec des piques lancées par les sous-lieutenants, puis les aides de camp, puis les dirigeants eux-mêmes dans des "offs" savamment orchestrés, elle a éclaté au grand jour avec une lettre cinglante signée de la main même de Steve Jobs, et avec une réponse non moins fielleuse de la bouche du dirigeant d'Adobe. On ne fera pas plus officiel et plus formel. Que deux grandes entreprises manifestent ainsi leurs désaccords et leur animosité réciproques de manière aussi publique a toujours quelque chose d'embarrassant, tant pour les acteurs que les témoins. Un peu comme lorsqu'on se retrouve pris au milieu d'une dispute conjugale chez un couple qui vous a invité pour le dîner.
Après la fameuse règle 3.3.1 du SDK d'iPhone OS 4.0 qui visait directement Adobe sans jamais la nommer (privilège s'il en est de voir une règle taillée sur mesure à son endroit), rendue publique seulement quatre jours avant la sortie de la Creative Suite 5 qui était censée permettre à Flash de créer des applications iPhone, Apple ne fait plus rien pour cacher son hostilité envers la plateforme d'Adobe. Il est intéressant de noter que, de toute son histoire, jamais Apple n'aura été aussi vindicative contre ses ennemis déclarés : ni IBM, ni Microsoft, ni Nokia n'auront eu à endurer de tels camouflets, pas même au plus fort de batailles judiciaires. Ça n'est pourtant pas les querelles qui auront manqué.
Comment a-t-on pu en arriver à ce point, alors qu'Apple et Adobe ont une longue histoire commune ? Précisément, on n'est jamais si bien trahi que par les siens. Il y a manifestement une dimension affective et émotionnelle qui sous-tend ce pugilat et qui motive ce que certains ne manqueront pas d'appeler un manque de professionnalisme : on ne lave pas son linge sale en public. Mais tout ceci n'est-il pas au contraire savamment orchestré, comme toute communication de la part d'Apple ? À y regarder de plus près, le discours de chaque partie est parsemé de sous-entendus, voire de pieux mensonges, et la lettre ouverte de Jobs elle-même est un message dans le message.
Jobs commence d'ailleurs par rappeler la vieille histoire commune des deux sociétés, en soulignant qu'Apple fut le premier gros client d'Adobe (lire également Apple/Adobe : une vielle histoire d'amour/haine). On peut y voir un sous-entendu qu'Adobe n'en serait pas là où elle est aujourd'hui sans Apple, on pourrait d'ailleurs y répondre l'inverse, tant le Macintosh des débuts a pu séduire les créatifs grâce à des logiciels tels que Photoshop, Illustrator ou Premiere, qui lui furent exclusifs quelques années. Le patron d'Apple ne manque pas de souligner qu'environ la moitié des Creative Suite qu'Adobe vend est à destination de Mac, histoire d'indiquer qu'aussi vexante qu'Apple puisse être, Adobe ne fera jamais la folie de laisser tomber le Mac… ce qu'Adobe n'a pu que confirmer.
Adobe et Apple, "champions" du monde libre ?
Premier point d'achoppement, Flash n'est pas "ouvert", à l'inverse de HTML5, qu'Apple lui préfère. Cette question à elle seule aura fait couler beaucoup d'encre : même si Apple soutient différents projets libres, on ne peut pas dire que la société n’ait jamais brillé pour l'ouverture de ses technologies, l'App Store étant sans aucun doute le coffre fort qu'Apple verrouille le plus jalousement du monde (et le véritable opposant à la plateforme Flash). Ce à quoi le patron d'Adobe répond que la Creative Suite est au contraire très ouverte, puisqu'elle s'ouvre à une multiplicité de plateformes… mais on ne parle là clairement pas du même type d'ouverture. D'autres sont montés au créneau pour souligner que Flash était bel et bien ouvert : citant l'Open Screen Project, ou encore Gnash, un lecteur libre de fichiers Flash. Mais à y regarder de plus près, il n'en est rien : si Adobe a bel et bien ouvert les spécifications des formats SWF, FLV et F4V, le lecteur Flash quant à lui reste lui-même entièrement sous la coupe d'Adobe, comme l'indique la FAQ de l'Open Screen Project :
Quant à Gnash, s'il s'agit d'un lecteur open source de fichiers Flash soutenu par la Free Software Foundation, il ne s'agit là que de reverse-engineering sans le moindre soutien ni bénédiction de la part d'Adobe. Gnash n'est d'ailleurs toujours pas compatible avec la dernière version de Flash, et ne fonctionne qu'avec Mozilla, Firefox, Konqueror et Opera. Prétendre que Flash est open source revient donc à dire que H.264 est libre du seul fait de l'existence de x264. Il n'en est rien, hélas.
Les partisans du monde libre ont d'ailleurs eu tôt fait de rappeler la contradiction qui existe entre le soutien qu'Apple donne à HTML5 d'un côté, et à H.264 de l'autre, qui fait tant débat face à Ogg Theora, le tout sur fond de querelle de vocabulaire pour définir ce qu'est un "standard ouvert". Pour Steve Jobs, un standard peut être ouvert sans être libre (au sens où les industriels l'entendent, à l'image du DVD, de la VHS ou du Blu-ray que chaque constructeur peut exploiter pour peu qu'il réponde aux conditions d'admission), pour les partisans du libre, il ne s'agit là que de standards soumis aux règles RAND (Reasonable And Non-Discriminatory), mais pas des standards ouverts.
Mais au fond, peu importe, la question n'est pas là pour Apple : l'ouverture de Flash en tant que telle ne pose pas problème à Apple pour des questions idéologiques, mais purement pratiques, comme Steve Jobs l'évoquera plus loin dans sa lettre. Apple ne peut pas se permettre de dépendre du bon vouloir d'une tierce partie pour faire avancer ses technologies, ce que les standards ouverts tout comme les logiciels libres permettent d'éviter.
Un web "complet" ou "presque complet"
Adobe souligne que les produits d'Apple proposent un web amputé de tous les contenus en Flash, Jobs répond que le tableau n'est pas aussi sombre qu'Adobe veut bien le brosser, dans la mesure où une part de plus en plus importante de vidéos sont proposées au format H.264. Quant aux jeux en Flash, ils trouveront un pendant avantageux dans les quelque 50.000 titres du genre qu'on peut trouver sur l'App Store. Mais Jobs a beau dire, il n'en reste pas moins que nombre de contenus restent et demeurent inaccessibles sur iPad, iPhone et iPod touch, et de quelque manière qu'on regarde le problème, abstraction faite des considérations techniques, leurs utilisateurs n'auraient rien contre le fait de pouvoir les consulter, ou du moins, d'avoir eux-mêmes le choix et la possibilité d'y accéder. D'autre part, s'il y a nombre de genres vidéoludiques qui sont représentés de manière égale du côté Flash comme du côté App Store, il en reste malgré tout qui n'ont pas leur équivalent.
Cependant, c'est bien cet embargo sur Flash qui finira par donner raison à Steve Jobs, puisque la popularité d'iPhone OS pousse les concepteurs de sites à prendre en compte Safari Mobile. Et c'est bien là le plus gros souci d'Adobe, car Apple met là un terme à l'universalisme de Flash, et l'ampute donc de son tout premier intérêt pour ses utilisateurs, malgré les tentatives désespérées de garder un pied sur iPhone OS (lire : Quand Adobe et Apple se disputent le web).
"C'est pas moi, c'est lui"
Steve Jobs appuie ensuite là où ça fait mal : la stabilité et la fiabilité de Flash. Il commence par citer Symantec (dont l'impartialité, en qualité de fournisseur de solutions de sécurité, peut faire débat), qui pointait du doigt les nombreuses failles de sécurité de Flash en 2009. Jobs souligne également que Flash est la première cause de plantages sur Mac (on ne peut en l'espèce que se fier à sa parole, aucun chiffre indépendant n'étant disponible sur ce point). Des arguments qui font écho à ce qu'Apple disait de Windows il n'y a pas si longtemps encore. La réponse de Shantanu Narayen, le patron d'Adobe, surprend par sa faiblesse : le coupable de l'instabilité de Flash ne serait autre que Mac OS X lui-même. On aurait aimé que l'argument soit un peu plus développé et qu'il en fasse un semblant de démonstration. Après tout, les plug-ins équivalents de Flash, que ce soit Shockwave, Unity, ou encore Silverlight, fonctionnent sans problème sur Mac. On peut toutefois arguer que les contenus en Flash étant autrement plus récurrents, et le plug-in Flash étant utilisé bien plus souvent, il est bien plus facile de tomber sur un problème avec Flash qu'avec ses concurrents, d'un point de vue purement statistique. Quoi qu'il en soit, il n'en reste pas moins que l'argument est un peu court, si ce n'est puéril, d'autant que Flash n'est pas exempt de plantages sur Windows.
Steve Jobs avait déjà qualifié Adobe de "fainéante" lors d'un "off" savamment orchestré devant les employés d'Apple (lire Steve Jobs descend en flammes Adobe et Google), ce à quoi Kevin Lynch, directeur technique d'Adobe, avait répondu que Flash n'était pas livré avec des bugs connus susceptibles de causer un plantage (lire Flash : de meilleures performances espérées sur Mac)… Voire ! Le développeur Matthew Dempsky a souligné qu'un bug, vieux de 16 mois, causait irrémédiablement le plantage du plug-in sur quelque système que ce soit (lire Flash : un vilain bogue qui traine depuis 16 mois), ce pour quoi Adobe a fini par présenter de penaudes excuses (lire Flash : Adobe fait profil bas). À tout le moins, on peut être sûr que Mac OS X n'est pas la cause de ce bug en particulier, reste à déterminer ce qu'il en est pour les autres. Et coup de théâtre, Steve Jobs se voit soutenu dans ses propos par nulle autre que Microsoft elle-même ! (Lire Microsoft prend position en faveur du H.264 et critique Flash). Résolument, au jeu des alliances et des guerres, les temps changent. N'oublions pas toutefois que Microsoft est loin d'être désintéressée, puisqu'elle est en concurrence avec Adobe, et notamment Flash, sur quantité de domaines, de Windows Media jusqu'à Silverlight. Elle a donc tout intérêt à jeter l'opprobre sur sa concurrente, tout comme Apple d'ailleurs.
Quoi qu'il en soit, pour qui s'y entend un peu en termes de développement, les allégations de Shantanu Narayen ont de quoi faire sourciller. Elles reviennent à dire que ça n'est pas Flash qui n'est pas compatible avec Mac OS X, mais que c'est Mac OS X qui n'est pas compatible avec Flash. Or c'est bien Adobe qui fournit Flash sur Mac OS X et non l'inverse, c'est donc à Flash de s'adapter. L'argument aurait pu tenir à l'époque où les systèmes d'exploitation pouvaient subir un crash général face au moindre problème, mais voilà longtemps que ça n'est plus le cas (heureusement d'ailleurs, une telle perspective avec Flash aurait de quoi faire frémir). Les interactions entre le plug-in Flash et Mac OS X se limitent à des appels d'API et à l'intégration dans Safari. De deux choses l'une, dans cette hypothèse, soit Mac OS X tolère mal les messages de Flash, soit c'est l'inverse. Or ça n'est pas Safari, ni Mac OS X qui plantent, mais bien le plugin, comme on a pu en faire l'amer constat depuis que Snow Leopard l'a confiné dans un bac à sable.
Quand l'appel à une fonction du système fait irrémédiablement planter votre programme, vous ne livrez pas votre programme tel quel en vous contentant de blâmer le développeur de l'OS : à défaut de pouvoir régler le plantage proprement, vous cessez de faire appel à la fonction en question et vous vous tournez vers une autre solution, quitte à réinventer la roue dans la mesure du possible, ou au pire, vous faites l'impasse dessus, une fonction manquante, voire une alerte associée à l'interruption du processus en cours, valant mieux qu'un plantage franc et massif.
Quelle que soit la raison des plantages récurrents de Flash sur Mac, qu'ils proviennent du plug-in en lui-même ou de problèmes inhérents à Mac OS X, le résultat est le même et ne semble pas même faire débat : Flash plante beaucoup trop sur Mac. À charge d'Adobe de contourner les problèmes, quelle que soit leur origine, pour que son produit soit fiable, quitte à travailler avec Apple. De la même manière, Apple livrant Flash avec son système, il est de sa responsabilité (et de son intérêt) de faire en sorte que toute "incompatibilité" entre les deux soit résolue, dans la mesure de ses moyens. Il faut malgré tout souligner qu'en l'espèce, Adobe a bien plus de latitude qu'Apple de régler la question, étant la seule à avoir accès au code source de Flash, sachant que c'est bien Flash qui plante et non Safari ou Mac OS X, ces deux derniers étant désormais résistants face à de tels soucis. De ce point de vue, Apple a corrigé ce qui était de son strict ressort, reste à savoir si Adobe lui a fait part des éléments qui seraient fautifs selon elle.
"C'est pas moi, c'est lui" (bis)
Les deux points suivants abordés par Steve Jobs sont les deux revers d'une même médaille : la gourmandise proverbiale de Flash tant en matière de ressources du processeur que de l'autonomie de la batterie (la seconde n'étant que la conséquence directe de la première). Et le moins qu'on puisse dire, c'est que Flash fait preuve d'une boulimie surprenante lorsqu'on compare l'exécution d'un même fichier sur Mac OS X et Windows. Lee Brimelow, évangéliste chez Adobe (auquel on devra plus tard des invectives aux termes fleuris envers Apple, lire Evangéliste Adobe : « Apple, va te faire… »), expliqua cette carence par l'impossibilité d'accéder sur Mac à l'accélération matérielle pour la lecture des vidéos H.264 (lire Adobe accuse Apple d'être responsable des lenteurs de Flash).
Une explication quelque peu bancale, dans la mesure où d'autres logiciels, comme VLC, lisent tout autant les vidéos de ce format, sans plus d'accélération matérielle que Flash, mais non moins sans mettre le processeur à genoux… D'autre part, la lourdeur de Flash sur Mac est hélas bien loin de se limiter à la lecture de vidéos. Quoi qu'il en soit, l'argument n'aura plus lieu d'être, puisqu'Apple a fourni avec Mac OS X 10.6.3 une API permettant d'accéder à l'accélération matérielle du H.264 sur certaines cartes vidéos, et qu'Adobe a immédiatement intégrée dans une version beta de Flash (lire Flash 10.1 teste l'accélération matérielle du 10.6). Reste à Adobe à trouver une autre explication pour la lenteur de son plug-in désormais.
Apple et sa chère indépendance
Passons sommairement sur les rollovers exigés par nombre de fichiers Flash qui n'ont pas lieu d'être sur une interface multitouch. Certains ont argué que la question se posait tout autant avec le JavaScript sur certains sites, mais Apple a précisément pu régler toute seule cette question en simulant l'événement rollover par un tapotement de l'écran dans Safari Mobile, ce qui s'avère satisfaisant pour 99% des utilisations de cette fonction en HTML, à savoir l'ouverture d'un menu. Cette solution, bien qu'elle puisse être reprise à son compte par Adobe dans Flash, ne résout pas le problème dans quantité de jeux dont le mécanisme repose sur le rollover en lui-même.
Mais le point qui préoccupe en tout premier lieu Steve Jobs, et qui justifie selon lui d'avoir fermé la porte de l'App Store à Adobe, c'est de ne laisser personne se mettre entre les produits d'Apple et les développeurs qui travaillent dessus. « Nous avons appris, d'amère expérience, que laisser une couche logicielle de tierce partie se mettre entre la plateforme et le développeur ne résultera au bout du compte qu'à des applications de mauvaise qualité et à freiner l'amélioration et l'avancée de la plateforme », dit il. Jobs fait semble-t-il référence à PowerPlant, un très populaire toolkit de MetroWerks pour Mac OS Classic, qui a lourdement freiné la transition vers Mac OS X en ne l'adoptant qu'au lance-pierre. Les applications qui étaient jusque-là réalisées avec PowerPlant étaient donc coincées là où PowerPlant donnait ses limites.
Selon Mark Bernstein, le développeur de TinderBox, une autre cruelle expérience a déterminé Apple à protéger son autonomie coûte que coûte : alors qu'elle était à deux doigts de la faillite à la fin des années 90, il aurait suffi que Microsoft annonce l'abandon de la version Mac d'Office pour sonner son arrêt de mort. C'est aussi cette situation très inconfortable qui aurait déterminé Steve Jobs à se dire "plus jamais ça", et à prendre les mesures nécessaires pour ne plus dépendre aussi facilement du bon vouloir de ses partenaires (d'où selon lui la naissance de la suite iWork).
Jobs souligne qu'Adobe a mis bien du temps à adopter les technologies de Mac OS X, comme par exemple Cocoa. Apple elle-même propose certes toujours des logiciels qui n'en tirent pas parti, mais au moins n'a-t-elle à s'en prendre qu'à elle-même, et elle ne dépend de personne pour le faire. C'est bien ce qui lui pose problème avec les middlewares.
Quoi qu'il en soit, Jobs finit malgré tout par se contredire lui-même avec ce point précis. Alors qu'il commence sa lettre ouverte en assurant que le problème tient plus d'une question technologique que stratégique, il démontre ici que c'est bien ce dont il est question, comme d'ailleurs le patron d'Adobe ne manque pas de le souligner.
Fin des hostilités
Mais avec cette lettre, qui incarne pourtant le paroxysme du conflit, Steve Jobs met en réalité un terme définitif à la querelle. On se souvient que la présence de Flash sur l'iPad était une question en suspens durant les folles semaines de rumeur qui ont précédé son annonce, cette éventualité ne laissera désormais plus la moindre place aux spéculations. La question est définitivement close : Apple ne proposera pas Flash sur ses appareils mobiles. Avec cette réponse ferme, définitive, et tout ce qu'il y a de plus officiel, les médias n'auront plus à aborder le sujet à chaque annonce d'Apple. Adobe en a d'ailleurs pris acte par la plume de son CTO (lire Flash : le directeur technique d'Adobe referme le dossier). Il est temps de tourner la page, et pour Adobe de se consoler comme elle peut.
Nul doute cependant qu'Adobe nourrira quelque rancœur envers Apple pour avoir mis à mal son précieux standard, mais elle n'est pour l'heure guère en position de lui rendre la pareille, comme le sous-entendait perfidement Steve Jobs : Adobe a plus besoin d'Apple qu'Apple n'a besoin d'Adobe. Ça ne sera peut-être pas toujours le cas, mais d'ici là au moins, ce chapitre demeurera clos. Le seul espoir qu'il reste à Adobe de changer les choses, c'est que l'absence de Flash sur les appareils d'Apple devienne un inconvénient face à la concurrence. Jobs en a manifestement pris son parti, on pourra juger de la pertinence de ce pari dès qu'Android intégrera Flash, ce qui est promis pour le mois prochain. Si elle veut pouvoir donner tort à Steve Jobs publiquement, Adobe n'a pas droit à l'erreur, faute de quoi, c'est elle-même qui validera la politique d'Apple.
Si jusqu'ici la guerre entre Adobe et Apple restait quelque peu larvée, avec des piques lancées par les sous-lieutenants, puis les aides de camp, puis les dirigeants eux-mêmes dans des "offs" savamment orchestrés, elle a éclaté au grand jour avec une lettre cinglante signée de la main même de Steve Jobs, et avec une réponse non moins fielleuse de la bouche du dirigeant d'Adobe. On ne fera pas plus officiel et plus formel. Que deux grandes entreprises manifestent ainsi leurs désaccords et leur animosité réciproques de manière aussi publique a toujours quelque chose d'embarrassant, tant pour les acteurs que les témoins. Un peu comme lorsqu'on se retrouve pris au milieu d'une dispute conjugale chez un couple qui vous a invité pour le dîner.
Après la fameuse règle 3.3.1 du SDK d'iPhone OS 4.0 qui visait directement Adobe sans jamais la nommer (privilège s'il en est de voir une règle taillée sur mesure à son endroit), rendue publique seulement quatre jours avant la sortie de la Creative Suite 5 qui était censée permettre à Flash de créer des applications iPhone, Apple ne fait plus rien pour cacher son hostilité envers la plateforme d'Adobe. Il est intéressant de noter que, de toute son histoire, jamais Apple n'aura été aussi vindicative contre ses ennemis déclarés : ni IBM, ni Microsoft, ni Nokia n'auront eu à endurer de tels camouflets, pas même au plus fort de batailles judiciaires. Ça n'est pourtant pas les querelles qui auront manqué.
Comment a-t-on pu en arriver à ce point, alors qu'Apple et Adobe ont une longue histoire commune ? Précisément, on n'est jamais si bien trahi que par les siens. Il y a manifestement une dimension affective et émotionnelle qui sous-tend ce pugilat et qui motive ce que certains ne manqueront pas d'appeler un manque de professionnalisme : on ne lave pas son linge sale en public. Mais tout ceci n'est-il pas au contraire savamment orchestré, comme toute communication de la part d'Apple ? À y regarder de plus près, le discours de chaque partie est parsemé de sous-entendus, voire de pieux mensonges, et la lettre ouverte de Jobs elle-même est un message dans le message.
Jobs commence d'ailleurs par rappeler la vieille histoire commune des deux sociétés, en soulignant qu'Apple fut le premier gros client d'Adobe (lire également Apple/Adobe : une vielle histoire d'amour/haine). On peut y voir un sous-entendu qu'Adobe n'en serait pas là où elle est aujourd'hui sans Apple, on pourrait d'ailleurs y répondre l'inverse, tant le Macintosh des débuts a pu séduire les créatifs grâce à des logiciels tels que Photoshop, Illustrator ou Premiere, qui lui furent exclusifs quelques années. Le patron d'Apple ne manque pas de souligner qu'environ la moitié des Creative Suite qu'Adobe vend est à destination de Mac, histoire d'indiquer qu'aussi vexante qu'Apple puisse être, Adobe ne fera jamais la folie de laisser tomber le Mac… ce qu'Adobe n'a pu que confirmer.
Adobe et Apple, "champions" du monde libre ?
Premier point d'achoppement, Flash n'est pas "ouvert", à l'inverse de HTML5, qu'Apple lui préfère. Cette question à elle seule aura fait couler beaucoup d'encre : même si Apple soutient différents projets libres, on ne peut pas dire que la société n’ait jamais brillé pour l'ouverture de ses technologies, l'App Store étant sans aucun doute le coffre fort qu'Apple verrouille le plus jalousement du monde (et le véritable opposant à la plateforme Flash). Ce à quoi le patron d'Adobe répond que la Creative Suite est au contraire très ouverte, puisqu'elle s'ouvre à une multiplicité de plateformes… mais on ne parle là clairement pas du même type d'ouverture. D'autres sont montés au créneau pour souligner que Flash était bel et bien ouvert : citant l'Open Screen Project, ou encore Gnash, un lecteur libre de fichiers Flash. Mais à y regarder de plus près, il n'en est rien : si Adobe a bel et bien ouvert les spécifications des formats SWF, FLV et F4V, le lecteur Flash quant à lui reste lui-même entièrement sous la coupe d'Adobe, comme l'indique la FAQ de l'Open Screen Project :
Does this mean that it is possible for companies or developers to distribute Flash Player within their product offerings?
Adobe has removed the restrictions on the SWF and FLV/F4V specifications, not on Flash Player itself. Future versions starting with the next major versions of Flash Player and AIR for devices are royalty free as part of the Open Screen Project. However, a license (contract) still needs to be in place between Adobe and the licensee
Quant à Gnash, s'il s'agit d'un lecteur open source de fichiers Flash soutenu par la Free Software Foundation, il ne s'agit là que de reverse-engineering sans le moindre soutien ni bénédiction de la part d'Adobe. Gnash n'est d'ailleurs toujours pas compatible avec la dernière version de Flash, et ne fonctionne qu'avec Mozilla, Firefox, Konqueror et Opera. Prétendre que Flash est open source revient donc à dire que H.264 est libre du seul fait de l'existence de x264. Il n'en est rien, hélas.
Les partisans du monde libre ont d'ailleurs eu tôt fait de rappeler la contradiction qui existe entre le soutien qu'Apple donne à HTML5 d'un côté, et à H.264 de l'autre, qui fait tant débat face à Ogg Theora, le tout sur fond de querelle de vocabulaire pour définir ce qu'est un "standard ouvert". Pour Steve Jobs, un standard peut être ouvert sans être libre (au sens où les industriels l'entendent, à l'image du DVD, de la VHS ou du Blu-ray que chaque constructeur peut exploiter pour peu qu'il réponde aux conditions d'admission), pour les partisans du libre, il ne s'agit là que de standards soumis aux règles RAND (Reasonable And Non-Discriminatory), mais pas des standards ouverts.
Mais au fond, peu importe, la question n'est pas là pour Apple : l'ouverture de Flash en tant que telle ne pose pas problème à Apple pour des questions idéologiques, mais purement pratiques, comme Steve Jobs l'évoquera plus loin dans sa lettre. Apple ne peut pas se permettre de dépendre du bon vouloir d'une tierce partie pour faire avancer ses technologies, ce que les standards ouverts tout comme les logiciels libres permettent d'éviter.
Un web "complet" ou "presque complet"
Adobe souligne que les produits d'Apple proposent un web amputé de tous les contenus en Flash, Jobs répond que le tableau n'est pas aussi sombre qu'Adobe veut bien le brosser, dans la mesure où une part de plus en plus importante de vidéos sont proposées au format H.264. Quant aux jeux en Flash, ils trouveront un pendant avantageux dans les quelque 50.000 titres du genre qu'on peut trouver sur l'App Store. Mais Jobs a beau dire, il n'en reste pas moins que nombre de contenus restent et demeurent inaccessibles sur iPad, iPhone et iPod touch, et de quelque manière qu'on regarde le problème, abstraction faite des considérations techniques, leurs utilisateurs n'auraient rien contre le fait de pouvoir les consulter, ou du moins, d'avoir eux-mêmes le choix et la possibilité d'y accéder. D'autre part, s'il y a nombre de genres vidéoludiques qui sont représentés de manière égale du côté Flash comme du côté App Store, il en reste malgré tout qui n'ont pas leur équivalent.
Cependant, c'est bien cet embargo sur Flash qui finira par donner raison à Steve Jobs, puisque la popularité d'iPhone OS pousse les concepteurs de sites à prendre en compte Safari Mobile. Et c'est bien là le plus gros souci d'Adobe, car Apple met là un terme à l'universalisme de Flash, et l'ampute donc de son tout premier intérêt pour ses utilisateurs, malgré les tentatives désespérées de garder un pied sur iPhone OS (lire : Quand Adobe et Apple se disputent le web).
"C'est pas moi, c'est lui"
Steve Jobs appuie ensuite là où ça fait mal : la stabilité et la fiabilité de Flash. Il commence par citer Symantec (dont l'impartialité, en qualité de fournisseur de solutions de sécurité, peut faire débat), qui pointait du doigt les nombreuses failles de sécurité de Flash en 2009. Jobs souligne également que Flash est la première cause de plantages sur Mac (on ne peut en l'espèce que se fier à sa parole, aucun chiffre indépendant n'étant disponible sur ce point). Des arguments qui font écho à ce qu'Apple disait de Windows il n'y a pas si longtemps encore. La réponse de Shantanu Narayen, le patron d'Adobe, surprend par sa faiblesse : le coupable de l'instabilité de Flash ne serait autre que Mac OS X lui-même. On aurait aimé que l'argument soit un peu plus développé et qu'il en fasse un semblant de démonstration. Après tout, les plug-ins équivalents de Flash, que ce soit Shockwave, Unity, ou encore Silverlight, fonctionnent sans problème sur Mac. On peut toutefois arguer que les contenus en Flash étant autrement plus récurrents, et le plug-in Flash étant utilisé bien plus souvent, il est bien plus facile de tomber sur un problème avec Flash qu'avec ses concurrents, d'un point de vue purement statistique. Quoi qu'il en soit, il n'en reste pas moins que l'argument est un peu court, si ce n'est puéril, d'autant que Flash n'est pas exempt de plantages sur Windows.
Steve Jobs avait déjà qualifié Adobe de "fainéante" lors d'un "off" savamment orchestré devant les employés d'Apple (lire Steve Jobs descend en flammes Adobe et Google), ce à quoi Kevin Lynch, directeur technique d'Adobe, avait répondu que Flash n'était pas livré avec des bugs connus susceptibles de causer un plantage (lire Flash : de meilleures performances espérées sur Mac)… Voire ! Le développeur Matthew Dempsky a souligné qu'un bug, vieux de 16 mois, causait irrémédiablement le plantage du plug-in sur quelque système que ce soit (lire Flash : un vilain bogue qui traine depuis 16 mois), ce pour quoi Adobe a fini par présenter de penaudes excuses (lire Flash : Adobe fait profil bas). À tout le moins, on peut être sûr que Mac OS X n'est pas la cause de ce bug en particulier, reste à déterminer ce qu'il en est pour les autres. Et coup de théâtre, Steve Jobs se voit soutenu dans ses propos par nulle autre que Microsoft elle-même ! (Lire Microsoft prend position en faveur du H.264 et critique Flash). Résolument, au jeu des alliances et des guerres, les temps changent. N'oublions pas toutefois que Microsoft est loin d'être désintéressée, puisqu'elle est en concurrence avec Adobe, et notamment Flash, sur quantité de domaines, de Windows Media jusqu'à Silverlight. Elle a donc tout intérêt à jeter l'opprobre sur sa concurrente, tout comme Apple d'ailleurs.
Quoi qu'il en soit, pour qui s'y entend un peu en termes de développement, les allégations de Shantanu Narayen ont de quoi faire sourciller. Elles reviennent à dire que ça n'est pas Flash qui n'est pas compatible avec Mac OS X, mais que c'est Mac OS X qui n'est pas compatible avec Flash. Or c'est bien Adobe qui fournit Flash sur Mac OS X et non l'inverse, c'est donc à Flash de s'adapter. L'argument aurait pu tenir à l'époque où les systèmes d'exploitation pouvaient subir un crash général face au moindre problème, mais voilà longtemps que ça n'est plus le cas (heureusement d'ailleurs, une telle perspective avec Flash aurait de quoi faire frémir). Les interactions entre le plug-in Flash et Mac OS X se limitent à des appels d'API et à l'intégration dans Safari. De deux choses l'une, dans cette hypothèse, soit Mac OS X tolère mal les messages de Flash, soit c'est l'inverse. Or ça n'est pas Safari, ni Mac OS X qui plantent, mais bien le plugin, comme on a pu en faire l'amer constat depuis que Snow Leopard l'a confiné dans un bac à sable.
Quand l'appel à une fonction du système fait irrémédiablement planter votre programme, vous ne livrez pas votre programme tel quel en vous contentant de blâmer le développeur de l'OS : à défaut de pouvoir régler le plantage proprement, vous cessez de faire appel à la fonction en question et vous vous tournez vers une autre solution, quitte à réinventer la roue dans la mesure du possible, ou au pire, vous faites l'impasse dessus, une fonction manquante, voire une alerte associée à l'interruption du processus en cours, valant mieux qu'un plantage franc et massif.
Quelle que soit la raison des plantages récurrents de Flash sur Mac, qu'ils proviennent du plug-in en lui-même ou de problèmes inhérents à Mac OS X, le résultat est le même et ne semble pas même faire débat : Flash plante beaucoup trop sur Mac. À charge d'Adobe de contourner les problèmes, quelle que soit leur origine, pour que son produit soit fiable, quitte à travailler avec Apple. De la même manière, Apple livrant Flash avec son système, il est de sa responsabilité (et de son intérêt) de faire en sorte que toute "incompatibilité" entre les deux soit résolue, dans la mesure de ses moyens. Il faut malgré tout souligner qu'en l'espèce, Adobe a bien plus de latitude qu'Apple de régler la question, étant la seule à avoir accès au code source de Flash, sachant que c'est bien Flash qui plante et non Safari ou Mac OS X, ces deux derniers étant désormais résistants face à de tels soucis. De ce point de vue, Apple a corrigé ce qui était de son strict ressort, reste à savoir si Adobe lui a fait part des éléments qui seraient fautifs selon elle.
"C'est pas moi, c'est lui" (bis)
Les deux points suivants abordés par Steve Jobs sont les deux revers d'une même médaille : la gourmandise proverbiale de Flash tant en matière de ressources du processeur que de l'autonomie de la batterie (la seconde n'étant que la conséquence directe de la première). Et le moins qu'on puisse dire, c'est que Flash fait preuve d'une boulimie surprenante lorsqu'on compare l'exécution d'un même fichier sur Mac OS X et Windows. Lee Brimelow, évangéliste chez Adobe (auquel on devra plus tard des invectives aux termes fleuris envers Apple, lire Evangéliste Adobe : « Apple, va te faire… »), expliqua cette carence par l'impossibilité d'accéder sur Mac à l'accélération matérielle pour la lecture des vidéos H.264 (lire Adobe accuse Apple d'être responsable des lenteurs de Flash).
Une explication quelque peu bancale, dans la mesure où d'autres logiciels, comme VLC, lisent tout autant les vidéos de ce format, sans plus d'accélération matérielle que Flash, mais non moins sans mettre le processeur à genoux… D'autre part, la lourdeur de Flash sur Mac est hélas bien loin de se limiter à la lecture de vidéos. Quoi qu'il en soit, l'argument n'aura plus lieu d'être, puisqu'Apple a fourni avec Mac OS X 10.6.3 une API permettant d'accéder à l'accélération matérielle du H.264 sur certaines cartes vidéos, et qu'Adobe a immédiatement intégrée dans une version beta de Flash (lire Flash 10.1 teste l'accélération matérielle du 10.6). Reste à Adobe à trouver une autre explication pour la lenteur de son plug-in désormais.
Apple et sa chère indépendance
Passons sommairement sur les rollovers exigés par nombre de fichiers Flash qui n'ont pas lieu d'être sur une interface multitouch. Certains ont argué que la question se posait tout autant avec le JavaScript sur certains sites, mais Apple a précisément pu régler toute seule cette question en simulant l'événement rollover par un tapotement de l'écran dans Safari Mobile, ce qui s'avère satisfaisant pour 99% des utilisations de cette fonction en HTML, à savoir l'ouverture d'un menu. Cette solution, bien qu'elle puisse être reprise à son compte par Adobe dans Flash, ne résout pas le problème dans quantité de jeux dont le mécanisme repose sur le rollover en lui-même.
Mais le point qui préoccupe en tout premier lieu Steve Jobs, et qui justifie selon lui d'avoir fermé la porte de l'App Store à Adobe, c'est de ne laisser personne se mettre entre les produits d'Apple et les développeurs qui travaillent dessus. « Nous avons appris, d'amère expérience, que laisser une couche logicielle de tierce partie se mettre entre la plateforme et le développeur ne résultera au bout du compte qu'à des applications de mauvaise qualité et à freiner l'amélioration et l'avancée de la plateforme », dit il. Jobs fait semble-t-il référence à PowerPlant, un très populaire toolkit de MetroWerks pour Mac OS Classic, qui a lourdement freiné la transition vers Mac OS X en ne l'adoptant qu'au lance-pierre. Les applications qui étaient jusque-là réalisées avec PowerPlant étaient donc coincées là où PowerPlant donnait ses limites.
Selon Mark Bernstein, le développeur de TinderBox, une autre cruelle expérience a déterminé Apple à protéger son autonomie coûte que coûte : alors qu'elle était à deux doigts de la faillite à la fin des années 90, il aurait suffi que Microsoft annonce l'abandon de la version Mac d'Office pour sonner son arrêt de mort. C'est aussi cette situation très inconfortable qui aurait déterminé Steve Jobs à se dire "plus jamais ça", et à prendre les mesures nécessaires pour ne plus dépendre aussi facilement du bon vouloir de ses partenaires (d'où selon lui la naissance de la suite iWork).
Jobs souligne qu'Adobe a mis bien du temps à adopter les technologies de Mac OS X, comme par exemple Cocoa. Apple elle-même propose certes toujours des logiciels qui n'en tirent pas parti, mais au moins n'a-t-elle à s'en prendre qu'à elle-même, et elle ne dépend de personne pour le faire. C'est bien ce qui lui pose problème avec les middlewares.
Quoi qu'il en soit, Jobs finit malgré tout par se contredire lui-même avec ce point précis. Alors qu'il commence sa lettre ouverte en assurant que le problème tient plus d'une question technologique que stratégique, il démontre ici que c'est bien ce dont il est question, comme d'ailleurs le patron d'Adobe ne manque pas de le souligner.
Fin des hostilités
Mais avec cette lettre, qui incarne pourtant le paroxysme du conflit, Steve Jobs met en réalité un terme définitif à la querelle. On se souvient que la présence de Flash sur l'iPad était une question en suspens durant les folles semaines de rumeur qui ont précédé son annonce, cette éventualité ne laissera désormais plus la moindre place aux spéculations. La question est définitivement close : Apple ne proposera pas Flash sur ses appareils mobiles. Avec cette réponse ferme, définitive, et tout ce qu'il y a de plus officiel, les médias n'auront plus à aborder le sujet à chaque annonce d'Apple. Adobe en a d'ailleurs pris acte par la plume de son CTO (lire Flash : le directeur technique d'Adobe referme le dossier). Il est temps de tourner la page, et pour Adobe de se consoler comme elle peut.
Nul doute cependant qu'Adobe nourrira quelque rancœur envers Apple pour avoir mis à mal son précieux standard, mais elle n'est pour l'heure guère en position de lui rendre la pareille, comme le sous-entendait perfidement Steve Jobs : Adobe a plus besoin d'Apple qu'Apple n'a besoin d'Adobe. Ça ne sera peut-être pas toujours le cas, mais d'ici là au moins, ce chapitre demeurera clos. Le seul espoir qu'il reste à Adobe de changer les choses, c'est que l'absence de Flash sur les appareils d'Apple devienne un inconvénient face à la concurrence. Jobs en a manifestement pris son parti, on pourra juger de la pertinence de ce pari dès qu'Android intégrera Flash, ce qui est promis pour le mois prochain. Si elle veut pouvoir donner tort à Steve Jobs publiquement, Adobe n'a pas droit à l'erreur, faute de quoi, c'est elle-même qui validera la politique d'Apple.