Sur la plateforme Quora, des experts, anciens employés et proches de la Pomme apportent des éléments de réponses à cette vaste question en partageant leurs expériences. Chacun y va de son anecdote et il est amusant de voir comment Apple s’y prend pour faire planer autant de mystère depuis tant d’années.
Chacun le sait, hormis les annonces officielles, il est plutôt difficile d’obtenir des informations sur Apple. Alors que Google joue la transparence avec son Google X Lab (lire X Lab : la face "cachée" de Google), les langues pendues se font rares à Cupertino. Des années 70 à aujourd’hui, Apple et ses partenaires américains ont toujours fait preuve d’une grande discrétion. La grande question a donc été posée sur Quora : comment fait Apple pour garder si bien ses secrets ? Quelques internautes, anciens employés ou proches de la compagnie, délivrent ainsi leurs anecdotes personnelles et on comprend très rapidement que Steve Jobs a donné le ton en matière de confidentialité.
Qu’il s’agisse de nouveaux produits ou de leur développement, les fans sont curieux et veulent tout savoir. Pour Apple, moins le public en sait, mieux l’entreprise se porte. Afin de rester hermétique aux fuites, la compagnie prend toutes les précautions possibles. On n'est jamais trop prudent. Les prototypes de Cupertino sont stockés dans des coffres-forts. Ces derniers sont marqués au laser d’un numéro de série et suivis par un système central baptisé iTrack. Enfin, les employés concernés n’ont évidemment pas le droit de parler de quoi que ce soit à leurs familles et amis.
Par le passé, le sujet avait été abordé par la rédaction concernant le projet Marklar (Lire OS X sur Intel : aux origines du projet Marklar [MàJ]). L’épouse de l’ingénieur JK Scheinberg expliquait entre autres qu’à la maison leur ordinateur avait été reconfiguré pour répondre aux normes de sécurité d’Apple. Plus important encore ! Quand Bertrand Serlet, alors responsable de l’ingénierie logicielle, a su qu’elle connaissait les travaux de son mari, ce dernier a clairement expliqué à JK que sa compagne devait tout oublier et qu’il ne serait pas autorisé à lui parler tant que le projet ne serait pas rendu public.
D’autres témoignages ont depuis fait leur apparition sur Quora et la confidentialité façon Apple a de quoi impressionner. Brian Hoshi, qui y a travaillé pendant plusieurs années, rapporte que la nécessité du secret est ancrée dans la culture d’entreprise. L’équipe de sécurité veille au grain et les infractions, si mineures soient-elles, sont un motif de licenciement immédiat. "Tant que vous suivez les règles de conduite, il n’y a pas de raison d’avoir peur", nuance-t-il.
Une fuite du Pentagone…
Parmi les faits les plus intéressants rapportés sur Quora, le journaliste Adam Banks a lui une histoire vraiment étonnante. Travaillant pour le magazine MacUser en 1998, il a été l’un des premiers à dévoiler avant sa sortie l’existence de l’iMac. Banks explique tout simplement que sa source travaillait au Pentagone et avait un ordinateur test en sa possession. Facile ! Le gouvernement américain devait probablement avoir d’autres secrets plus importants à protéger. Pour eux, il ne s’agissait que d’un vulgaire PC en plastique.
Le développement de produits innovants réclame un maximum de discrétion. Cupertino se doit donc d’être plus efficace que les services secrets, et ce même en interne. "Au sein de l’entreprise, certains collègues ne pourront jamais vous demander ce sur quoi vous travaillez", précise Chris Connors. "La courtoisie est réciproque, ajoute-t-il. En général, les conversations sont personnelles ou portent sur des éléments extérieurs à l’entreprise." Robert Bowdidge raconte également qu’il ne pouvait rien dire à sa femme. Il passait ses nuits à travailler à Cupertino et allait régulièrement en Grande-Bretagne pour y retrouver un partenaire d’Apple. Heureusement pour lui, son épouse travaillait pour IBM et elle comprenait l’obligation de garder certaines choses secrètes.
On comprend rapidement que le jeu du silence ne se limite pas qu’à Apple. Les partenaires et associés sont soumis aux mêmes règles. Ken Rosen un ancien employé de NeXT - société créée par Steve Jobs avant de revenir chez Apple - confie que tout était transparent en interne, mais pas vers l’extérieur. C'était le "mode Steve", raconte-t-il. Aucune information ne sort. En effet, le fondateur d’Apple estimait que cette politique pouvait être valable tant qu’il n’y avait pas de fuite. "Si un secret ne peut pas être gardé, alors nous redeviendrons une entreprise comme les autres", assure Ken Rosen. Finalement, tout ceci ne date pas d’hier et cette politique a fonctionné jusqu’à aujourd’hui. Pour l’anecdote, en 1977, alors qu’Apple n’était qu’une start-up, une affiche positionnée dans le hall disait clairement "Loose lips sink ships" (trop parler peut tuer).
Toujours prudente et parfois avec humour, la Pomme sait comment cacher ses produits en développement. Récemment, des employés de Pixar et The Foundry ont eu le privilège d’essayer le nouveau Mac Pro. Mais tester n’est pas voir (lire : Lorsque le Mac Pro était testé caché dans une armoire). Pour ne rien dévoiler du design, ces derniers n’ont eu affaire qu’à "une armoire en acier géante sur roulettes". En interne, les employés sont quelque peu habitués à ce genre de blagues. Passé maître dans l’art du camouflage, Apple s’amuse à sa manière. Avant d’être dévoilés au public, les iDevices sont d’ailleurs encastrés à même les murs à Cupertino. Le design reste ainsi inconnu. Seuls les écrans et interfaces sont accessibles, un peu comme des bornes tactiles.
Vis-à-vis d’Apple, le personnel semble être terriblement respectueux du travail effectué. Mais le secret demeure pour une autre raison. Un grand nombre de salariés ont très certainement peur de perdre leur emploi. Il est toutefois important de préciser que les fuites en rapport avec les nouveaux produits ne viennent pas des salariés d’Apple ou de ceux de leurs partenaires. On sait désormais qu’il y a eu le Pentagone, mais ce sont bien souvent des sous-traitants asiatiques. Par exemple, les ouvriers de chez Foxconn qui n’hésitent pas à revendre certaines pièces afin d’arrondir leurs fins de mois difficiles.
Avant la WWDC, les rumeurs allaient bon train, mais la compagnie a toujours su maîtriser sa communication externe. Même si Steve Jobs n’est plus, Tim Cook maintient le cap et a promis l’an dernier de "doubler la mise sur le secret entourant les produits" (lire La première année de Tim Cook à la tête d’Apple). Ceci n’empêche évidemment pas de relâcher la pression concernant la communication de l’entreprise. "Apple ne va pas changer", affirmait-il à sa nomination. Et c’est effectivement le cas concernant sa politique de confidentialité.