Ce n'est pas un scoop : Apple censure certains mots qui ne peuvent être gravés à l'arrière de l'iPad, sur l'AirTag, ou d'autres produits proposés à la gravure sur l'Apple Store. L'analyse réalisée par CitizenLab dans six boutiques en ligne — Chine, Hong Kong, Taïwan, Japon, Canada et États-Unis — montre une grande disparité dans les listes de mots censurés. Par exemple, graver « NAZI » sur un AirTag est impossible au Canada, mais elle ne pose aucun souci aux États-Unis.
Dans ces six pays, l'organisation a mis au jour 1 105 règles de filtrage de mots clé (il y en a sans doute davantage) à connotation raciste et politique, mais aussi en lien avec des événements sociaux, des technologies (sites web licencieux par exemple), ou tout simplement en rapport avec des personnalités (comme des dissidents politiques en Chine). La liste des mots testés dans chacun des pays est à consulter ici.
Pour ce qui concerne la censure en Asie, CitizenLab a observé une certaine largesse débordante de la part des censeurs d'Apple. On retrouve sur la liste de mots censurés à Taïwan et à Hong Kong des occurrences chinoises qui n'ont rien à y faire. L'entreprise ne semble pas « comprendre complètement » ce qu'elle censure, explique l'organisation. La censure sur des mots-clé n'est pas le résultat d'un examen attentif, soutient-elle, elle donne l'impression de se baser sur « d'autres sources ».
En Chine, à Taïwan et à Hong Kong, un grand nombre de mots clé bloqués par la censure d'Apple est politiquement motivée : impossible de faire graver 新聞自由 (liberté de la presse), par exemple. En Chine, 43% des mots censurés sont en lien avec le système politique du pays (Parti communiste, dirigeants politiques ou membres du gouvernement) ; 174 de ces mots s'appliquent à Hong Kong (où la censure est beaucoup moins forte que chez l'encombrant voisin), 29 à Taïwan, où la loi ne force pas à la censure politique.
Citizen Lab estime qu'Apple devrait jouer la carte de la transparence, ce qui permettrait d'expliciter pourquoi tel mot est censuré dans un pays et pas dans un autre. « Un ensemble de directives claires, cohérentes et transparentes expliquant pourquoi et comment l'entreprise modère le contenu [à graver] est donc nécessaire de toute urgence », juge l'organisation qui a envoyé un courriel à Jane Horvath lui demandant des explications sur la censure.
La directrice de la confidentialité d'Apple a répondu de manière assez générique. Elle écrit que le processus de gravure se réalise « en accord avec les valeurs [d'Apple] » (des valeurs à géométrie variable, si on comprend bien) : « Nous avons mis en place des directives pour garantir que les lois et coutumes locales soient respectées dans chaque pays et région où nous opérons ».
Techniquement, il n'existe pas de liste de mots censurés globale qui contiendrait un ensemble de termes ou de phrases interdits. Ce n'est pas un processus automatisé, il s'appuie au contraire sur une sélection manuelle et en cas de problème, des corrections peuvent être apportées. Ces décisions sont prises par les équipes locales d'Apple, en fonction de leur évaluation et des sensibilités culturelles. Des décisions qui sont revues « de temps à autre ». Horvath assure qu'« aucun tiers ou organisme gouvernemental n'est impliqué dans ce processus ».